L’ode de Karine Tuil à l’être aimé

Avec son recueil « Kaddish pour un amour », l’écrivaine fait un détour par le romantisme et la poésie pour raconter les tourments de la passion finissante. Dense dans son ambition et ramassé dans sa forme, un livre poignant.

Karine Tuil plonge ici en elle-même, à la recherche de l'expression sensible du sentiment de perte.

Karine Tuil plonge ici en elle-même, à la recherche de l’expression sensible du sentiment de perte. (© Thierry Le Fouille/SIPA)

Et si l’amour était le grand thème de Karine Tuil ? Au fil des romans, il semble se dessiner comme un fil rouge romantique autour de l’oeuvre de l’écrivaine. De « L’Invention de nos vies » aux « Choses humaines », l’écrivaine excelle à disséquer les rapports homme-femme dans leur beauté et leur violence, à dire le tourment de la passion naissante et la tension sexuelle qui en découle. « Kaddish pour un amour » ne déroge pas à la règle. Pensé comme un recueil de textes courts, le livre est habité par un certain souffle mystique, celui de la tradition poétique hébraïque triplement millénaire.

Quelque part entre le casher et le charnel, on y lit comme une prière universelle pour le retour de l’être aimé. Mieux que cela même : une dévotion, une imploration, si ce n’est une litanie. Pour son auteure, ce livre pourrait bien constituer une nouvelle étape. Des origines de la passion à l’épineuse question de la séparation, il y avait jadis le récit des débuts auquel s’ajoute désormais celui de la disparition (physique ou métaphorique) de l’être aimé.

« La Décision » fatale de Karine Tuil

Pour dire cela précisément, Tuil a dû amender sa pratique. Elle a d’abord changé de méthode d’écriture. Plutôt que de plonger dans d’autres vies que la sienne comme à l’accoutumée, elle plonge ici en elle-même, à la recherche de l’expression sensible du sentiment de perte.

Surtout, à la forme efficace des « page-turners » qui ont jusqu’ici fait son succès – ceux-là mêmes qui lui ont permis de remporter le Goncourt des lycéens et l’Interallié et de figurer avec constance dans les listes des prix littéraires – elle préfère la poésie. Une vraie prise de risque puisque le genre, peu adapté au premier degré et à la rapidité de notre époque, tombe en désuétude. On saluera donc l’audace et surtout le sentiment de chose vécue et de vérité qui découlent du texte.

Quête d’absolu

Un mot du titre, enfin. Dans la religion juive, dire le kaddish n’est pas anodin. Il s’agit de la prière du deuil que les fidèles (devant Dieu et ici en amour) récitent plusieurs fois par jour. Une prière qui a pour objet, non pas la mort, mais plutôt le futur et la sanctification du nom divin.

Puisqu’il n’existe pas de kaddish pour l’amour, ce livre se propose de graver son souvenir pour toujours. Dense dans son ambition et ramassée dans sa forme, on verra dans cette tentative un véritable élan du cœur, doublé d’une quête d’absolu. Le tout servi dans une langue vibrante, fragile et ciselée. Romantique à souhait !

« Kaddish pour un amour », de Karine Tuil, éditions Gallimard, 128 pages, 14 euros.

« Kaddish pour un amour », de Karine Tuil, éditions Gallimard, 128 pages, 14 euros.

KADDISH POUR UN AMOUR
Poésie
de Karine Tuil.
Editions, Gallimard, 128 pages, 14 euros.

 

Laurent-David Samama

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