Le SARS-CoV-2 a-t-il été fabriqué en laboratoire ? « C’est impossible d’évacuer cette piste »

Le coronavirus Covid-19 se serait-il échappé d’un laboratoire de Wuhan, en Chine ?

Pendant plusieurs mois, « Envoyé spécial » est allé à la rencontre de chercheurs qui explorent très sérieusement cette piste. Un scénario longtemps considéré comme « complotiste » et fermement rejeté par les autorités chinoises, que certains éléments tendraient pourtant à accréditer…

Fermé le 1er janvier 2020, le marché de Huanan où étaient vendues quelques espèces d'animaux sauvages a été visité par les experts de l'OMS.

Où en sont les recherches sur les origines du Covid-19, apparu en France il y a maintenant plus d’un an ? Longtemps considérée comme « complotiste », la thèse de l’accident de laboratoire est aujourd’hui examinée par de nombreux chercheurs, car elle pourrait expliquer pourquoi l’épidémie est partie de Wuhan, en Chine. Cette théorie est fermement rejetée par les autorités chinoises : Pékin ne veut à aucun prix être tenu pour responsable d’une pandémie qui a déjà fait plus de 2 millions et demi de morts sur la planète…

Pendant plusieurs mois, « Envoyé spécial » est allé à la rencontre de chercheurs qui explorent la piste d’un dangereux virus échappé d’un laboratoire de Wuhan. Ce scénario est-il crédible ?

A l’appui de cette thèse, une propriété de la protéine Spike de ce coronavirus (la « clé » qui permet au SARS-CoV-2 de pénétrer dans nos cellules) découverte par Etienne Decroly, virologue au CNRS : au contact d’une cellule humaine, la protéine Spike se découpe d’une telle façon qu’elle permet au virus de se diffuser beaucoup plus facilement dans le corps humain. Cela s’appelle un site furin. 

Un « site furin » qui facilite la transmission à l’homme… et alimente les soupçons des scientifiques

Que change la présence de ce site furin ? « Probablement… l’histoire du monde ! Parce que c’est cette insertion-là qui fait qu’aujourd’hui, on est dans une épidémie qui devient une pandémie, donc qui devient mondiale, avec près de 2 millions de morts, alors que si ce site n’était pas présent, estime Etienne Decroly, probablement, ce virus aurait peut-être circulé un peu à bas bruit dans les populations, mais sans faire d’épidémie mondiale. »

Depuis plusieurs années, Shi Zhengli, directrice adjointe du laboratoire P4 de Wuhan, travaille en collaboration avec le virologue américain Ralph Baric sur des recherches de « gain de fonction », c’est-à-dire le moyen de modifier le code génétique d’un virus pour en accroître la contagiosité. Ces travaux qui visent à comprendre les mécanismes du franchissement de la barrière d’espèce alimentent les soupçons de nombreux chercheurs : un virus synthétique hautement contagieux aurait-il pu s’échapper du laboratoire de Wuhan et provoquer la pandémie ?

« Aller chercher des virus dans la nature et faire du gain de fonction, ça revient à chercher une fuite de gaz avec un briquet »

« Est-ce que tout ça n’est pas le résultat d’une expérience en laboratoire ? s’interroge le Pr Nikolai Petrovsky, de l’université de Flinders, en Australie. Quand vous regardez tous les faits ensemble, vous ne pouvez pas ne pas vous poser la question. J’aimerais bien que cette piste soit totalement improbable, mais plus vous regardez, et plus vous vous dites que ce serait irresponsable de dire que c’est impossible. C’est impossible d’évacuer cette piste. »

Ces manipulations sur des virus, de nombreux virologues les trouvent excessivement dangereuses. Voici ce qu’en pense Bruno Canard, chercheur au CNRS : « Vous faites ça avec la meilleure intention du monde, mais en fait, vous prenez des risques, puisque vous avez créé un virus qui lui-même, maintenant que vous avez réussi votre manip et que votre hypothèse est correcte, peut très bien s’échapper du laboratoire, infecter le manipulateur, qui ne le sait même pas, et va infecter tout le monde, sa famille ou ses proches, et vous avez une épidémie qui démarre… Ce style de manipulation, aller chercher des virus dans la nature et faire du gain de fonction pour comprendre comment ça marche, ça revient à chercher une fuite de gaz avec un briquet. »

Une méthode controversée au sein la communauté scientifique, effectuée d’après l’experte pour anticiper les dangers des nouveaux virus d’origine animale afin de mieux les anticiper. Le laboratoire en question se trouve « à quelques dizaines de mètres » du marché de Wuhan, soupçonné il y a un an d’avoir été le lieu d’origine de l’épidémie. Deux ans plus tôt encore, deux diplomates avaient alerté dans un communiqué les « failles du sécurité » et le manque de personnel correctement formés après avoir visité ce laboratoire qui effectue des manipulations dangereuses de coronavirus de chauve-souris.

L’OMS a écarté la thèse d’une fuite accidentelle de laboratoire, mais son investigation n’était pas indépendante. En réalité, elle a été faite conjointement avec la Chine, avec un accès extrêmement limité au laboratoire de Wuhan. Par exemple, Envoyé Spécial rapporte que l’OMS n’a eu accès à aucune données stockées par le laboratoire, aucun dossier, et qu’un membre de la commission d’enquête de l’OMS, Peter Daszak, était l’un des financeurs des travaux de ce laboratoire sur les coronavirus de chauve-souris. Des e-mails de Peter Daszak prouvent qu’il a par la suite conseillé aux experts de l’OMS de privilégier la piste de transmission animale plutôt que de celle d’un accident de laboratoire…

Seule certitude : à l’origine, le virus vient d’une chauve-souris. Comment est-il passé à l’homme ? Deux hypothèses sont aujourd’hui jugées crédibles par les scientifiques. La première, considérée comme la plus probable, est celle d’une zoonose, c’est-à-dire d’une infection par un animal : une chauve-souris infectée a pu contaminer un homme directement ou à travers un animal intermédiaire non identifié pour le moment. La deuxième hypothèse, beaucoup plus sensible, est celle d’une fuite de ce virus depuis un laboratoire, peut-être lors d’une erreur humaine. Longtemps assimilée à une thèse complotiste, elle est aujourd’hui jugée plausible par une partie de la communauté scientifique.

Une incohérence géographique

Wuhan, connue pour son activité de recherche sur les virus, abrite aujourd’hui trois laboratoires : un laboratoire P4 de très haute sécurité, où sont étudiés des virus comme Ebola, et deux laboratoires P3, où sont étudiés les coronavirus. Ces derniers se trouvent en centre-ville, à quelques dizaines de mètres du marché où s’est déclarée l’épidémie. Tous ces laboratoires sont soumis à des règles de sécurité drastiques. Dans les centres P3, les chercheurs doivent passer par un sas où ils enfilent une tenue de protection. Interrogé par France Télévisions, Manuel Rosa-Calatrava, le codirecteur du laboratoire P3 de Lyon, explique ainsi qu’il s’agit d’un « environnement confiné, complètement étanche. De plus, il est en sous-pression, c’est-à-dire que la pression atmosphérique à l’intérieur est inférieure à celle de l’extérieur. En conséquence, par un principe physique, il ne peut pas y avoir de fuite de l’atmosphère de l’intérieur vers l’extérieur. » Pour les laboratoires P4, les consignes sont encore plus strictes : les manipulateurs doivent porter un scaphandre grâce auquel ils respirent de l’air filtré.

Coronavirus (Covid-19) - Communication | Université Catholique de Lille

Malgré ces consignes drastiques, l’hypothèse d’une fuite du virus depuis un laboratoire à Wuhan reste crédible aux yeux d’Etienne Decroly, directeur de recherche au CNRS à l’université Aix-Marseille. « Je crois que les autorités chinoises sont extrêmement rigoureuses sur les normes de sécurité, mais il faut se rappeler que ce sont des virus respiratoires, et donc qu’ils persistent dans l’air un certain temps, explique-t-il. On a tous vu que, malgré le port du masque, on peut quand même se contaminer. Donc dans un laboratoire de type P3, où l’on n’a pas de scaphandre, il y a des possibilités qu’il y ait des contaminations. » Dans l’histoire de la virologie, ce type de contamination s’est d’ailleurs déjà produit. En 2004, le virus responsable du Sras s’était échappé de l’Institut de virologie de Pékin, classé P3. Cinq cadres de l’Institut, accusés « d’erreurs et de manquements », avaient alors été sanctionnés par Pékin.

Dans le cas du Sars-CoV-2, une incohérence géographique pousse aussi à creuser l’hypothèse d’une intervention humaine derrière la pandémie. Monali Rahalkar, microbiologiste à l’Institut de recherche Agharkar, en Inde, étudie les origines du virus depuis le début de la pandémie. Elle souligne un point fondamental : « On sait que le virus vient d’une chauve-souris. Mais toutes ces chauves-souris vivent dans le sud de la Chine, dans le Yunnan. C’est à plus de 1 000 kilomètres de Wuhan, là où l’épidémie a démarré. » Pendant des années, les scientifiques de Wuhan ont fait de nombreuses expéditions dans cette région du Yunnan pour collecter des coronavirus. La question se pose ainsi de savoir s’ils ont pu, ou non, rapporter le virus du Covid-19 lors de l’une de leurs expéditions.

C’est d’ailleurs dans cette région qu’a été prélevé le coronavirus le plus proche du Sars-CoV-2 que l’on connaît. C’est Shi Zhengli, la directrice adjointe du centre de virologie de Wuhan, qui l’a découvert en 2013. Ce coronavirus s’appelle RaTG13, et il a 96% de ressemblances avec le Sars-CoV-2, le virus du Covid 19. Le RaTG13 a été prélevé dans une ancienne mine du Yunnan.

Très difficile d’enquêter en Chine

Depuis la pandémie de Covid-19, cette mine fascine tous ceux qui s’intéressent aux origines du virus. Plusieurs équipes de journalistes ont tenté de s’en approcher. Toutes ont été bloquées par des villageois avant d’arriver à la mine. Une journaliste chinoise, originaire de cette région montagneuse, s’y est rendue pour France Télévisions et a réussi à interroger un caféiculteur installé à proximité. « La mine est fermée en ce moment. Je ne sais pas pourquoi. C’est le gouvernement qui l’a fermée, assure-t-il. Et ils ont mis des caméras de vidéosurveillance partout autour du lieu. Si vous y allez, je vous préviens, ils vont vous filmer et vous prendre en photo. Personne ne peut rentrer. Ils ont installé un grand barrage devant la mine, et la route est barrée. » De fait, notre journaliste n’a pas pu accéder à cette mine.

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Car la difficulté lorsqu’on enquête sur l’origine du virus, c’est avant tout l’attitude de la Chine, qui n’autorise l’accès ni aux lieux ni aux données sensibles. C’est d’ailleurs le problème auquel s’est heurtée l’équipe de l’Organisation mondiale de la santé, qui comptait 10 scientifiques, partie en janvier à Wuhan pour étudier l’origine du virus. Ce voyage, réalisé sous haute tension diplomatique, a nécessité plusieurs mois de négociations : il a d’abord été annulé à la dernière minute une première fois par les autorités chinoises, avant d’être finalement autorisé le 12 janvier. Avant même son départ en Chine, Fabian Leendertz, un des membres de l’équipe et médecin vétérinaire à l’Institut Robert Koch (Allemagne), se disait ainsi conscient du caractère quasi-impossible de cette mission : « Ce n’est pas moi ou un autre membre de l’équipe qui trouverons la réponse. Ce sont nos collègues chinois, c’est clair. Et cela prendra peut-être six mois, un an, cinq ans, vingt ans ou même plus… Nous verrons », témoignait-il.

Mi-janvier, lorsque les scientifiques ont atterri à Wuhan, ils ont d’abord été placés en quarantaine pendant deux semaines. Lorsqu’ils ont pu enfin sortir, chaque déplacement s’est fait sous haute surveillance, les experts de l’OMS étant toujours accompagnés par des scientifiques et des officiels chinois. Ils ont visité le marché de Wuhan, mais aussi le fameux laboratoire de virologie. La visite la plus scrutée de leur voyage, comme en témoigne le récit du responsable de la mission de l’OMS, Peter Ben Embarek : « On doit leur poser des questions difficiles et il faut orchestrer tout ça d’une certaine manière pour pouvoir les amener à parler de sujets difficiles sans les offenser. »

Dans les faits, les experts de l’OMS n’ont eu qu’un accès limité à ce laboratoire et n’ont pas pu étudier eux-mêmes les données détaillées. C’est à la fois une question de moyens – car l’équipe de l’OMS n’a eu ni le temps, ni les ressources pour se plonger dans toutes les données du laboratoire – et une question de réticence de la Chine. La collaboration avec les chercheurs chinois n’a d’ailleurs pas toujours été simple. En février, Peter Ben Embarek nous racontait depuis Wuhan : « Les réunions commencent à être compliquées. On a commencé à discuter des différentes hypothèses sur l’origine du virus et, bien sûr, certaines hypothèses ne sont pas très populaires ici… »

« On n’a pas dit que c’était impossible »

Après deux semaines sur le terrain, l’OMS finit par donner une conférence de presse le 9 février pour marquer la fin de la mission à Wuhan. Devant les caméras du monde entier, Peter Ben Embarek explique que « l’hypothèse d’une fuite de laboratoire est hautement improbable ». Cette affirmation provoque l’incompréhension de nombreux scientifiques, qui soulignent que l’équipe de l’OMS n’a pas eu un accès direct aux données essentielles : échantillons prélevés sur les premiers malades, dossiers complets des laboratoires… Les Etats-Unis, de leur côté, répondent qu’ils n’accepteront pas ces conclusions sans vérifications. Dans les faits, le contenu des discours de la délégation de l’OMS a été négocié avec les scientifiques chinois, selon nos informations.

Coronavirus : les laboratoires de Wuhan, épicentres de la rumeur

 

Face à ces réactions, le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, est obligé de revenir sur la déclaration. Quelques jours plus tard, il assure publiquement qu’après avoir parlé avec l’équipe de la mission, « toutes les hypothèses restent ouvertes et nécessitent des études plus poussées ». Peter Ben Embarek nous confirme ainsi que, n’ayant pas fait un audit du laboratoire, l’OMS ne peut en réalité rien affirmer de définitif : « Nous, on laisse tomber cette hypothèse, mais elle est toujours sur la table. On n’a pas dit que c’était impossible. »

A la suite de ce couac diplomatique, 26 scientifiques ont signé une lettre ouverte réclamant une nouvelle enquête « approfondie et crédible », qui n’exclurait aucune piste. Ils exigent également un accès direct aux échantillons et aux dossiers pertinents pour comprendre ce qu’il s’est passé. Le saura-t-on d’ailleurs un jour ? Tout repose aujourd’hui sur la Chine. Si le pays ne se montre pas transparent, les scientifiques en sont conscients : il est possible qu’on ne connaisse jamais la vérité.

Sources Multiples: France Info-Télé 7-A2

 

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madredios

La Chine a gagné sa 1° bataille bactériologique.
Elle a mis à plat toute l’économie de la planète.
Il faut savoir que la Chine a racheté toutes les actions d’entreprises étrangères, installées sur son sol, dés la 1° semaine de la pandémie.

Pierre 2

Depuis des années, l’Europe fait confiance à tout ce qui est chinois. Les industriels achètent à tour de bras du matériel électronique et autres à des prix inférieurs à tout ce qu’on peu produire en Europe. Et pendant ce temps, on met nos travailleurs au chômage et on ferme toutes nos usines et le petit peuple n’arrive plus à nourrir ses enfants. Et tout cela avec la bénédiction de nos gouvernements. Quand donc va-t-on une fois pour toutes dire STOP à cette tragédie. Sans compter sur le pouvoir géo-politique que la Chine prends sur nos dirigeants lesquels semblent entrés en léthargie.

jacky

il est evident que les chinois sont entierement responsable, et l’oms le sait tres bien et a participé a se jeu de dupe
tout cela c »est du theatre
ils nous prennent pour des attardés

Filouthai

Une organisation dirigée par un communiste, ancien membre d’un gouvernement africain genocidaire, n’a pas la moindre envie de trouver la verite, et encore moins de la diffuser « urbi et orbi ».
En France, le « grand ami » de la Chine , c’est Raffarin, ancien ministre de Jacquouille, c’est dire le niveau de transparence et de compétence qu’il faut pour traiter valablement ce dossier.

andre

Encore une organisation qui, affublee du titre d’une organisation prenant en compte la sante humaine, est en fait strictement politique. C’est la meme organisation qui, a l’epoque ou tant de Syriens passaient la frontiere pour se faire soigner en Israel (dans le Golan), accusait Israel de nuire a la sante de la population syrienne. Je crois me souvenir egalement que (avec l’appui, entre autres, de la France), cette organisation accusait Israel de mal traiter les femmes !