Le pacifiste Japon a beau ne pas participer à la coalition internationale contre le groupe Etat islamique (EI), l’apparente exécution samedi d’un second otage nippon montre qu’il est aussi une cible des jihadistes, un défi pour sa diplomatie, soulignent des analystes.

Avant cette crise, l’archipel, qui a longtemps évité la poudrière du Moyen-Orient, se sentait relativement épargné par ce type d’actes et l’extrémisme religieux était pour de nombreux Japonais un problème bien lointain.

La prise en otage et la décapitation annoncée de Haruna Yukawa, capturé en août en Syrie, puis de Kenji Goto, parti à sa recherche en octobre, a brutalement changé la donne.

« Jusqu’ici les gens pensaient que le Japon n’avait pas grand-chose à voir avec le Moyen-Orient et que l’EI ne s’en préoccupait pas », explique Tomoaki Iwai, professeur de sciences politiques à l’Université du Japon.

« Maintenant, ils se rendent compte que les terroristes sont partout et peuvent cibler n’importe qui ».

L’image pacifiste de l’archipel ne le protège plus, et la politique du Premier ministre Shinzo Abe ne simplifie pas les choses, observent des experts.

– ‘Pacifisme proactif’ –

Depuis son retour au pouvoir fin 2012, ce conservateur s’est mis en tête de redonner fierté et puissance au Japon sur la scène internationale. Il a visité plus de 50 pays en deux ans et réinterprété la Constitution pour autoriser l’armée à intervenir hors des frontières dans le cadre de la « défense collective » au profit d’alliés en difficultés.

Mais l’opinion craint que ce genre d’initiative n’entraîne le pays dans des conflits distants et inextricables, comme la lutte contre l’EI emmenée par les Etats-Unis.

Les tragiques événements de ces derniers jours risquent de renforcer cette peur.

« Cette crise des otages est un grand choc pour les Japonais. Beaucoup estiment que le pays devrait faire profil bas plutôt que d’intervenir sur des sujets internationaux susceptibles de mettre en danger la vie des citoyens japonais », a estimé Takehiko Yamamoto, professeur de relations internationales à l’Université Waseda de Tokyo.

Pour autant, le gouvernement persiste. M. Abe a réaffirmé sa détermination dimanche, peu de temps après la diffusion de la vidéo de l’EI.

« Le Japon est fermement résolu à prendre ses responsabilités en lien avec la communauté internationale pour combattre le terrorisme », a-t-il assuré, visiblement très ému.

« Le Premier ministre va poursuivre sa politique de « pacifisme proactif », mais il devra peut-être baisser d’un ton en mettant l’accent sur l’aspect non militaire de la diplomatie traditionnelle japonaise, par exemple sous la forme d’un soutien humanitaire aux plus faibles », juge M. Yamamoto.

– Le prix de l’engagement –

Le drame est survenu en pleine tournée de Shinzo Abe au Moyen-Orient, aux lendemains de la promesse d’une aide de 200 millions de dollars aux pays affectés par l’offensive de l’EI qui s’est emparé de larges pans de territoire en Syrie et en Irak.

L’organisation jihadiste avait demandé une rançon du même montant, avant de changer de tactique et de réclamer la libération d’une kamikaze irakienne détenue en Jordanie.

« Si jamais les preneurs d’otages avaient délibérément utilisé la visite de M. Abe pour médiatiser la crise, cela pourrait constituer un problème » dans sa façon d’agir vis-à-vis de la région, souligne M. Iwai qui pointe « le coût et les risques d’une plus grande présence diplomatique ».

« Quand il a annoncé initialement (l’aide), il a précisé que l’argent était destiné à soutenir les pays en lutte contre l’EI », avant de rectifier en insistant sur son côté humanitaire, note-t-il en questionnant le choix des mots.

D’autres commentateurs ont relevé l’inexpérience et la naïveté du Japon en matière de gestion de crise dans cette zone en conflit permanent. Ainsi le Premier ministre japonais a-t-il fait sa première intervention sur le sujet devant des drapeaux nippon… et israélien.

La responsabilité n’est pas à rechercher du côté du gouvernement nippon, tempère Robert Dujarric, directeur des Etudes asiatiques à l’Université Temple de Tokyo. « Ce genre de tragédie est inévitable. L’EI se finance avec les enlèvements, le Japon est riche donc il est logique de s’en prendre aux Japonais », relève-t-il. Sans compter que « Tokyo ne peut que soutenir son allié américain », déterminé à anéantir les jihadistes.

 

AFP

 

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