Les retombées du coup d’Etat manqué en Turquie laisse les rebelles dans le pétrin
Beaucoup de dirigeants militaires impliqués dans les programmes de soutien sont actuellement en prison.
Le Président turc Recep Tayyip Erdogan a été un appui précoce et indispensable du soulèvement contre le régime du Président Bachar al Assad. Depuis 2011, la Turquie a servi de base arrière et de fournisseur à une grande variété de groupes rebelles syriens, notamment ceux du courant islamiste.
Ce soutien est à présent menacé. Beaucoup des responsables des renseignements militaires et de l’armée turcs impliqués dans les programmes d’assistance à la rébellion, dont le Commandant de la 2ème Armée Turque, responsable du maintien des frontières avec la Syrie et l’Irak, sont détenus pour implication présumée dans le putsch du 15 juillet.
« Les généraux qui dirigeaient la politique Turco-syrienne et la politique turque à l’égard des Kurdes sont( tous en prison actuellement et on assiste à l’effondrement de l’appareil sécuritaire turc », déclare Gonul Tol, directeur du Centre d’Etudes turques à l’Institut sur le Moyen-Orient à Washington. « Cela rend la Turtquie très vulnérable et très faible et la rendra beaucoup moins conflictuelle ».
Un tel changement radical dans l’équilibre des pouvoirs régionaux apparaît avoir eu pour effet immédiat d’enhardir Assad. Dans les jours qui ont suivi la tentative de coup d’Etat, les forces de Bachar Al Assad, aidées par l’Iran, le Hezbollah et les milices kurdes ont fait le forcing en vue de l’encerlement complet de la moitié Est d’Alep détenue par les rebelles.
La ligne de séparation entre l’Est d’Alep et le reste du nord de la Syrie détenu par les rebelles, la Route Castello, était devenue de plus en plus périlleuse. Mais jusqu’à récemment, elle pouvait encore être utilisée pour apporter des livraisons aux près de 300.000 personnes vivant à Alep-Est. Ces gens sont aujourd’hui confrontés à un désastre humanitaire.
En réponse, une alliance inhabituellement vaste de factions rebelles syriennes ont lancé une des plus vastes offensives de toute cette guerre, pour tenter de briser le siège d’Alep à un endroit différent, dans le sud-ouest de la ville. Cette alliance comprend le Front de la Conquête (ex-Al Nusra). Ce groupe, dans une tentative pour élargir son appel, a annoncé avoir coupé les ponts avec Al Qaïda, juste avant le début de cette offensive, la semaine dernière.
Pour les rebelles syriens, l’offensive d’Alep – qui s’est traduite par des gains territoriaux, mais qui doit encore permettre la levée du siège – et un moment en « maintenant ou jamais ». Alors que ces groupes ont encore les ressources qui leur sont livrées par la Turquie, ils ne peuvent plus être certains qu’une telle assistance se poursuivra à l’avenir.
« Ce qui se produit actuellement en Turquie sape complètement toutes les offensives futures que les rebelles pourraient lancer », affirme Mohamed Hineidi, analyste principal à l’Institut Delma, un think Tank d’Abu Dhabi.
Ce n’est pas seulement que la Turquie est trop absorbée par les purges de son appareil sécuritaire et des renseignements. Plus important, Erdogan semble modifier fondamentalement la posture de la politique étrangère du pays – ce qui aura des implications profondes et directes sur le conflit syrien.
Les relations de la Turquie avec les Etats-Unis, son allié du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), se sont radicalement détériorées depuis le 15 juillet, Erdogan accusant le prédicateur Fethullah Gülen, basé en Pennsylvanie, d’avoir organisé le coup d’Etat et exigeant son extradition.
Plusieurs responsables turcs sont allés plus loin, en prétendant que les Etats-Unis ont fait collusion avec le putsch. Le President Barack Obama a fermement démenti toute implication.
Les relations d’Erdogan avec la Russie,le principal parrain du régime Assad, se sont justement amélioré de façon impressionnante. Erdogan avait préparé le terrain juste avant la tentative avortée de coup d’Etat, en présentant ses excuses pour l’avion russe abattu à la frontière syrienne.
Depuis lors, les pilotes turcs impliqués dans cet incident sont, également détenus pour avoir tenu un rôle présumé dans le coyup d’Etat et les responsables turcs ont décrit l’épisode tout entier comme partie intégrante du complot de Gülen. Le Président Erdogan rend visite au Président Poutine ce 9 août, leur première rencontre depuis l’incident de l’avion abattu.
Il n’est pas encore évident de savoir si Poutine et Erdogan enterreront le sort d’Alep et de la Syrie en général au cours de leur réunion.
« La Russie reste extrêmement prudente à l’égard d’Erdogan. La Russie n’a jamais fait marche-arrière, quant à ses actions précédentes en Syrie et la Russie et la Turquie demeurent encore dans des camps opposés de façon cardinale en Syrie » déclare Yuri Barmin, un expert du Moyen-Orient au Conseil des Affaires Internationales Russe, un think tank appartenant au Ministère des Affaires étrangèrees russes.
D’autres dans la région, cependant, voient l’occasion d’une redistribution des cartes.
« Maintenant que la Turquie s’éloigne de l’OTAN et de Washington, la Russie a un énorme intérêt à mettre la Turquie dans sa poche », déclare un membre du parlement libanais, Bassem Shabb. « Si la Syrie est importante, la Turquie est infiniment plus importante et la Russie ne va pas sacrifier la Turquie pour simplement faire plaisir à Assad, au Hezbollah ou à l’Iran ».
Ecrire à Yaroslav Trofimov : yaroslav.trofimov@wsj.com
Adaptation : Marc Brzustowski