Bien avant 2027, le camp Macron près d’exploser

Les élus Renaissance accusent désormais leurs camarades de « déloy­auté». Les seconds reprochent aux ­premiers de se comporter en «tout-puissants». Stephane Mouchmouche / Hans Lucas via Reuters Connect

DÉCRYPTAGE – Bras d’honneur de Dupond-Moretti, voix tremblante d’Aurore Bergé… Le parti présidentiel connaît une longue série de contrariétés et de tensions.

Les mains tremblantes, les larmes aux yeux, Aurore Bergé s’est approchée du micro de l’Assemblée nationale. Ce mardi 7 mars, dans une atmosphère chaotique, la patronne des députés Renaissance sent les débats lui échapper. «Oui, je sais exactement de quoi je parle quand je parle de violences conjugales!», lance-t-elle devant des Insoumis survoltés, en tentant de garder la face. En aparté, un voisin l’a vu souffler un peu plus tôt: «Je craque. Vraiment là, je craque.»

La chef du groupe majoritaire rêvait de voir adoptée sa proposition de loi, visant à élargir la peine d’inéligibilité automatique aux auteurs de violences aggravées. Mais elle n’avait pas prévu qu’un double bras d’honneur du garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti au chef des députés
Les Républicains (LR), Olivier Marleix, enflammerait le Palais Bourbon. Ni que ses alliés MoDem et Horizons lui infligeraient un revers. Le couperet tombe vers 20 heures: son texte est rejeté par 140 voix contre 113. Face aux oppositions, Aurore Bergé n’a pas pu compter sur les voix cruciales de ses partenaires. Ils ont majoritairement voté contre son initiative, pourtant soutenue par le gouvernement.

Entre les alliés de la coalition présidentielle, ce nouvel épisode vient nourrir une longue série de contrariétés et de tensions. Les élus Renaissance accusent désormais leurs camarades de «déloyauté». Les seconds reprochent aux premiers de se comporter en «tout-puissants», comme au temps de la majorité absolue. Les plus pessimistes sont formels : le divorce est consommé. «Nos partenaires ne se sentent plus tenus par rien», s’inquiète un soutien d’Emmanuel Macron à l’Assemblée, dans une majorité relative censée «faire bloc» depuis l’échec des législatives.

Où sont passés les députés présentés comme dévoués corps et âme au président? En plein débat sur les retraites, il n’a pas échappé au chef de l’État qu’une douzaine de «frondeurs» macronistes se sont manifestés. Y compris dans les rangs de Renaissance, où l’ancienne ministre Barbara Pompili a annoncé mardi qu’elle ne votera pas pour la réforme. Aurore Bergé a beau menacer les élus récalcitrants – opposants ou abstentionnistes – d’exclusion, c’est comme si la figure d’Emmanuel Macron ne suffisait plus à faire autorité.

Absence de chef pour 2027

Dans le camp du chef de l’État, certains attribuent ces tourments à l’incertitude autour de la prochaine élection présidentielle. «Le problème des élus Renaissance, c’est qu’ils ne savent pas quel est leur chef pour 2027», observe le député Jean-Louis Bourlanges, président (MoDem) de la commission des affaires étrangères. «Tous les députés de la majorité savent qu’ils seront élus ou battus en 2027 sous un président qui ne sera pas Macron.»

Les centristes du MoDem ont déjà leur leader – François Bayrou. Les philippistes d’Horizons aussi – Édouard Philippe. Mais, avec l’impossibilité d’une réélection d’Emmanuel Macron, une part de ce qui cimentait ses troupes se serait érodée. Et l’Assemblée nationale se serait déjà transformée en antichambre de la bataille pour l’Élysée. Par troupes interposées.

Certains s’efforcent de donner à Édouard Philippe le moins d’espace ­possible Frédéric Valletoux, porte-parole des ­députés philippistes

Au Palais Bourbon, un énième acte des rivalités entre les soutiens d’Emmanuel Macron et ceux d’Édouard Philippe a laissé des traces. Encouragés par l’ancien premier ministre, soucieux d’envoyer des signaux en vue de 2027, les députés Horizons ont tenté de mener une offensive à droite en proposant d’instaurer des «peines minimales» pour certains récidivistes. Contre l’avis de l’exécutif.

Mais leur opération a été mise en échec le 2 mars par leurs alliés Renaissance et MoDem, au terme d’une séance houleuse dans l’Hémicycle – répétition d’un premier camouflet infligé en commission. «J’ai été moins bien traitée que l’auraient été des socialistes!», s’est indignée en privé la vice-présidente (Horizons) de l’Assemblée, Naïma Moutchou, à l’origine du texte.

«Certains s’efforcent de donner à Édouard Philippe le moins d’espace possible», estime le porte-parole des députés philippistes, Frédéric Valletoux. «Mais, à terme, ceux qui pensent enjamber Horizons devront changer leurs plans.» Dans les couloirs de l’Assemblée, les relations sont devenues glaciales entre Aurore Bergé et le chef du groupe Horizons, Laurent Marcangeli.

Utiliser la «méthode forte»

Une «photo de famille» suffira-t-elle à resserrer les rangs? Édouard Philippe, François Bayrou et le patron du parti Renaissance, Stéphane Séjourné, ont prévu de s’afficher côte à côte le 21 mars, au siège du MoDem, à Paris. La première ministre, Élisabeth Borne, pourrait se joindre à eux.

Est-ce que cette Assemblée nationale, dans sa composition actuelle, dans la conduite qu’elle a aujourd’hui, peut durer cinq ans ? À titre ­personnel, j’en doute

­François Patriat, patron des sénateurs Renaissance

Mais plusieurs macronistes imaginent une reprise en main par la méthode forte, face à l’ampleur des tensions internes et des attaques des oppositions. Au point d’envisager une dissolution et des législatives anticipées. «Est-ce que cette Assemblée nationale, dans sa composition actuelle, dans la conduite qu’elle a aujourd’hui, peut durer cinq ans? À titre personnel, j’en doute», a affirmé lundi le patron des sénateurs Renaissance, François Patriat, sur LCP-Public-Sénat-Figaro Live. D’autres appellent à ouvrir un nouveau chapitre plus «consensuel» en abordant les thématiques du travail ou de l’écologie.

Pour l’heure, les membres de la coalition présidentielle se préparent à tester à nouveau leur unité lors du vote final sur la réforme des retraites – peut-être jeudi 16 mars. Ce scrutin «conditionne la poursuite de notre action politique», a insisté mardi, devant les députés Renaissance, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet. Plus alarmistes, des dirigeants macronistes s’inquiètent de voir leurs adversaires profiter de leurs divisions.
Avec le souvenir de la mise en garde d’Emmanuel Macron en septembre, dans une vidéo diffusée lors du congrès fondateur de Renaissance: «Sans l’unité, les extrêmes l’emporteront.»

Par Loris Boichot  www.lefigaro.fr

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