Nissim Zvili – Ambassadeur d’Israël en France
(Yom Hazikaron 2005)
En cette fin de mois d’Avril, les commémorations se succèdent en Israël. A travers trois cérémonies, Yom Hashoah, la journée de la Shoah, Yom Hazikaron, la journée du Souvenir et Yom Haatsmaout, la fête de l’indépendance, c’est toute l’histoire du peuple juif que nous nous remémorons.
Yom Hashoah tout d’abord, nous rappelle le cataclysme, l’horreur des camps de la mort, la folie des hommes, leur bestialité, face à 6 millions de Juifs juste coupables d’être Juifs. Nous n’oublierons jamais ce qui a été fait à notre peuple et nous ne laisserons plus jamais toucher impunément à la vie d’un Juif.
Après la Shoah, vint le temps de la reconstruction et celui de la renaissance d’Israël, redonnant un souffle d’espoir à ceux qui avaient tout perdu.
Immédiatement après sa création, le jeune Etat du faire face à des guerres qu’il ne pouvait pas perdre. Il en allait de sa survie. Aujourd’hui, la situation n’a pas changé et c’est pour cela que seule prime la sécurité d’Israël et des ses citoyens.
Malheureusement, les guerres qu’a du livrer Israël ont fait de nombreuses victimes. C’est à elles que nous pensons aujourd’hui, Yom Hazikaron, journée du Souvenir. Outre les soldats tombés sur le champ de bataille, d’autres personnes sont venues allonger cette longue liste : les victimes des attentats.
« Auparavant » me disait un jeune israélien de 12 ans « on parlait des anciens combattants comme en France on parle des victimes de 14-18 ou de 39-45, aujourd’hui on parle des enfants qui ne sont plus assis à côté de nous sur les bancs de l’école, parce qu’ils ont pris le mauvais autobus à la mauvaise heure pour venir à l’école. »
C’est à eux que nous pensons également aujourd’hui, dans cette guerre qui nous frappe quotidiennement et nous enlève des êtres chers.
Le jour de Yom Hazikaron tout se fige en Israël, des larmes coulent des yeux de ceux qui ont perdu un enfant, un mari ou une amie, dans un si petit pays ou tous ou presque ont été touchés.
Mais, Israël et le peuple Juif privilégient la vie tandis que d’autres privilégient la mort. C’est pourquoi, dès demain, les larmes auront laissé la place aux rires et à la joie pour célébrer, Yom Haatsmaout, l’anniversaire de l’Etat d’Israël.
Nous pouvons être fiers, malgré les embûches et sans avoir sacrifié à notre éthique et nos valeurs morales, d’avoir construit en 56 ans un Etat moderne et démocratique, à la pointe dans les domaines des sciences et des technologies.
Nous pouvons être fiers d’avoir intégré avec succès des immigrants du monde entier, de langues et de culture différentes.
Néanmoins, nous savons bien que cette lutte n’est pas terminée, que l’essentiel n’a pas encore été atteint : la Paix. Mais nous sommes déterminés et nous savons que nous y parviendrons, car nous savons qu’il n’y a d’avenir que dans la paix.
Puisse- t’elle se réaliser le plus rapidement possible.
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Moïse COHEN – Président du Consistoire
(Yom Hazikaron 2005)
Le Consistoire de Paris a introduit dans le calendrier les 4 temps forts de l’histoire contemporaine de notre peuple :
• Le YOM HASHOAH, période noire de l’humanité où 6 millions des nôtres périrent dans les chambres à gaz et les fours crématoires.
• Le YOM HAZIKARON, commémorant le sacrifice des soldats pour la défense de la terre d’Israël.
• Le YOM HAATSMAOUT, célébrant l’indépendance d’Israël.
• et Le YOM YERUSCHALAÏM, au sommet de notre joie.
La semaine dernière nous évoquions le 60ème anniversaire de l’ouverture des camps de concentration et la fin de la 2ème guerre mondiale.
Ce soir, nos pensées vont vers les hommes et les femmes qui ont donné leur vie pour défendre la terre de leurs ancêtres, une terre que D.ieu a réservé pour son peuple, une terre où aujourd’hui encore l’âme d’Israël palpite du firmament au crépuscule.
Ce soir, nous prenons conscience de la valeur de ces soldats qui, jour après jour, protègent la vie des israéliens au péril de leur propre existence.
Parce qu’ils ont cru dans la renaissance de l’état hébreu et parce qu’ils savent que cette petite nation ne peut compter que sur elle-même, ils défendent bec et ongles chaque pouce de terrain.
Nombreux sont parmi eux les jeunes qui sont morts, en combattant loyalement.
Nombreux sont ceux qui ont péri par la main des kamikazes.
Nombreux sont ceux qui ont disparu lors d’un attentat.
Ce YOM HAZIKARON est l’occasion pour nous, qui vivons en diaspora, de mesurer l’ampleur du dévouement et du sacrifice de tous ces hommes qui ont accompli des actes de bravoure, dignes des plus grands soldats, tout en se comportant de manière digne et intègre.
Ce soir, je voudrais avoir une pensée particulière pour Ezer WEIZMAN, ancien Président de l’Etat d’Israël, qui nous est parti, il y a un an.
Soldat de légende, Chef de l’Armée de l’Air, il fut l’artisan de l’écrasante victoire israélienne de 1967. Son départ de la vie politique en 2000 ne doit pas nous faire oublier ses exploits militaires et sa bravoure. Mais il ne fut pas le seul et Tsahal a toujours compté dans ses rangs des hommes courageux, audacieux et déterminés.
Mais ce qui distingue l’armée d’Israël, c’est qu’elle ne perd jamais sa profonde humanité et le sentiment qu’elle a de lutter pour une cause noble et juste.
Je voudrais vous en donner la preuve par ce témoignage du Général Uzi NARKISS, commandant les troupes israéliennes qui, le 28 Iyar, libérèrent Jérusalem.
Ce jour là Jérusalem…
9h45. Le convoi du PC s’installe sur le mont Scopus.
La ville s’étend à nos pieds.
On distingue la fumée qui monte de la Vieille Ville. Nous fonçons sur le versant de la colline, mon cœur bat à tout rompre.
Nous entrons dans la vieille ville.
Une colonne de parachutistes va vers la zone bâtie au bas de la route. Nous grimpons dans les jeeps et fonçons.
Nous dépassons une colonne de parachutistes. A leur tête marche – ou plutôt court – l’aumônier général, le rabbin GOREN. Un rouleau de la Loi sous le bras. Il tient un schofar de la main gauche. Sa barbe est dressée comme une pointe de javelot. Il est essoufflé, couvert de suie et en sueur.
J’appelle Motta :
– Où es-tu ?
– Dans la cour du Temple… elle est entre nos mains
– Répète !
– Je répète : la cour du Temple est entre nos mains. Je suis près de la mosquée d’Omar… à côté du Mur !
Nous montons par un sentier étroit. La porte des Lions est devant nous !
Nous nous hâtons vers la cour du Temple où nous retrouvons Motta GOUR et bientôt Moshé STEMPEL. Sur l’esplanade, le drapeau israélien flotte déjà !
Le Grand Rabbin GOREN arrive. On s’embrasse. Il se jette à terre et se prosterne en direction de l’emplacement du Saint des Saints. Puis il lance à pleine voix l’antique prière de guerre :
« Ecoute Israël ! Vous êtes aujourd’hui en guerre avec vos ennemis. Que vos cœurs ne craignent point, vous n’avez pas lieu de vous effrayer ou de trembler devant eux ! C’est au nom de l’Eternel que nous luttons, et nous vaincrons. C’est à l’Eternel qu’appartient le salut ! ».
Je parcours rapidement la mosquée, heureux qu’elle n’ait absolument pas souffert des combats. Seule une porte en verre a été brisée et, cependant, il y a eu de la résistance à l’intérieur.
Je confirme à Motta l’ordre de veiller avec rigueur sur les Lieux saints. Le nettoyage de la Vieille Ville se poursuit.
Impatients, tendus, nous descendons les marches, courons dans la venelle sinueuse, à droite puis encore à droite, vers la porte des Maghrébins. Soudain… le Mur est là, devant nous. Je tremble. Le voici tel que je l’ai connu. Immense et puissant, dans toute sa splendeur. Ses lourdes pierres taillées, les unes sur les autres… et les noms qui y sont gravés.
Sous le choc, je baisse la tête en silence. Dans l’impasse étroite : les parachutistes. Sales, fatigués, croulant sous le poids de leurs armes, ils pleurent. Mais ce ne sont pas les pleurs du Mur des Lamentations. Ce ne sont pas ces pleurs que le Mur a connus pendant deux mille ans. Ce sont des pleurs d’un autre genre, des pleurs d’émotion, les pleurs d’un bouleversement profond dû à ces retrouvailles avec une muraille antique et majestueuse. Ils se laissent aller à leur émoi et embrassent les pierres. Ces parachutistes durs et aguerris ont des prières aux lèvres. On a l’impression qu’ils sont de retour au sanctuaire.
Les dominant tous, GOREN, enveloppé dans son talith sonne du chofar et rugit comme un lion : « Bénis sois-tu Eternel, qui console Sion et reconstruis Jérusalem. Amen ! ».
Il m’aperçoit, me saisit par le bras et me donne deux baisers retentissants ! Tout le monde s’embrasse… Comme s’il avait attendu cet instant toute sa vie, GOREN récite le Kaddish et El Malé Rahamim à la mémoire des combattants qui ont donné leur vie pour la sanctification du Nom et la libération du Sanctuaire, de l’esplanade du Temple, de Jérusalem, Cité de D.ieu.
«Puissent-ils reposer en paix au Paradis… Amen».
Les pleurs longtemps contenus se transforment en sanglots. Il devint impossible de contrôler ses sentiments. La joie, la tristesse, l’émotion, le bonheur, la douleur, tout cela s’exprime avec des larmes qui coulent sur le visage de chacun. Le Chofar retentit. Une longue sonnerie suivie de saccades. GOREN continue de hurler comme si telle était sa mission :
« Cette année, en ce moment, à Jérusalem ! »
J’ai pu me dominer jusqu’à cet instant précis. La gorge nouée, je commande :
– Garde à vous !… Présentez… armes !
– Et nous chantons la Hatikvah, ajoute Bar Lev, ému.
Nous chantons, et les parachutistes entonnent avec nous l’hymne national. |