Les sept erreurs qui ont conduit Macron dans l’impasse
La journée de chaos qu’a connu la France samedi marque un tournant dans le quinquennat. La crise politique éclate au grand jour, dont nul ne peut dire quelle en sera l’issue. Retour sur les sept erreurs commises par Emmanuel Macron depuis l’irruption des Gilets jaunes, mais surtout en amont.
Une ambition réformatrice sans adhésion suffisante
Dès le lendemain de son élection, résolument tourné vers les « premiers de cordée », Emmanuel Macron mène une politique favorable à l’investissement en allégeant la fiscalité sur les hauts revenus (réforme de l’ISF et flat tax). Mais les conditions de son accession au pouvoir – effondrement des partis de gouvernement et second tour l’opposant à Marine Le Pen – masquent une adhésion assez faible des Français au libéralisme économique.
« Les études européennes récentes montrent que les Français restent toujours beaucoup moins libéraux sur le plan économique que les Allemands ou les Britanniques », affirme le chercheur Luc Rouban dans Le Figaro, en décembre 2017. Emmanuel Macron a malgré tout pensé « qu’il pourrait, à lui seul et à force de conviction, libérer le pays de ses blocages et sa haine de lui-même, et renouer avec une grandeur révolue », écrit la politologue Chloé Morin (Ipsos) dans L’Obs. Sans doute a-t-il présumé de ses forces.
Le refus de s’appuyer sur les forces sociales
Très tôt, Emmanuel Macron a pris acte du discrédit des corps intermédiaires (élus, syndicats, associations…). Une fois élu, il les a tenus à l’écart, au nom d’une nouvelle pratique du pouvoir. En avril dernier, Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, s’en inquiétait publiquement. « Il y a une forme de négation des corps intermédiaires qui est beaucoup trop forte et dangereuse », mettait-il en garde.
« Le président de la République considère que lui peut tout, et que les corps intermédiaires sont un supplément d’âme qui ne sont pas forcément nécessaires, poursuivait le syndicaliste. C’est une profonde erreur. On ne transforme pas la société si on n’emmène pas ceux qui sont concernés avec soi ».
L’incapacité à corriger sa politique
En juin 2018, trois économistes proches du Président (Philippe Aghion, Philippe Martin et Jean Pisani-Ferry) lui adressent une note dans laquelle ils s’inquiètent de la politique menée, à leurs yeux déséquilibrée car ne mettant pas suffisamment l’accent sur la question sociale. En septembre, Christophe Castaner, délégué général de La République en marche, propose d’ouvrir une réflexion sur la fiscalité des successions. Il est sèchement éconduit par le Président.
« On ne peut pas gouverner contre le peuple », le met en garde ces jours-ci François Bayrou. Autant de conseils d’« amis » que le chef de l’Etat n’a pas voulu entendre jusqu’ici. « Ce n’est pas un problème de ligne, mais d’incapacité de se corriger au bon moment, analyse l’un de ses soutiens. Il est hanté par l’idée du renoncement et pense que toute inflexion est une défaite ».
Un mode opératoire défaillant
Le candidat Macron avait promis de supprimer début 2018 les cotisations chômage et maladie payées par les salariés, et de compenser ce manque à gagner en augmentant la CSG payée par tous les contribuables. Mais l’exécutif a depuis revu son plan, pour des raisons budgétaires : les cotisations salariales ont été supprimées en deux temps (1er janvier puis 1er octobre), tandis que la hausse de la CSG a été immédiate (1er janvier).
Cet étalement a affaibli la perception de la mesure et brouillé le message de l’exécutif. Idem pour la suppression de la taxe d’habitation, qui a été étalée sur trois ans (2019-2021). En faisant passer les hausses d’impôts avant les baisses, Emmanuel Macron a alimenté le ras-le-bol fiscal des Français, qui a débordé avec l’alourdissement de la taxe carbone… sur lequel le gouvernement ne s’était jamais expliqué jusqu’à ces dernières semaines.
L’insoutenable légèreté de la parole présidentielle
Les petites phrases du Président, perçues comme du mépris social, lui sont aujourd’hui renvoyées en pleine face par les manifestants. Des « Gaulois réfractaires » à « ceux qui ne sont rien », les mots d’Emmanuel Macron ont imprimé dans l’imaginaire collectif. « OK, Manu, on traverse », ont-ils ainsi tagué, sur la façade d’une boutique de luxe de la rue du Faubourg-Saint-Honoré pillée samedi.
Enfin, le « Qu’ils viennent me chercher », lancé en pleine affaire Benalla par le chef de l’Etat à ses adversaires politiques et aux médias, a été pris au pied de la lettre par les Gilets jaunes, qui tentent d’approcher l’Elysée et scandent « Macron démission » lors de chaque manifestation.
La sous-estimation du mouvement des Gilets jaunes
On a entendu des proches du Président assurer, au lendemain du premier jour de mobilisation, que la neige allait mettre fin au mouvement. Puis le Premier ministre Edouard Philippe, au lendemain du 17 novembre, balayer d’un revers de main l’offre de médiation de Laurent Berger, de la CFDT. Comme si, finalement, ce soulèvement n’était qu’un accès de fièvre passager, qui ne résisterait pas à la constance et à la fermeté d’un pouvoir sûr de son fait. Or, affirmait le géographe Christophe Guilluy dans Le Parisien le 17 novembre, « le ressentiment est gigantesque ».
« Les gens ne demandent pas des solutions techniques pour financer un nouveau véhicule, poursuivait-il. Ils attendent des réponses de fond où on leur explique quelle place ils ont dans ce pays ». Dans ce contexte, la seule et unique réponse du Président, à ce jour – l’instauration d’une taxe carbone « modulable » – n’est pas à la hauteur.
L’impasse stratégique
Obnubilé par les erreurs de son prédécesseur, Emmanuel Macron a décidé de ne pas céder à la rue. François Hollande a reculé devant les Bonnets rouges ? Lui ne pliera pas face aux Gilets jaunes. Une obsession qui le conduit dans une impasse : le mouvement des Gilets jaunes se dégonfle mais se radicalise. L’opinion, qui ne comprend pas la surdité du gouvernement, soutient jusqu’ici les manifestants. Et plus le temps passera, plus les enchères risquent de monter.
03 décembre 2018 à 06h00
Analyse incomplète et superficielle ,le mal est plus profond ,il touche la grande majorité des français, dont le niveau de vie baisse depuis ,30 ans ,au profit d une immigration choisie ….