L’E.U peut-elle sérieusement prétendre lutter contre l’Antisémitisme?

 

Manfred Gerstenfeld

Depuis environ 20 ans, l’Union Européenne (U.E) est restée largement passive, incompétente, négligente 5et parfois malveillante, en matière de lutte contre l’antisémitisme. Cela comprend son attitude envers l’incitation, courante dans plusieurs de ses Etats-membres. Dans le même temps, la haine des Juifs et d’Israël s’est largement accrue dans l’Union Européenne.

A présent, la Commission de l’U.E semble vouloir s’attaquer à la question de l’incitation antisémite, au cours de l’année à venir. Son programme de travail pour 2021 déclare : « Etant donnée l’augmentation de la violence et des crimes de haine antisémite, la commission présentera u/ne stratégie globale pour combattre l’antisémitisme, afin de compléter et d’appuyer les efforts des Etats-membres[1]. L’U.E a aussi l’inten*tion d’adopter une déclaration contre l’antisémitisme lors de son sommet en décembre[2].

La longue tradition d’antisémitisme en Europe – qui dure depuis bien plus d’un millénaire – tient ses origines bien avant que la notion même d’Europe ait existé. Aucune stratégie de l’U.E contre l’antisémitisme ne saurait être efficace sans une introduction détaillée sur l’histoire de son antisémitisme multiséculaire. Cela doit d’abord et avant tout se focaliser sur l’Eglise Catholique romaine, mais doit aussi consacrer son attention aux personnalités individuelles, telles que, par exemple, Erasme, Martin Luther, Voltaire, les premiers penseurs socialistes français (comme Proudhon) et Karl Marx[3].

Ce document prévu de l’U.E doit expliquer à quel point l’antisémitisme chrétien vil et enragé a jeté les bases pour la seconde vague majeure de cette haine, l’antisémitisme ethnique national, ainsi qu’à son expression génocidaire la plus extrême : le nazisme.

Depuis la Seconde Guerre Mondiale, un troisième mode d’antisémitisme s’est progressivement développé : l’anti-israélisme ou antisionisme. L’U.E et un grand nombre de ses Etats-Membres lui ont donné libre cours et y ont participé de temps en temps. Tout cela doit être détaillé et illustré, sans quoi aucun document valide ne saurait être produit.

Si l’étude annoncée ne reconnaît pas explicitement que l’antisémitisme est consubstantielle à la culture européenne, elle échouera. Une étape importante dans la déformation de la réalité de l’antisémitisme au sein de l’U.E est survenue en 2003, quand on a demandé au Centre de Recherche sur l’Antisémitisme (CRA) au sein de l’Université Technique de Berlin, d’analyser les données et de résumer les résultats sur l’antisémitisme que l’organisation européenne avait découverts.

Amy Elman

L’universitaire américaine Amy Elman a décrit cet échec dans son livre publié en 2014 : The European Union, Antisemitism and the Politics of Denial.[4] [L’Union Européenne, l’Antisémitisme et la politique du déni]. Lors d’une interview, elle a déclaré : le CRA a achevé son document en octobre 2003. Il démontrait que les attaques violentes contre les Juifs surgissaient fréquemment de l’antisionisme virulent entretenu à travers tout le spectre politique. En outre, il identifiait spécifiquement les jeunes d’origine arabo-musulmane comme les principaux auteurs d’agressions physiques contre les Juifs et de profanations ou de destruction de synagogues. Beaucoup étaient eux-mêmes victimes de racisme et d’exclusion.

« L’UEMC n’a pas publié cette étude et a insisté pour dire que la période d’un mois couverte dans l’enquête du CRA était trop courte. Elle a aussi prétendu  que le rapport n’avait jamais été destiné à être publié. Les chercheurs du CRA ont commenté en disant que leur focalisation sur les auteurs musulmans d’actes antisémites et d’attaques antisionistes avait déstabilisé l’UEMC. Ils ont déclaré que cette agence de l’U.E leur avait demandé de manière répétée de modifier leurs résultats sujets à controverse. A la suite du refus des chercheurs d’édulcorer de manière révisionnisme leurs résultats, l’UEMC a purement et simplement mis leur rapport au placard en novembre 2003.” [5].

Progressivement, des études ont commencé à paraître sur l’antisémitisme extrémiste dans divers pays européens. Pourtant, l’U.E a fait très peu pour contrer ces courants. Une étape dans l’information a été menée, lors d’une étude de l’Université Bielefeld, pour le compte du groupe Friedrich Ebert Stiftung du Parti Social Démocrate (PSD) allemand. Il révélait qu’au moins 150 millions de citoyens âgés de plus de 16 ans, au sein de l’U.E adoptaient une vision diabolisatrice d’Israël.

L’étude avait été entreprise dans 7 pays européens. Les chercheurs ont questionné un millier de personnes par pays, ayant plus de l’âge de 16 ans, dans le courant de l’automne 2008.  Une des questions posées demandait s’ils croyaient l’assertion selon laquelle Israël mènerait une guerre d’extermination contre les Palestiniens.

Les pourcentages les plus faibles, parmi ceux d’accord avec ces allégations, se situaient en Italie et aux Pays-Bas, avec 38 et 39% respectivement. On trouvait d’autres pourcentages : Hongrie : 41%, Royaume-Uni : 42%, Allemagne : 48% et Portugal : 49%. En Pologne, la courbez était de 63%[6].

La Commission Européenne aurait dû être stupéfaite et en état de choc face à ces résultats. Ils montrent qu’une « nouvelle Europe » n’existe seulement encore que de manière très partielle, et que la « vieille Europe de la haine des Juifs et de l’incitation antisémite, est bien plus présente et prédominante.

L’U.E aurait aussi dû prêter attention aux conséquences de sa propre contribution à cette image, résultant essentiellement d’un criticisme unilatéral d’Israël et d’une façon de détourner systématiquement le regard, quant au soutien majoritaire de l’électorat palestinien au mouvement Hamas génocidaire, ainsi que pour son soutien financier par l’entremise de l’Autorité Palestinienne, contrôlée par le deuxième mouvement par ordre d’importance, le Fatah, qui récompense les terroristes qui assassinent des Juifs (si le terroriste est tué, c’est la famille qui bénéficie de la pension). La culture de glorification de la mort est absolument prédominante dans la vision du monde palestinienne.

En outre, l’U.E donne de l’argent à des ONG palestiniennes qui font de l’incitation systématique à l’encontre d’Israël. NGO Monitor a souligné que plusieurs d’entre elles sont liées au terrorisme[7] [8]. L’U.E soutient également l’Agence Spéciale pour les Réfugiés Palestiniens de l’ONU( UNRWA). Il n’y a aucune raison valide quant à l’existence de cette agence en dehors du système d’assistance ordinaire de l’ONU aux autres réfugiés non-palestiniens[9].

Dans plusieurs Etats-membres de l’U.E, l’antisémitisme s’épanouit sans même que l’U.E ne bouge le petit doigt. La Suède est l’un de ces cas. Sa troisième plus grande ville, Malmö est la capitale de l’antisémitisme depuis fort longtemps.

Cela est dû, en grande partie à la présence d’une large population musulmane à cet endroit. Cela est devenu possible par l’inaction, et parfois même, la participation à la propagande antisémite de l’administration sociale-démocrate locale, dirigée par le Maire Elmar Reepalu. La place centrale de Malmöa, peu à peu été reconquise par Berlin, capitale bien plus importante de l’antisémitisme européen[10].

Un autre événement scandaleux et jusqu’à preuve du contraire, unique en6 Europe a été le terme mis à l’existence de la petite communauté juive de la ville suédoise d’Umea, à cause du harcèlement subi de la part des Néo-Nazis locaux[11].

L’Espagne est un autre pays où l’antisémitisme s’imprègne au plus haut niveau. Le parti Podemos nie le droit d’exister à l’Etat d’Israël[12]. Podemos est le partenaire en second du gouvernement du Parti Socialiste des Travailleurs Espagnols (PSOE) dominé par son premier Ministre Pedro Sanchez. Tout plan sérieux pour une stratégie de l’U.E contre l’antisémitisme devrait déboucher par la démission ou le limogeage du Haut-Représentant pour la politique étrangère et la « sécurité » de l’U.E, Josep Borrel, un Espagnol, justement.

Il a déclaré à Politico qu’il n’y avait « rien de nouveau dans le fait que l’Iran veut éradiquer Israël de la surface de la planète. Vous devez vivre avec ça ». Il s’agit là du pire type d’apaisement de l’antisémitisme. Un homme pareil ne peut pas avoir la moindre place dans une Commission de l’U.E, qui prétendrait avoir une « stratégie contre l’antisémitisme[13]« .

L’U.E a nommé sa première Coordinatrice de la Commission Européenne dans la lutte contre l’Antisémitisme, Katharina von Schnurbein, en 2015. Elle fait vraiment tout son possible dans le domaine. Le fait qu’elle ne soit pas très élevée au sein de la hiérarchie de l’U.E et qu’elle ne dispose que d’une très petite équipe offrent encore de nouvelles indications sur la négligence de l’U.E dans la lutte contre l’antisémitisme.

Katharina von Schnurbein

Dans les années passées, une variété d’études ont été publiées concernant la propagation de l’antisémitisme dans un certain nombre de pays d’Europe, ainsi que sur les perceptions au sujet des Juifs qui y vivent. L’importance relative des auteurs diffère d’un pays à l’autre. Globalement, l’antisémitisme musulman est prédominant. Pourtant, en Allemagne, l’antisémitisme meurtrier d’extrême-droite reste de première importance. Ce dernier augmente globalement. L’antisémitisme d’extrême-gauche s’exprime largement par l’oral dans une haine féroce d’Israël.

28 July 2020, Saxony-Anhalt, Magdeburg: The defendant Stephan Balliet sits in the hearing room of the regional court. The Federal Prosecutor’s Office accuses the assassin of Hall 13 of criminal offences, including murder and attempted murder. On October 9, 2019, on the highest Jewish holiday Yom Kippur, he had tried to cause a bloodbath in the synagogue in Halle. Photo: Ronny Hartmann/POOL/AFP (MaxPPP TagID: dpaphotosfour636969.jpg) [Photo via MaxPPP]

Il est primordial que bien avant qu’un tel travail ne démarre, un plan détaillé qui comprenne les sujets qui doivent être couverts dans une telle étude soit présentée à la Commission de l’U.E. La question subsidiaire consiste à savoir qui peut ou qui veut vraiment le faire? Le gouvernement israélien a beaucoup d’autres intérêts particuliers en interaction avec l’U.E et ne va probablement pas le faire. Ceci d’autant plus, du fait de sa propre incompétence et de sa propre négligence dans ce domaine.

Cela laisse la question grande ouverte à d’importantes organisations juives. Pourtant, elles ne sont pas très au point en ce qui concerne une vision stratégique globale contre l’antisémitisme européen.

Alors que la Commission Européenne s’est engagée à cette étude, il s’agit d’une occasion unique de la confronter à ses propres contradictions et de faire pression pour qu’elle en vienne à produire un document stratégique valable sur le combat contre l’antisémitisme, le passé antisémite du continent et une reconnaissance de ses propres énormes erreurs dans ce domaine.

Par Manfred Gerstenfeld,

Cet article est d’abord paru sur le site du : Centre Begin-Sadate :

https://besacenter.org/perspectives-papers/eu-strategy-antisemitism/

Par Manfred Gerstenfeld

Le Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.

Adaptation : Marc Brzustowski.

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[1] https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/2021_commission_work_programme_en.pdf

[2] https://eurojewcong.org/news/news-and-views/eu-leaders-to-adopt-a-declaration-against-antisemitism-at-their-december-summit-meeting/

[3] www.israelnationalnews.com/Articles/Article.aspx/14217

[4] Amy Elman , “The European Union, Antisemitism, and the Politics of Denial”, (Lincoln,Ne: University of Nebraska Press, 2015)

[5] www.israelnationalnews.com/Articles/Article.aspx/15697

[6] Library.fes.de/pdf-files/do/07908-20110311.pdf

[7] www.ngo-monitor.org/reports/eu-funding-to-terror-linked-palestinian-ngos-since-2011/

[8] https://palwatch.org/page/3805 https://palwatch.org/page/10015

[9] www.ngo-monitor.org/topics/unrwa/

[10] www.jpost.com/opinion/berlin-europes-antisemitism-capital-580076

[11] www.bbc.com/news/world-europe-39478339

[12] www.jpost.com/international/spanish-politician-who-called-israel-illegal-state-named-deputy-pm-613893

[13] www.jpost.com/middle-east/top-eu-foreign-policy-nominee-has-record-of-slamming-israel-praising-iran-594633

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Hervé

Bien trop naïfs de penser que l’eurabia va entreprendre la moindre initiative contre l’anti sémitisme. Il faudrait d’abord qu’elle puisse donner à sa police les moyens de se protéger elle même pour commencer « surtout en francarabia où le service d’ordre se fait massacrer » avec cerise sur le gâteau de la part d’un « président » qui prétend que la police est violente. Il serait de notoriété publique qu’elle puisse défendre ses « propres » ressortissants par les filles qui sont violées tous les jours. Mais la peur des émeutes et l’anti sémitisme ambiant, puis le déni du formidable pays qu’est Israël, (jalousie quand tu nous tient) la violence contre les Juifs ‘eurabia, surtout de francarabia, ne s’arrêtera ni Demain ni après demain.