Le Prof. Eric Marty, le grand spécialiste de Roland Barthes, était le lundi 24 novembre 2019, l’invité du Département de culture française de l’Université de Tel-Aviv, où il a donné une conférence sur le thème: « Roland Barthes: littérature, philosophie et antiphilosophie ».
La rencontre, initiée par le Club littéraire jurassien et son Président Vincent Froté, et organisée en collaboration avec l’Association des Amis francophones de l’université, s’est déroulée en présence de l’Ambassadeur de France en Israël Eric Danon et de son épouse. Elle a été présentée par le Prof. Nadine Kuperty-Tsur, directrice du Département.

 

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« C’est un très grand plaisir que d’accueillir un ami d’Israël et l’un des universitaires qui font si bien le lien entre les deux pays », a déclaré l’Ambassadeur en ouverture de la conférence.

Le Prof. Kuperty –Tsur ensuite introduit Éric Marty, professeur de littérature française contemporaine à l’université Paris Diderot, essayiste, romancier, poète, auteur de pièces radiophoniques et éditeur des œuvres complètes de Roland Barthes.

Après avoir présenté sa rencontre exceptionnelle avec l’écrivain, qui a changé le cours de sa vie, elle insiste sur son engagement en faveur d’Israël, qui s’est manifesté notamment dans ses deux ouvrages Bref séjour à Jérusalem (2003) et Une querelle avec Alain Badiou (2007), ainsi que ses prises de position contre la campagne anti-israélienne du mouvement BDS (Boycott, désinvestissement, sanctions).

« Penser avec Barthes »

« Mon rapport avec ce pays est plus poétique que politique », a déclaré le Prof. Marty

« Ecrire, s’est engager sa propre personne, sa manière d’être. Israël me met en état d’écrire à chaque fois que j’y suis. Pour moi ce sont des visages, des paysages, des lieux, une certaine façon d’être, un certain rapport à l’histoire. J’ai un rapport inspiré avec le peuple d’Israël « . 

Comme il l’a expliqué, la conférence a été centrée non pas tant sur l’œuvre de Barthes que sur sa pensée :  » A mesure que Barthes s’éloigne de nous, j’ai envie de penser non plus sur lui, mais avec lui « .

Selon lui, le contexte des années 1950 à 1980, dans lesquelles s’est développée toute l’œuvre de Roland Barthes, lui ont permis de prendre une position centrale dans le discours de la modernité :  » Ce sont des années d’éclatement des savoirs, des paroles et des écritures, un moment de très grande liberté, de déconstruction des discours. C’est cela qui  permis à Barthes de trouver sa place ».

Marty10La première partie de la conférence fut consacrée à la position de Barthes par rapport à la philosophie.

Le Prof. Marty rappelle la phrase de l’écrivain à la fin de sa vie :  » Jamais un philosophe ne fut mon guide « .

Il n’en reste pas moins qu’il éprouva toujours le besoin de se situer par rapport à la philosophie à la fois comme langage et comme discours, tout en refusant de s’identifier à la figure du philosophe.

En effet, Barthes qui fut «  l’un des démolisseurs de la société française et de ses signes aliénants « , abandonne peu à peu la position critique qu’il avait adopté au début et qui fut celle des intellectuels de son époque, pour prendre celle de l’antiphilosophe adepte du ‘rien-faire’, forme d’oisiveté philosophique :  » soit l’on considère que le réel n’est que construction idéologique et sociale, et par conséquent la position du philosophe se doit effectivement d’être critique, soit il est totalement impénétrable, et alors il faut ‘poétiser’, rechercher le sens inaliénable des choses. L’intellectuel est alors en position d’accueillir ce sens, d’où l’idée du ‘rien-faire philosophique’, sorte d’oisiveté métaphysique, d’existence minimale dans le sens des philosophies orientales « .

Le « rien-faire philosophique »

Dans la seconde partie de la conférence, le Prof. Marty s’attache à la figure du philosophe. L’autoportrait Roland Barthes par Roland Barthes pastiche le dialogue entre Criton et Socrate avant la mort de celui-ci : Barthes met en scène le bel Alcibiade qui séduit Socrate et le convainc de ne pas mourir.

 » La philosophie juste, celle de Socrate, devient liée à la jouissance et s’oppose à celle de l’Europe déviée, morbide et mensongère. C’est celle de l’antiphilosophe, celui qui ne renonce pas à Alcibiade mais au contraire cède à son désir. Par là Barthes rejoint la métaphysique de Heidegger sur l’’être-là’, l’être humain dans son existence ici et maintenant « . C’est dans cette optique que Barthes développe la notion de neutre, de ‘non-vouloir-saisir’ :  » Pour Barthes, le langage nous envahit lourdement, le monde est trop expressif et l’écrivain doit parvenir à ‘inexprimer l’exprimable’, à amaigrir le trop-plein « .

 » Le rien-faire philosophique est l’horizon possible de toute pensée « , conclut Eric Marty.  » Il est l’expression d’une liberté de pensée totale, car aucun concept ne peut le sanctionner. En cela la démarche adoptée par Barthes est la plus moderne et la plus difficile « .

La conférence a été suivie d’une séance de questions-réponses avec la salle, les nombreuses interventions montrant l’intérêt éveillé au sein du public par cette très riche présentation.

Source: www.ami-universite-telaviv.com

Photos:

1. Le Prof. Nadine Kuperty-Tsur et le Prof. Eric Marty.

2. L’Ambassadeur de france en Israël Eric Danon.

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Franck.

Eric Marty a écrit des ouvrages formidables où il règle son compte à l’antisémitisme de Jean Genet et de Badiou