Le tandem Mike Pompeo-Tom Cotton est-il la dream team de Trump aux carences de dissuasion nucléaire des Etats-Unis?

Le Président américain Donald Trump, après avoir laissé dire ces rumeurs, s'(est empressé de les éteindre le 1er décembre. Nouvelle occasion manquée? 

C’est un article du New York Times du jeudi 30 novembre qui évente une information, dont on ne sait encore s’il faut la prendre sur le ton de la rumeur de couloir ou si elle a bien la validité que lui accorde ce journal de tendance démocrate : Trump serait sur le point (d’ici la fin de l’année) de remplacer Mike Tillerson au Département d’Etat, par l’actuel chef de la CIA, Mike Pompeo. Or, depuis fort longtemps, Pompeo est considéré comme un « dur » notamment sur la question du programme nucléaire iranien. Cette reprise en main de la politique extérieure des Etats-Unis pourrait avoir une influence dissuasive globale, à la fois sur la Corée du Nord, dont les menaces deviennent chaque semaine plus explicites, et sur l’Iran balistique, lancé à pleines charges, autant dans la guerre des Houtis contre l’Arabie Saoudite que dans les serments d’anéantissement de l’Etat d’Israël et de l’Europe (à la suite d’un discours du Président français Emmanuel Macron). 

Cette nomination aurait pour corollaire la confiance accordée par le Président à un jeune Sénateur reconnu parmi les faucons pro-israéliens de Capitol Hill, Tomas Bryant, dit Tom Cotton, à la tête de la CIA. A n’en pas douter, le jeune Sénateur Cotton pourrait guider l’agence avec la même dextérité qu’il a conduit un peloton de la 101ème Aéroportée en Irak. 

Le passif entre le journal démocrate Times et Cotton, dans le cadre d’une affaire d’espionnage virtuel, qui aurait pu concerner la CIA à l’époque, remonte à juin 2006.

Cette année-là, alors déployé en Irak, Cotton s’était attiré l’attention des médias après avoir écrit une lettre au rédacteur en chef du New York Times, en accusant trois journalistes du Times d’avoir violé les « lois américains sur l’espionnage » en publiant un article détaillant un programme secret de l’Administration Bush de surveillance du financement du terrorisme. Le Times n’a pas publié cette lettre, mais elle a finalement été republiée par Power Line, un blog conservateur qui avait été mis en copie dans l’email.

Dans cette lettre, Cotton faisait appel à la responsabilité des journalistes qui avaient écrit l’article en leur faisant comprendre qu’ils pourraient être emprisonnés pour espionnage.

Il certifiait que le journal avait « gravement mis en danger la vie de mes soldats et de tous les soldats ainsi que des civils irakiens innocents, ici ». L’article avait largement circulé en ligne et avait été réimprimé en entier dans plusieurs journaux américains. La lettre avait même atteint le Général Peter SchoomakerChef d’Etat-Major de l’armée américaine, qui l’avait alors renvoyée par e-mail à tous ses généraux en disant :

« Je joins à votre information ces paroles pleines de sagesse émanant de l’un de nos grands lieutenants en Irak ». Cotton avait alors dit qu’après sa convocation avec son supérieur immédiat, il était extrêmement « nerveux et inquiet toute la nuit durant », persuadé qu’il pourrait perdre son poste et même pire, être éventuellement envoyé en cour martiale. Quand il a rencontré, en définitive, le commandant de Bataillon, celui-ci lui a simplement dit : « Bien, voici un petit conseil : Vous êtes nouveau ici. Personne ne tente d’empiéter sur votre droit d’envoyer une lettre à qui que ce soit ou d’autres trucs dans le même genre. Mais, la prochaine fois, envoyez donc un avertissement à votre chaîne de commandement ».

Ce vieux souvenir, datant d’il y a plus de 11 années,ne met pas nécessairement sur la piste d’une sorte de « mise en garde » à ses lecteurs contre Cotton, pour son caractère réputé « dur » sur les questions d’espionnage et de terrorisme. Du moins resitue t-il le cadre de camps bien tranchés.

Plusieurs questions stratégiques ont mis en exergue l’absence de réactivité de l’Administration Trump actuelle, qui justifient ces suggestions de changement de voilure et de profils.

Cette semaine, malgré plusieurs mises en garde répétées, le dictateur nord-coréen se lance toujours plus loin et avec des frappes plus précises pour occuper toute sa place dans le club très privé des puissances nucléaires mondiales. De son côté, l’Iran ne laisse pas trois jours passer sans menacer l’ensemble des protagonistes de la région, à commencer par Israël et l’Arabie Saoudite, que ce soit à travers ses milices supplétives Houties (frappe interceptée hier soir), le Djihad Islamique (tirs de barrage d’obus de mortiers), ou les projets d’installation en Syrie tout près du Golan.

On peut aussi faire remonter ces manquements à des mesures plus fermes, de la part des cercles dirigeants américains, au sentiment d’abandon en rase campagne éprouvée par les Kurdes Irakiens, faisant valoir leur référendum pour l’Indépendance : on se souvient de leur déception, alors que l’armée irakienne envoyait ses chars Abrams américains entre les mains des milices pro-iraniennes des Hashd al-Shaabi, réprimer cet élan en envahissant Kirkouk, ville pétrolière et la majeure partie des territoires disputés irako-kurdes… Trump et McMaster, le conseiller à la Sécurité Nationale avaient alors fait comprendre qu’ils ne prendraient pas partie dans ce conflit entre un pouvoir central (contrôlé par les Chiites) et les Kurdes méritants à l’issue de leur guerre menée en solitaire contre Daesh. L’arrière-pensée stratégique apparaissait en filigrane : prendre partie aurait été un piège tendu par l’Iran, se prévalant de garantir seul l’unité irakienne contre les Etats-Unis en posture de « dépecer » un pays en profitant d’une guerre lancée par un groupe terroriste : Daesh. De toute évidence, Barzani a commis une erreur de timing en lançant cette initiative mérité sur le plan moral, mais politiquement désastreuse…

D’autre part, l’Amérique compte sur le dynamisme recouvré du jeune futur Roi d’Arabie Saoudite, MBS ou Mohammed Ben Salman pour rouvrir les frontières de l’Irak au monde sunnite et représenter un sérieux défi à l’hégémonie iranienne sur ce pays et son voisin immédiat, la Syrie. Paradoxalement, les contacts entre certaines ex-milices chiites pro-iraniennes, dirigées par Moqtada Sadr et le royaume wahhabite ont reprise depuis un certain temps, que ce dirigeant charismatique s’est mis à fustiger l’ingérence iranienne à Bagdad, là où le Chiisme irakien, dispose de lieux saints, Kerbala et Nadjaf, et d’une doctrine qui ne s’aligne pas systématique sur les prétentions théocratiques de Qom.

A l’heure où l’effondrement territorial de Daesh fait place à la question de la répartition du butin de la guerre en Syrie, cet appel à de nouvelles personnalités pour prendre la suite, dévoile certaines cartes que l’administration Trump a, jusqu’à présent, conservé dans sa manche.

Pompeo et Cotton pourraient se compléter utilement et surtout parler d’une seule voix :  l’un au Département d’Etat, l’autre aux services secrets, pour déployer les mises en garde diplomatiques qui s’imposent, assorties des informations précises et des menaces de réplique en bonne et due forme, chaque fois qu’une dictature ou un Etat-voyou sent son petit doigt nucléaire le démanger pour faire assaut de volonté de puissance et de compter dans le paysage mondial.

Jusqu’à présent, l’Administration, à travers son Président parfois haut en couleurs ou en tweets pas toujours à-propos, a semblé affronter les différentes vagues de critiques en demeurant sur la réserve et en jouant d’une relative prudence sur le plan de l’action, malgré ou en dépit des maladresses verbales ou écrites… Quoi qu’il en soit, elle donne le sentiment de rester plus déclarative ou d’incarner des « opinions », des avis iconoclastes, parfois dérangeants, mais sans lendemain, qu’en capacité de démontrer son efficacité.

Ce qui importe surtout, à l’heure du grand retour de la Russie de Poutine, sur lavant-scène au Moyen-Orient, est de dissiper le malaise généré par l’Administration Obama, toute en replis et en retraits, en courbettes, donnant le sentiment d’une dissolution de puissance. Or, depuis sa prise de pouvoir, Trump, hormis de grandes promesses (l’Ambassade américaine à Jérusalem, ou un nouveau processus de paix plus contraignant pour la partie palestinienne), a très peu marqué : on se souvient d’une volée de Tomahawks (59) sur une base syrienne qui avait été le point de départ d’un largage d’armes chimiques sur une ville rebelle.  Il n’est pas celui qui avance des pions sur l’échiquier et encore moins, peut-être au Moyen-Orient, excepté dans l’élan donné au rapprochement saoudo-israélien, mais celui qui pare aux mauvais coups des autres protagonistes. De son côté, Poutine rassemble autour de lui la cohorte des pays principaux acteurs de la guerre en Syrie, avec dans son escarcelle, l’Iran de Rouhani-piloté par Khamenei- et le cheval de Troie dans l’OTAN qu’incarne Recep Tayyip Erdogan. Il semble être le faiseur de rois et même « d’empires », en ne garantissant rien de clairement formulé à l’encontre d’Israël, quand les Gardiens de la Révolution ambitionnent de s’installer en périphérie du Golan (5-10, 20km, ou 40?).

La menace régionale principale, comme le rappellent tous les ambassadeurs d’Israël, c’est l’hégémonie iranienne qui progresse, mais qui avance aussi dans le domaine des missiles balistiques de précision, en cherchant à offrir ce type d’usines de fabrication, autant au Liban qu’à la Syrie, sans même risquer trop d’hommes ou de matériel à ce jeu de la « conquête de l’ouest » du Moyen-Orient.

Très bientôt, pour les Etats-Unis d’Amérique, en tant que grande puissance et quoi que l’on pense du personnage de Trump en tant que tel, il va être temps de clarifier toutes ses positions et de souligner les « lignes rouges » qu’ils n’ont pas encore osé délimiter au sol. Qu’on le veuille ou non et malgré toutes les délégations d’action sur le terrain, à travers les milices kurdes, les Forces Démocratiques Syriennes, l’Amérique est présente et soucieuse de l’avenir de la frontière syro-irakienne. Là même qui est censé devenir le tremplin de l’expansion de l’Iran vers la Méditerranée. Les dés sont à peine lancés de la future « reconstruction » de la Syrie, mais Assad ou Poutine, Rouhani, Erdogan ne pourront nier que la plupart des grands bastions de Daesh : dont Mossoul et Raqqa, ont été libérés avec l’aide de la coalition dirigée par les Etats-Unis. Les Russo-iraniens ne peuvent donc se présenter à Astana (Kazakhstan) comme s’ils étaient lesseuls grands vainqueurs de la lutte anti-terroriste.  Les Forces Démocratiques, autour des cantons kurdes, contrôlent pas loin de 40% du territoire syrien et une quantité importante de champs pétroliers, dont les principaux, celui d’Al-Omar dans la région de Deir Ez Zor.

La notion communément développée par les forces russo-américaines, de zones de déconfliction, ne satisfait pas tout le monde. Notamment Israël interpelle fréquemment les deux leaders mondiaux pour empêcher que les forces pro-iraniennes, camouflées en troupes du régime syrien ne s’en emparent… Cela reste, néanmoins, une façon d’espérer sortir du conflit généralisé en Syrie, de permettre des aires d’apaisement au profit de la population, dont près de 6 millions sont devenues itinérantes et sans domicile fixe.

Mais pour qu’une telle issue reste valide et se généralise, il va falloir des hommes qui ne soient pas uniquement des négociateurs, comme l’est encore Rex Tillerson, mais des hommes capables de partis-pris qui se fassent respecter et d’engagement sur le terrain, comme l’a été l’ancien militaire Tom Cotton en Irak. Lui sait ce que signie le désengagement organisé par Obama en 2011 et les conséquences néfastes que l’on additionne encore aujourd’hui avec l’émergence du monstre djihadiste à deux têtes : Daesh en Syrie et en Irak et l’Iran, de Bagdad à Damas et jusqu’à Beyrouth… Face à eux, il est plus que probable qu’un tyran comme Kim Jung Un, à titre d’exemple, réfléchira à deux fois avant de lancer ses milices balistiques, entraînant Téhéran dans son sillage, à toutes fins de provocations, dont l’utilité pour le genre humain est loin d’être garantie.

Or, il est clair que Washington s’est contenté d’un round d’observation, jusqu’à présent, en prenant ses marques. A l’égard d’Israël, également, les promesses engagées durant la campagne commencent à se rappeler à l’attention, Trump laissant entendre qu’il pourrait bientôt reconnaître le statut de capitale indivisible à Jérusalem. Il est évident que des décisions de cet ordre ne peuvent pas être arrêtées isolément, sans tenir compte de l’ensemble d’un contexte et des réactions régionales. Les deux « postulants » officieux (selon le Times) sont des pro-Israéliens avérés qui comprennent immédiatement (d’instinct et d’expérience) que l’Amérique a un besoin viscéral des capacités d’Israël, en matière de renseignements et de contre-poids militaire indépendant, pour pacifier la région dans la tourmente, en se limitant à des engagements qui restent de l’ordre de la gestion de conflit.

 

Par Marc Brzustowski

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Jg

L europe ne craint pas les missiles iranien , puisqu elle participe a leur developpement !