Photo prise le 11 novembre 2005 du monument Valle de los Caidos à la mémoire des combattants du dictateur Franco, en périphérie de Madrid. (Crédit : AFP / Philippe DESMAZES)

Le nouveau gouvernement socialiste espagnol est décidé à retirer les restes du dictateur Francisco Franco de son mausolée près de Madrid pour en faire un lieu de « réconciliation » dans un pays où le débat reste entier sur le travail de mémoire.

« Il y a déjà eu un accord à la chambre des députés » sur le retrait de la dépouille située dans « la valle de los Caidos » (vallée de ceux qui sont tombés) et « ce que nous allons faire en tant que gouvernement, c’est chercher la formule pour le mettre en pratique », a déclaré lundi la vice-présidente de l’exécutif Carmen Calvo.

Une large majorité de députés – 198 sur 350 – l’avaient demandé en vain l’an dernier à l’ancien gouvernement conservateur de Mariano Rajoy.

L’objectif est de convertir le mausolée « en lieu de réconciliation (…) et non d’apologie de la dictature », a souligné de son côté Oscar Puente, porte-parole du Parti socialiste (PSOE).

Arrivé au pouvoir il y a un peu plus de deux semaines, Pedro Sanchez – qui pourrait aborder le sujet lundi soir dans le cadre de sa première interview télévisée – a donc érigé la question des restes de Franco en dossier prioritaire.

Un complexe monumental

Vainqueur d’une sanglante guerre civile (1936-1938), Francisco Franco a été chef de l’Etat espagnol de 1939 à 1975.

Le dictateur espagnol Francisco Franco en 1930, neuf ans avant qu’il ne prenne le pouvoir (Crédit : domaine public)

La « Valle de los Caidos » est un complexe monumental commémorant la guerre civile qu’il avait imaginé et fait construire, à 50 km à l’est de Madrid.

Il y est inhumé près de l’autel de la basilique surmontée d’une croix de pierre de 150 mètres de haut. Sa tombe toujours fleurie voisine avec celle du fondateur du parti fascisant de La Phalange, Jose Antonio Primo de Rivera.

Au nom d’une prétendue « réconciliation » nationale, Franco y avait par ailleurs transféré les restes de plus de 33 000 victimes – nationalistes et républicaines – de la guerre civile. Généralement sans même en avertir les familles et alors qu’entre 1941 et 1959, ce complexe fut en partie construit par des prisonniers républicains, contraints au travail forcé et parfois morts sur le chantier.

En avril, des experts avaient inspecté ce mausolée controversé pour préparer les exhumations de deux victimes de la guerre d’Espagne enterrées près de lui, les premières sur ordre de la justice.

Ce déplacement des restes de Franco mais aussi de ceux de Primo de Rivera était au centre d’une proposition de loi socialiste présentée en décembre dernier alors que le PSOE était dans l’opposition.

Il était aussi question dans ce texte de la création d’une « commission de la vérité » ou de l’annulation des décisions de justice prises durant la dictature pour des raisons politiques.

Sanchez avait présenté cette proposition dans un lieu symbolique près de Valence où plus de 2 000 républicains auraient été fusillés. « Si on ignore un passé inconfortable, on ne peut pas construire un futur confortable », avait-il alors dit.

‘Batailles culturelles, conflits artificiels’

Quarante-trois ans après la mort du dictateur, les plaies sont loin d’être refermées et la question du travail de mémoire divise toujours en Espagne.

Francisco Franco pendant un discours à EIbar en 1949 (Crédit : Indalecio Ojanguren/ CC-BY-SA 3.0)

« Le parti socialiste nous a habitués à mener ces batailles culturelles » qui « n’apportent rien à la coexistence et à la concorde », a jugé Andrea Levy, responsable du Parti Populaire (PP) de Mariano Rajoy, la formation ayant succédé à l’Alliance Populaire fondée pendant la transition démocratique par d’anciens ministres franquistes.

« L’histoire de la récente démocratie espagnole est une histoire de fraternité et de dépassement des moments les plus tristes », a-t-elle affirmé tandis que le président PP de la région de Madrid, Angel Garrido, a lui dénoncé des « conflits artificiels ».

Le parti libéral Ciudadanos a affiché en revanche son ouverture tandis que la gauche radicale de Podemos, principale force au parlement après le PSOE à avoir porté M. Sanchez au pouvoir, a salué cette initiative.

Pablo Echenique, l’un des cadres de la formation, a ainsi dénoncé la présence d’un « dictateur génocidaire dans un mausolée gigantesque à qui on rend les honneurs alors qu’il y a des dizaines de milliers de morts (républicains) dans les fosses communes ».

Dans « The Spanish Holocaust », l’historien britannique Paul Preston évalue à 200 000 les morts au combat, et avance le même chiffre pour les assassinats et les exécutions, dont 150 000 victimes des franquistes.

AFP

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