La démocratie israélienne en crise

 

La célébration de la démocratie israélienne est en règle générale l’argument ultime des discours qui défendent Israël face aux multiples discours qui ont sa destruction pour finalité, d’une façon ou d’une autre. Elle est bien évidemment fondée : Israël est le seul régime démocratique dans un espace gigantesque qui, d’ouest en est, va du Maroc à l’Inde, et, du nord au sud, de la Finlande au Kenya, ou plutôt, à ce qu’il semble aujourd’hui, l’Afrique du Sud.

Cependant, c’est du dedans même de l’évolution de la démocratie israélienne que le souci peut venir, non pour ses ennemis, mais pour ses amis (quoique pas tous des amis) au point de sonner l’alarme. Effectivement les amis de la démocratie, en Israël comme en Occident – c’est général- se divisent aujourd’hui fondamentalement sur le sens à donner à ce mot : il y a les postmodernistes, la « gauche » grosso modo qui y voit un régime fondé sur l’individualisme poussé à l’extrême et les droits de l’homme plutôt que ceux du citoyen, le recul de la nation et l’affaiblissement de l’Etat, et il y a la « droite » qui, elle, s’en tient à la version classique du régime démocratique qui s’est développé dans l’Etat-nation.

Evidemment pour les premiers les seconds sont des « fascistes »… Ce qu’il y a de nouveau dans cet état de faits c’est que la gauche s’estime, on ne sait pourquoi, incarner la « morale » sans se douter qu’elle défend une idéologie post-marxiste, comme elle fut stalinienne du temps de communisme. L’instrumentalisation de la morale et des droits de l’homme à des fins partisanes et de quête de pouvoir, est le trait dominant de cette phase de l’histoire de la démocratie. Ainsi les divergences d’opinion, normales dans un régime démocratique, prennent-elles une ampleur délirante (je pèse cet adjectif). L’alternance démocratique ne fonctionne plus.

Israël, de ce point de vue est un cas caricatural. Il faut vivre son quotidien pour en être stupéfait. Il n’y a pas de consensus dans ce pays sur des fondamentaux, sur son identité, sur la définition de l’ennemi, sur la légitimité (de la « droite »!). Les débats à la Knesset, à la télévision sont proches de la vocifération, les journaux télévisés mènent de façon permanente le procès de la droite actuellement au pouvoir, voire le procès de l’Israélien moyen, souvent  accusé de racisme (mais pas un mot sur le suprématisme islamique de toutes parts à l’œuvre), quand ils n’enquêtent pas sur des affaires mineures mais toujours au désavantage du pays; le premier ministre est l’objet d’une traque qui rappelle celle qui avait détruit Sarkozy et conduit au néant français actuel. Le multiculturalisme général de la société israélienne a conduit la minorité arabe au bord de la sécession, sous la houlette d’une liste unique à la Knesset qui ne manque pas d’adopter continûment et agressivement la défense de la cause palestinienne. Une partie du pays se sent exclue de la légitimité et de la moralité, bien qu’étant au pouvoir, un ressentiment qui a de bonnes raisons mais qui risque de la conduire à des options problématiques. Nous sommes dans une situation où – dans tous les régimes démocratiques – la posture irréaliste et utopiste de « la gauche » risque de conduire le système politique à des développements qui ne seront plus démocratiques. En France, dès le départ avec le Mitterrand de la seconde législature, c’est la politique de « la gauche » qui a été le fourrier du lepénisme.

il faut pour expliquer cette situation en Israël considérer plusieurs éléments. La polarisation de la société joue un rôle décisif: laïcs-religieux, « orientaux »- ashkénazes, Arabes-Juifs, postsionistes-sionistes divergent sur la définition même de l’identité israélienne. La rupture entre « centre-périphérie » (un nouveau concept très usité)  et entre Tel Aviv-Jérusalem traduit aussi un fossé social entre riches et pauvres, mais même au « centre » les familles ont des difficultés économiques. Le deuxième élément concerne l’élite dominante, une survivance de l’époque où le Parti travailliste dominait l’Etat dans tous ses rouages. Depuis la venue de Begin, élu des « orientaux » et des laissés pour compte, cette élite, marquée aussi « ethniquement », ne s’est jamais remise d’avoir perdu le pouvoir de sorte que tout ce qui n’est pas elle est « illégitime ». La droite, elle, n’avait pas d’élite de sorte que bien qu’elle ait accédé au pouvoir elle se retrouva sous l’hégémonie de l’ancienne élite qui accapara la légitimité, la morale, la reconnaissance internationale, la bonne conscience. Mais elle investit quelque chose de plus important: l’instance judiciaire et la Cour suprême. Et là nous avons une dysfonction majeure de la démocratie israélienne. Aharon Barak, lorsqu’il présidait la Cour Suprême, a donné à la Cour une inflexion qui l’autorise à intervenir dans tous les domaines régaliens, à retoquer une loi de la Knesset, annuler une décision du gouvernement… La saisine de la Cour ne connait pas de limites: une ribanbelle d’ONG, financées par les gouvernements européens, sont ses plus fidèles « clients », à seule fin d’entraver les décisions du gouvernement. La Cour suprême est quasiment devenue le gouvernement du pays à l’interne et à l’externe. En un mot, le pouvoir exécutif (le gouvernement) et le pouvoir législatif (la Knesset) sont sous la surveillance, plutôt orientée vers l’idéologie postmoderniste, d’un pouvoir judiciaire ni élu, ni contrôlé.

Le système politique peut exploser et ses dévoiements non « républicains » engendrer de très graves conflits socio-politiques et identitaires.

*à partir d’un article publié dans Actualité Juive le 7 septembre 2017

Par Shmuel Trigano

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Pioni

Pour assainir l’ambiance, particulierement la mainmise du Judiciaire sur le Politique, il faudrait commencer a isoler ces juges idéologiquement. Pour cela, l’ideal serait de réduire considerablement la présence et l’influence des ONGs étrangeres, et celles des Reporters et Médias étrangers. Pourquoi se gener quand la plupart des pays sont encore plus sélectifs: ne donner des accréditations qu’a ceux qui ne sont pas antisémites et antisionistes, pour commencer a faire frémir les juges et leurs minions.

LACHKAR Norbert

IL FAUT ESPERER QUE NATHANYAOU RESTE AU POUVOIR LE PLUS LONGTEMPS POSSIBLE AFIN D’EVITER QUE LA GAUCHE S’EN EMPARE,CE SERAIT MORTEL POUR ISRAEL !!!!!!!

Suzanne Ben Avraham

Ne vous inquiétez pas. Il est parti pour rester au pouvoir encore très longtemps. Qui sait? Il est peut-être en train de former son fils pour lui succéder. On aura la famille Netanyahou jusqu’à la fin des temps. Ainsi que son cortège de lèche-culs qui le soutiennent et qui puisent allègrement et sans vergogne dans le trésor public (avec la bénédiction de leur chef, bien sur, puisqu’il leur en montre le chemin).
C’est cela qui va être mortel pour Israel, mon cher Monsieur !

דוב קרבי dov kravi

Cette gramscisation des esprits, dont la presse mainstream et l' » éducation  » nationale sont les redoutables agents, est à l’œuvre partout dans le monde démocratique, comme en France et aux USA.