TaZRia: au delà des mots et des apparences, voir le Machiah

Cette section de la Tora, Tazria, ressemble à première vue à un guide médical.

On y parle de différentes plaies sur la peau, qui peuvent dans certaines situations, rendre la personne « lépreuse ».

Les Sages nous expliquent que la צרעת tsara’at, traduite communément par « lèpre », frappait l’individu à la suite d’une mauvaise utilisation du langage.

En effet, ils rapprochent le terme de מצרע métsor’a, lépreux,de רע מוציא ש motsi chem r’a, celui qui fait sortir un mauvais nom,littéralement (Arakhin 15a).

De façon imagée, le langage est comme le bras de la pensée, il en est son prolongement. Tant que nous restons dans la sphère de la pensée, nous demeurons dans le potentiel. Mais la parole réalise à l’extérieur la pensée de façon effective.

Le roi Salomon disait que la vie et la mort sont au pouvoir de la langue (Prov 18,21). Vie d’un côté, mort de l’autre.

Ce concept opposé se retrouve dans les 3 lettres suivantes : נ Noun ג Guimel ע ’Aïn. Quand elles sont lues dans cet ordre,elles forment le mot נגע nég’a, plaie, que l’on rencontre dans notre paracha, pour désigner la « plaie de lèpre » Par contre, les mêmes lettres dans un autre ordre

ע ’Aïn נ Noun ג Guimel forment le mot ענג ’oneg, délice. Délice d’un côté, plaie de l’autre.

Le Ba’al Chem Tov disait que chaque jour Hachem envoie dans son monde des lettres, qui se combinent pour le meilleur …ou pour le pire. Les Justes sont à même de percevoir ces combinaisons et les transforment en bien, de façon à faire venir la bénédiction.

Ainsi, une situation très négative, נגע nég’a, peut être adoucie en ענג ’oneg. Celui qui utilise le langage de façon négative a altéré son regard sur le monde, sur les autres.

Car מצרע metsor’a c’est aussi מוצא רע motsé r’a, celui qui trouve le mal, c’est-à-dire celui qui perçoit le mal en l’autre, et seulement le mal. Il ne s’arrête pas à la pensée négative elle-même, qu’il ne s’efforce même pas d’adoucir, en essayant de trouver des motifs ou mobiles de pardon ou autre, mais il finit par faire sortir à l’extérieur cette mauvaise parole.

Vous remarquerez que dans le mot נגע nég’a, la lettre ע ’Aïn,qui signifie l’œil, se trouve être la dernière lettre du mot, alors que dans ענג ’oneg, elle se trouve à la première place.

Quand l’homme place un regard de vérité à la tête et non à la queue, il voit en toute situation le bien qu’elle comporte. Il se rattache alors à ce qui transcende ce monde, le monde à venir, dont il est dit (Is 64,3) : « Aucun œil n’a vu si ce n’est Toi Éternel ». Par contre, quand la véritable perception des choses est altérée, et repoussée à la queue, l’homme doit s’attendre à de réelles souffrances. Réelles souffrances, car l’homme a fait prédominer dans le mot נגע nég’a le נ Noun et le ג Guimel sur la lettre ע ’Aïn, laquelle est repoussée à la fin du mot.

Le נ Noun symbolise la chute, comme dans le verset(Ps 145,14) : « Hachem soutient tous ceux qui tombent ( הנפלי ) ».

Le ג Guimel représente ici les biens matériels qui s’accumulent, à l’image du chameau גמל gamal qui accumule des réserves d’eau et de graisse sur son dos.

Car l’homme est alors pris dans le tourbillon de ce monde et oublie le ע ’Aïn, le regard de vérité qu’il doit porter sur ce monde.

A l’opposé, l’homme clairvoyant sait que la souffrance peut aussi le toucher, mais il sait vers qui se tourner, pour l’adoucir : Hachem, la Tora et les Mitsvot.

Il se rappelle sa destinée éternelle et le but de sa venue dans ce monde : תקו TIKOUN. RÉPARATION.

Ainsi il est bon, enseignait Rabbi Na’hman de Breslev de faire de notre première pensée de la journée une pensée pour le monde à venir, car disait-il, tout dépend du début.

Et si le début n’est pas bon, à D.ieu ne plaise, il nous faut alors prendre un nouveau départ, plein de promesses et d’espoir.

Le lépreux est donc celui dont la connaissance est manquante, défectueuse, il se cache la lumière, et préfère rester confiné dans des ténèbres tranquillisantes et rassurantes. D’ailleurs, les lettres du mot מצורע métsora forment les mots עור ’or – מ mots: peau – écorce, ce qui implique un écran qui voile la lumière et l’empêche de briller de tout son éclat, comme mentionné dans le sefer hamidot.

Pour finir, d’étonnants commentaires (dont se font l’écho certains récits hassidiques) expliquent que le Machia’h sera … lépreux ! Lépreux, comme il est dit (Isaïe 53,3) : וידוע חלי vidou’a ’holi, qui « connaît la maladie ». Lépreux car vu dans le regard altéré des autres.

Car celui qui voit en vérité, perçoit le Machia’h comme ענג ’oneg, délice.

Par contre, celui qui est engoncé dans les fausses valeurs de ce monde, perçoit en Machia’h נגע nég’a, la plaie.

Il le voit comme un vagabond, comme un pauvre, à qui on hésite à donner une pièce, tellement il nous semble insignifiant, à D.ieu ne plaise … Mais pour accéder au פני panim du Machia’h, à découvrir son identité, il faut avoir conservé son regard, regard de vérité. C’est alors qu’il se révélera comme le roi juste que nous attendons.

Tout ceci est inscrit allusivement dans le verset suivant (Zac 9,9): צדיק ונושע הוא עני ורכב על חמור יבוא ל הנה מלכ

« (…) Voici ton roi juste et victorieux, pauvre, chevauchant un âne (…) ». L’âne, חמור ’hamor, est relié à חמר ’homer, la matérialité.

Le Rédempteur est au-dessus d’elle, il la domine. הנה « voici » c’est l’aspect de la vision. מלכ « ton roi » car la vision est alors placée à la tête. צדיק ונושע « juste et victorieux » l’aspect de ענג ’oneg. עני « pauvre » l’aspect de נגע nég’a. רכב על חמור « chevauchant un âne » domine la matière, représentée par les lettres נ Noun et ג Guimel.

Le משיח Machia’h, qui porte le langage en lui – משיח mésia’h signifie celui qui parle – peut donc passer près de nous sans que nous nous en rendions compte … A nous de relever le défi : purifier notre regard, notre perception du monde et des autres : voir simplement le bien !

Alors nous serons prêts à le voir.

A retenir :

1) Faisons attention à notre langue ! Combien de disputes ou de malentendus auraient pu être évités si l’individu s’était retenu de parler … Un sage disait : « L’homme est maître de sa parole tant qu’il ne l’a pas prononcée. Une fois qu’elle a franchi le seuil de ses lèvres, il devient son esclave ».

2) S’il nous est arrivé de transgresser les lois du langage, renforçons-nous malgré tout : multiplions les paroles de sainteté, Tora et prière, afin de sanctifier à nouveau notre bouche.

3) Étudions régulièrement les lois ayant trait au langage :

C’est en revoyant fréquemment ces règles que l’on parviendra à sanctifier notre bouche. Nos paroles de Tora et de prières, purifiées, atteindront alors leur cible

 Samuel Darmon 

 

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