Le régime de Damas s’attend à une offensive rebelle en cas de frappes. Des militaires avouent leur impuissance face aux missiles de croisière. Les attaques israéliennes ont montré les failles de la défense antiaérienne. L’armée a évacué ses quartiers généraux et dispersé ses troupes

Ce ne sont pas les missiles de croisière qui font le plus peur à Salim, un milicien pro-Assad qui a participé à quelques unes des batailles les plus sanglantes de la guerre civile syrienne, c’est la perspective de voir les rebelles lancer une grande offensive dès que les frappes américaines commenceront.

Terrés dans leurs bases dont les haut-parleurs diffusent des chansons patriotiques ou dispersés dans des tentes à l’écart des cibles les plus probables, les soldats syriens se préparent à subir une attaque américaine contre laquelle ils avouent leur impuissance.

L’armée régulière a reçu l’ordre de tenir ses positions. Les quartiers généraux ont été évacués, les unités d’infanterie fractionnées en petits groupes, les hôpitaux et stations radars placés en état d’alerte maximum.
« Je suis plus inquiet aujourd’hui que je ne l’ai jamais été pendant les batailles de Koussaïr et Khalidiya », confie Salim, qui a participé ces derniers mois aux offensives victorieuses des troupes de Bachar al Assad et de leurs alliés du Hezbollah contre la ville frontalière du Liban et le quartier de la ville de Homs.

« S’il y a une frappe étrangère et si les rebelles arrivent à lancer une attaque en même temps, les combats atteindront un niveau sans précédent. Mais j’ai davantage peur des mortiers des rebelles que des missiles américains », ajoute-t-il.

La douzaine de soldats, d’officiers et de miliciens pro-Assad interrogés ces derniers jours ont tous exprimé la même nervosité à la perspective de frappes américaines.

La plupart ont été interviewés par un journaliste syrien travaillant pour Reuters à Beyrouth, dont l’identité est tenue secrète pour raisons de sécurité, de même que celle des soldats.

La plus grande crainte des forces gouvernementales ne semble pas tant être les frappes américaines, dont Barack Obama a dit à plusieurs reprises qu’elles seraient « limitées », que l’élan que celles-ci pourraient donner aux insurgés.

Malgré les menaces de Damas, qui a promis de sévères pertes aux Etats-Unis, les officiers subalternes joints par Reuters disent ne pas avoir les moyens de tenir tête à la superpuissance américaine.

« DANS UN MAUVAIS FILM »

« Nos petites vedettes ont été déployées au large de la côte, mais pour quoi faire? Défier les destroyers américains? J’ai l’impression d’être dans un mauvais film », dit un marin syrien contacté sur son navire en Méditerranée.
« Je suis inquiet, évidemment. Je sais que nous n’avons pas les moyens d’affronter les Américains. Nous n’avons que Dieu. »

La décision de Barack Obama de repousser les frappes pour demander le feu vert du Congrès américain de « sanctionner » le régime de Damas après l’attaque chimique présumée du 21 août, a provoqué des scènes de liesse dans les rangs gouvernementaux.

Un habitant de Joumaïra, dans la banlieue de Damas, raconte que les soldats d’un complexe militaire du quartier ont dansé dans la rue en buvant de l’alcool et en fumant le narguilé, la traditionnelle pipe à eau orientale.

Mais si la reculade d’Obama a été présentée par le régime comme une « grande victoire », les soldats syriens sont conscients qu’il ne s’agissait sans doute que d’un sursis et continuent donc à se préparer aux frappes.
Dans un hôpital militaire de Damas, un médecin dit ne pas avoir connu de situation d’alerte aussi élevée depuis la guerre en Irak en 2003. Les stocks de médicaments des dispensaires et des hôpitaux de campagne ont été reconstitués, dit-il, et les ambulances équipées pour les opérations d’urgence.

Sur le terrain, les officiers ont reçu pour consigne de disperser leurs troupes et de les éloigner des cibles potentielles des missiles.

Dans la région centrale de Homs, un colonel explique que les 20.000 soldats d’une division d’infanterie ont été répartis dans de petits camps, tandis que de l’essence, de la nourriture et des armes ont été entreposées dans des lieux secrets.

« Nous ne sommes pas idiots. Nous avons évacué nos quartiers généraux et dispersé notre personnel », dit l’officier, ajoutant que la guérilla urbaine a déjà poussé depuis plusieurs mois l’armée syrienne à se réorganiser en « petites unités mobiles de 20 à 50 hommes ».

Homs, verrou sur l’axe stratégique entre Damas et la côte méditerranéenne, bastion de la minorité alaouite de Bachar al Assad, mais aussi entre le nord et le sud du pays, est l’un des secteurs où l’armée régulière s’attend le plus à une contre-offensive des insurgés.

DÉFENSE ANTIAÉRIENNE LIMITÉE

« La région entre Homs et Damas est notre principale source d’inquiétude », admet le colonel. « Si Homs tombe (aux mains des insurgés), cela pourrait ouvrir la route aux rebelles entre le Nord et le Sud, et leur rouvrir la route vers le Liban. »

Selon cet officier, la menace de frappes américaines a resserré les rangs au sein de l’armée entre officiers alaouites et soldats majoritairement sunnites.

« Nous sommes dans la même tranchée, donc les tensions confessionnelles s’estompent parce que la menace est la même pour tout le monde. Les missiles de croisière ne font pas la différence entre un sunnite et un alaouite. J’ai trois soldats sunnites dans mon bureau. Je ne les vois plus comme une menace, mais comme mes enfants. »

Le régime de Damas ne peut qu’espérer que les frappes ne seront pas suffisamment soutenues pour changer le cours de la guerre, qui a plutôt penché ces derniers mois en faveur des forces gouvernementales, nettement mieux équipées que les rebelles.

Car l’armée d’Assad ne pourra sans doute pas opposer une grande résistance à une attaque américaine, susceptible de se concentrer sur les 26 bases aériennes encore sous son contrôle et qui lui confèrent pour le moment un avantage décisif.

En bombardant Damas à plusieurs reprises ces dernières années, la chasse israélienne a montré que la défense antiaérienne syrienne n’est pas de la plus grande efficacité, a fortiori contre des missiles de croisière.

« Il y a beaucoup de trous dans notre système de défense », reconnaît un colonel de l’armée de l’air à Damas, rappelant que les défenses antiaériennes ont été démantelées dans les zones tenues par les insurgés.
L’officier assure que le régime a élaboré plusieurs « plans de riposte », tout en avouant ne pas savoir en quoi ils consistent. « Mais nous n’allons pas rester les bras croisés », promet-il.

08/09 | 17:23 Reuters.

lesechos.fr Article original

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