Près de quatre plaintes pour viol par jour à Paris

Avec une dizaine de viols nocturnes commis depuis le mois d’août dans la capitale, le phénomène est inquiétant. Les forces de l’ordre parisiennes et la justice sont rompues à traiter ces affaires qui surviennent très souvent dans des quartiers animés mais aussi peuplés de rôdeurs. Si les victimes osent davantage porter plainte, les enquêtes restent difficiles à mener.

« Tous les week-ends, on traite une ou deux affaires de viols sur des femmes qui sortent de soirée à Paris. » C’est le triste constat d’un commissaire expérimenté alors qu’une jeune touriste et qu’une femme de 34 ans, ont été abusées, ce week-end du 10 et 11 septembre par des prédateurs, croisés au Champ-de-Mars (VIIe) et dans l’avenue Pierre-Mendès-France (XIIIe). L’agresseur de cette ressortissante canadienne devait être mis en examen, ce lundi devant un juge d’instruction du palais de justice et un mandat de dépôt a été demandé par le parquet. « Mes collègues ont fait preuve d’une belle efficacité en interpellant ces deux violeurs présumés peu après les faits », remarque le délégué Alliance Yoann Maras.

Selon le ministère de l’Intérieur, entre les mois de janvier et juillet 2022, 764 personnes majeures ont déposé plainte pour des faits de viol commis à Paris, soit près de quatre par jour. « Cette centaine de crimes dénoncés par mois est un chiffre à relativiser car il y a parmi eux des faits anciens ou pas toujours avérés », explique un fonctionnaire. La capitale avec ses boîtes de nuit, ses bars et ses soirées, est un lieu où les femmes peuvent devenir des proies. Les Halles, les Champs-Élysées, la Bastille, les quais de Seine ou les canaux sont des endroits sensibles.

« J’ai travaillé aux Halles de 2006 à 2013. À cette période, c’était une priorité et nous savions que si une femme traversait ces jardins, elle devenait une proie, se souvient un gardien de la paix. Aujourd’hui, les effectifs sont concentrés au Trocadéro (XVIe) pour protéger les touristes des voleurs et à la place Auguste-Baron (XIXe) pour gérer son cortège de problèmes liés au crack. »

« Il ne faut pas hésiter à composer le 17 en cas de danger »

Matthieu Valet, le porte-parole du syndicat indépendant des commissaires de police, confirme que depuis quelques jours, il a « constaté une recrudescence d’agressions de femmes dans des quartiers plutôt animés, commis par des rôdeurs. Mais heureusement que le maillage territorial des forces de l’ordre permet d’intervenir rapidement. Il ne faut pas hésiter à composer le 17 en cas de danger ».

Depuis début août, une dizaine d’agressions ont été recensées. Une touriste américaine a été violée dans des toilettes publiques du IVe arrondissement par un Algérien, sans papiers. Samedi 3 septembre, c’est une Colombienne, âgée de 21 ans, raccompagnée quai de Gesvres (IVe) par des hommes rencontrés en discothèque qui a été violée dans un local poubelle. La drogue et l’alcool peuvent devenir des facteurs aggravants. C’est le cas de cette jeune kinésithérapeute sortie en discothèque qui s’est réveillée chez un architecte du XIIIe arrondissement en plein ébat, blessée et sans aucun souvenir.

Piégées par des chauffeurs VTC

Le chauffeur VTC — vrai ou faux —, peut aussi se transformer en piège. Dernière affaire le 14 août à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). Les fonctionnaires se sont rendus au domicile d’une femme violée par « un Uber ». Ses souvenirs sont vagues. Elle raconte qu’elle est rentrée à son domicile vers 5 heures du matin en utilisant les services de cette application. Elle s’est réveillée, à 9 heures chez elle, alors que son chauffeur était en train de la violer.

Ces faits sont-ils exceptionnels ? Eh bien non. La semaine prochaine, un chauffeur mauritanien de 40 ans doit comparaître devant la cour d’assises des Hauts-de-Seine. Il est accusé d’avoir violé, le 29 février 2020, sa cliente à La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine) lors d’une course. Ce soir-là, peu avant 2 heures du matin, cette femme appelle une voiture en sortant d’un bar. Samba se présente et la conduit jusque chez elle. À 4 heures, elle émerge d’une sombre torpeur dans ce véhicule. Le conducteur est torse nu à côté d’elle et la viole. La cliente se rebelle. En vain. Depuis deux ans, ce fils de diplomate, clame son innocence. Mais son casier judiciaire ne plaide pas en sa faveur car en décembre 2020, le tribunal correctionnel de Paris a prononcé contre lui une peine de dix-huit mois de prison dont douze fermes pour avoir agressé sexuellement une cliente dans sa voiture.

« La nouveauté de l’époque, c’est la libération de la parole des victimes »

Ce contexte un peu particulier induit-il une réponse différente du parquet de Paris ? Non, la réponse pénale sur les viols est la même qu’ailleurs en France. Lorsqu’ils sont dénoncés, les magistrats ouvrent une information judiciaire pour faire la lumière sur les circonstances de commission de ces crimes. Interrogé, un magistrat expérimenté du tribunal estime que la réalité parisienne n’a rien d’exceptionnelle. « La nouveauté de l’époque, c’est la libération de la parole des victimes. Il y a dix ans, lorsqu’une fille passait la soirée avec des amis et que certains profitaient de son inconscience pour la violer, elle ne déposait pas plainte. »

Reste que les enquêtes sont souvent difficiles. Aux souvenirs parfois confus des victimes s’ajoutent parfois les délais pour déposer plainte. « Souvent, on se trouve face à des dossiers où la parole d’une femme se confronte à celle d’un homme, sans élément scientifique, sans preuve formelle. Judiciairement parlant c’est compliqué. Plus les faits sont signalés tôt voire immédiatement, plus nous pouvons disposer de preuves médico-légales. Si ces femmes ont été droguées à leur insu, on peut aussi le savoir si les prélèvements sont effectués dans les heures qui viennent.

« Il y a souvent de la culpabilité, de la honte »

« Plusieurs jours ou mois plus tard c’est trop tard », explique un enquêteur qui évoque aussi les « miols », cette appellation policière pour désigner des agressions difficiles à caractériser. « C’est la pire des situations où on se trouve à mi-chemin entre un viol et une relation consentie. C’est à nous, policiers, qu’il revient de détecter dans une déposition ou une audition des incohérences ou en tout cas des éléments qui ne nous paraissent pas assez solides pour engager des poursuites. Mais le viol est un événement tellement traumatique que parfois il est difficile pour les victimes de mettre des mots. Il y a souvent de la culpabilité, de la honte. Ce ne sont pas toujours des enquêtes faciles à mener. »

Par Julien Constant et Damien Delseny  lE PARISIEN

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