Je viens de claquer la porte de ma petite auto garée dans le parking de Mamilla.

D’un pas résolu je traverse le célèbre Canyon du même nom quasiment désert, sans m’arrêter devant les luxueuses vitrines des boutiques fermées traditionnellement le Shabbat.

Autant ce côté moderne de Jérusalem est désert, autant celui de la vieille ville est vivant, sitôt passée la porte de Jaffa.Groupes hétéroclites

Je regarde tout ce qui m’entoure avec les yeux d’un quidam-touriste, ce promeneur discret mais fouineur parce qu’intéressé par le vécu de cette ville sacrée, ravi d’en voler un instant d’éternité, un arrêt sur image emprunté au courant d’un film intangible sans début ni fin.

Là se croise une foultitude de petits groupes constitués d’éléments disparates, le plus souvent étrangement étrangers les uns aux autres, hétérogènes autant qu’hétéroclites !

De petits groupes de chrétiens, croix bien en évidence sur la poitrine, encadrés, «dirigés» (au sens propre comme au sens figuré) par des «frères» tout de noir vêtus avec col romain ou même habillés de la soutane des intégristes de monseigneur Lefèbvre, traversent les souks colorés pour rejoindre le quartier de la Via Dolorosa, marcher dans les pas de Jésus, but réel de leur voyage.

Ces ruelles bruyantes ne sont que boutiques collées les unes aux autres.

Tenues par des marchands arabes, grouillants de monde et de marchandises, elles vendent toutes les mêmes choses ou presque, épices, vêtements typiques, souvenirs incroyables, objets de culte, pour toutes les religions, tous les goûts, toutes les bourses.

Et les langues de tous les pays du monde de se rencontrer.

Et les mains de tenter d’expliquer, les gestes d’appuyer les mimiques, les roulements d’yeux pour essayer de mimer ce que l’on n’arrive pas à exprimer.

La tour de Babel n’est pas encore …

Musique et parfums

Dans le quartier arménien, de la musique s’échappe de boutiques pleines de céramiques, et les restaurants exhalent des parfums d’épices sucrées proposées par des serveurs arabes, palestiniens chrétiens ou musulmans et même arméniens !

Mais ce qui frappe le plus mon quidam-touriste, ce me semble être la quantité d’hommes, de femmes et d’enfants, d’enfants, surtout d’enfants, juifs religieux habillés comme il se doit pour honorer D. le septième jour de la création du monde alors que celui-ci, satisfait de son travail décidait de se reposer et imposait Shabbat.

Les femmes, la plupart très jeunes, poussent des landaus à places multiples entourées d’une innombrable et bruyante marmaille que l’on pourrait qualifier d’«endimanchée» partout ailleurs qu’ici !

Elles sont habillées paradoxalement de façon à rester le plus discret possible, même si elles arborent chapeaux posés pour certaines sur perruque, longues robes couvrant gorge et bras, quelle que soit la saison, et bas de laine dans chaussures plates obligatoires, canicule incluse.

Une toute jeune fille, encore une enfant, un petit frère dans les bras, joue au foot avec une bande de copains sans que le bébé ne semble la gêner.

Et il faut la voir shooter dans le ballon de tout son cœur !!!…

De leur côté, les hommes en redingote noire serrée à la taille, étroite de partout, «Payess» bien roulées, chapeau noir perché sur le sommet du crâne ou enfoncé plus que nécessaire, voire couvert d’un Streïmel magnifique sont étonnants à plus d’un titre.

Et pas seulement par la façon dont ils s’habillent qui rappelle celle de leurs ancêtres dans les «Shtetls» de Pologne.

(A noter que certains portent cette vêture avec une incroyable élégance). Ils sont encore plus surprenants par leur manière de marcher, le regard fixé sur le sol, à toute allure, à tout petits pas, jambes presque raides.

C’est un réel spectacle de les voir, tous, jeunes, moins jeunes, vieux et plus encore, filer à toute vitesse à travers la vieille ville de Jérusalem comme s’ils risquaient de rater le rendez-vous le plus important de leur vie.

Les voix des muezzins

L’après-midi s’alanguit. Le soleil descend quelque peu à l’horizon.

C’est le moment où la ville se met à vibrer, à chanter de partout.

Cela commence avec les musiques enregistrées des voix des muezzins qui se font écho de mosquées en mosquées chacune se voulant mieux entendue que sa voisine.

Les cloches leur embrochent le pas et carillonnent à toutes volées avant de s’éteindre peu à peu.

Devant le mur, les prières se psalmodient de plus en plus fort, les corps changent de rythme, se balancent sur une autre cadence, de derrière les murs des «Yechivot» elles se déclament de plus en plus vigoureusement, à travers ceux des synagogues elles s’accompagnent de rires qui cachent pudiquement une fatigue bien compréhensible de fin de journée avec les derniers accents religieux. D. devrait être satisfait.

Que de prières montent vers lui. (La mécréante que je suis, ne peut manquer de s’interroger.

Et si D. n’existait pas ? Toute cette énergie perdue, quel gâchis !)

La nuit s’impose peu à peu.

Les premières étoiles piquent le ciel.

Shabbat est terminé.

Les femmes sont rentrées chez elles pour faire souper, coucher en un mot s’occuper comme faire se peut avec autant d’enfants, du plus petit au plus grand.

Quelques enfants irréductibles continuent de jouer au ballon de plus belle dans les rues, kipa à demi-détachée, «Payess» au vent, lunettes en équilibre instable.

Au Canyon de Mamilla les boutiques éclosent toutes en même temps. Les hommes ont quitté, qui son veston, qui sa redingote, et fraternellement, bras dessus bras dessous par groupe de trois ou quatre envahissent l’allée principale de ce riche centre commercial, le rire aux lèvres, le cœur joyeux, l’âme en paix.

J.BenilloucheBlog Article original

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