Les faux messies dans le monde juif: Jacob Frank (8) 

Caroline Elishéva REBOUH le 04.06.2020

La scène de prédilection de Jacob Frank s’étend sur des milliers de kilomètres. Originaire de Podolie (région qui était située au centre de l’Ukraine avec comme centre d’Intérêt la ville de Braslev), Jacob Frank naquit en 1726 soit cent ans plus tard que Shabbetaï Tzvi et il se déclarera son successeur, malgré le nombre d’années qui les séparent.

On ne possède que peu de renseignements sur la famille de Jacob Frank de son vrai nom Jacob Lejbowicz. Cependant le climat historique et social est sévère : les natifs persécutent les Juifs en perpétrant des pogroms pour des broutilles et la Pologne, sur le déclin, devient un repère de brigands, pilleurs et assassins en tous genres et, en conséquence, les Juifs, très pauvres, devinrent les cibles parfaites pour ces malfaiteurs.

Les Juifs se déplacèrent vers la Podolie ou vers la Galicie. Le père de Jacob menait un groupe de partisans du sabbatéisme très secrètement.

Jacob n’était âgé que de 4 ans lorsque son père décida de partir vers la Moldavie. Jeune adolescent, il fut attiré par le commerce et quoi de plus souriant que d’avoir et développer des relations d’affaires avec les riches commerçants turcs de l’Empire ottoman. Cependant, il ressentait une certaine aversion pour l’étude des textes sacrés et il ressentait une certaine aversion pour tout ce qui de près ou de loin pouvait se raccrocher au judaïsme traditionnel.

L’essence de son commerce reposait sur la vente de vêtements et de pierres précieuses. Vis-à-vis des occidentaux, les Ottomans éprouvaient de la méfiance et, on désignait de manière générale tous les occidentaux d’un nom montrant qu’à l’époque les Francs jouissaient d’une certaine réputation c’est pourquoi on les dénommait « FRANK » et, dans les communautés espagnoles « tsarfati ».

Toujours à la même époque, les milieux chrétiens avaient adopté des coutumes ou des pratiques judaïques tels que le faisaient les adeptes du sabbatéïsme.

Shabbetaï Tzvi s’était converti à l’Islam pour satisfaire les autorités ottomanes et rester sauf mais, ceux qui continuèrent la voie de Shabbetaï Tzvi, augmentèrent le nombre d’incursions de l’Islam dans leur rituel.

Frank fréquenta les communautés d’Izmir et de Salonique où l’influence sabbatéenne était encore palpable. Âgé de 26 ans, Frank convola en justes noces et de cette union devait naître une fille nommée Eve….. dont nous reparlerons plus bas.

Lorsqu’il revint en Europe, trois années plus tard, il entreprit d’organiser des réunions de personnes qu’il désirait convaincre du fait qu’il avait été l’objet de révélations directement de la part de Shabbetaï Tzvi qu’il surnomma « le Mashiah de Salonique » et dont il se désignait lui-même successeur non pas de Shabbetaï Tzvi mais encore de Osmane Baba et il assurait à son auditoire avoir été ordonné par le Ciel. Il ajoutait que tous devaient, en prévision de l’époque messianique où le judaïsme serait l’objet de transformations, se convertir et adopter le catholicisme comme nouvelle religion.

Les réunions étaient secrètes et donnaient prétexte à des échanges « très spéciaux »… qui furent bannis dès qu’ils furent rapportés dans les communautés juives orthodoxes. Un jour un scandale éclata à la suite de l’un de ces meetings et Frank fut condamné personnellement à quitter la Pologne immédiatement cependant que ses adeptes étaient jugés.

Sans déclarer ouvertement que les façons d’agir des Frankistes étaient carrément opposées au judaïsme traditionnel, le corps rabbinique décida de bannir tous les partisans de cette « secte » en les excommuniant (hérem)..

Les Frankistes se précipitèrent à l’évêché pour demander protection. Les arguments dont ils firent usage furent que leur théorie ne prenait nullement en compte le Talmud mais le Zohar et que, par ce biais, affirmèrent les imposteurs, reconnaissait la Trinité.

Sûr de lui, l’Evêque organisa des discussions théologiques entre les autorités rabbiniques et les frankistes avec à leur tête un rabbin et deux autres personnes éminentes qui avaient trouvé dans ce groupe un lieu d’épanouissement.

Le fait est que d’après les chroniques de l’époque les frankistes remportèrent l’échange haut la main contre le Rabbin Hayim Rappoport de la grande cité de Lwow et, le résultat fut pour le plus grand bonheur de l’Evêque de faire brûler tous les exemplaires du Talmud que l’on pouvait trouver dans la région.

L’évêque Dembowsky mourut peu après. Les Frankistes demandèrent alors protection du roi Auguste III qui publia un édit dans ce sens car les rabbins voulurent prendre leur revanche.

Le nombre d’adeptes ne cessa de grandir puisque une vingtaine d’années plus tard, vers 1780 le nombre de partisans était de 24,000 personnes. Ils agissaient comme les Marranes ne se mariant qu’entre eux.

Cependant, lors de l’un de ses déplacements, Jacob Frank désormais Joseph Frank fut surpris par un polonais, en train de déclarer qu’il était « musulman »….

La conséquence fut terrible puisqu’il fut arrêté à son retour, jugé comme hérétique et condamné à une forte peine de prison. Néanmoins, il oeuvra de telle sorte qu’il réussit à établir un contact avec ses adeptes du lieu même de son incarcération, 13 ans durant.

Il prêchait sans cesse pour encourager et engager ses disciples à rester fidèles au catholicisme et aux théories de Shabbetaï Tzvi.

Ce qui fut inhabituel dans ce contexte fut que Frank s’imposa en quelque sorte en chef spirituel mais aussi en « chef d’Etat » puisqu’il constitua une « armée » de 600 hommes ! Des liens diplomatiques très forts furent tissés à cette époque avec Paul, le Tsar de Russie désigné. Ces relations se forgèrent grâce à l’origine cosaque juive de la plupart des soldats de Frank.

Pendant toute cette époque, Jacob Frank fut entouré et secondé par sa fille Eve qui, très belle, sut attirer beaucoup d’autres adeptes à la secte fondée par son père.

Ils se rendirent tous deux à la cour de l’Impératrice Marie-Thérèse d’Autriche et à plusieurs reprises ils y furent accueillis à bras ouverts par le couple régnant pour des raisons différentes : la souveraine parce qu’elle voyait en Jacob Frank un « outil » de diffusion du christianisme au sein de la communauté juive tandis que Joseph, l’époux de Marie-Thérèse ressentait une forte attirance pour Eve Frank…

Pendant ce temps-là les frankistes se faisaient remarquer par des actes subversifs et donc répréhensibles et père et fille furent priés de quitter l’Autriche. Ils trouvèrent refuge en Allemagne où leur train de vie fut maintenu grâce aux dons récoltés au sein de la « secte ».

A la mort de Jacob Frank, en 1791 dans la ville d’Offenburg où il put se replier, sa fille continua sur les traces paternelles mais, l’effervescence qui entoura le meneur du mouvement frankiste se relâcha.

Le Tsar de Russie, Alexandre Ier, lui rendit visite en 1813 et, elle continuait à mener grand train mais en fait, elle n’avait plus autant de supporters qu’en avait son père…. Elle mourut en 1816 (ou en 1817 ??).

Le mouvement frankiste perdura malgré la disparition de Jacob Frank. L’on rapporte que le mouvement avait un adepte en France en la personne de Junius Frey, jacobin, dont le nom véritable était Moïse Dobrouchka.

Le mouvement frankiste qui ne suivait pas une idéologie précise poursuivit des activités jusque vers 1850 mais ne survécut pas au fait que certains des adeptes revinrent à la source (judaïsme orthodoxe) ou se dissolurent par des conversions au catholicisme plus « sincères ».

Les différents mouvements « messianistes » ne durèrent donc en général que selon un temps « compté ». C’est avec ce chapitre-ci que nous terminons l’approche des Faux-Messies.

Caroline Elishéva REBOUH

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