Israël/Elections J-12 jours : comment éviter l’impasse ? Par Daniel Haïk

La 24e Knesset s’est dissoute le 30 juin dernier au matin. Officiellement, dès le lendemain, 1er juillet, avec l’arrivée de Yaïr Lapid à la présidence du Conseil, la campagne électorale était enclenchée. Mais, de facto, cette campagne jusqu’à présent excessivement monotone, voire même carrément soporifique, n’a véritablement pris son élan que ce mardi 18 octobre, à deux semaines du scrutin du 1er novembre, après deux mois de grandes vacances d’été et trois semaines de fêtes du nouvel an hébraïque.
Motif principal de cette torpeur politique: le sentiment que même ce 5e scrutin ne parviendra pas à rompre la parité chronique entre les camps Lapid et Netanyahou
Motif principal de cette torpeur politique: le sentiment que même ce 5e scrutin ne parviendra pas à rompre la parité chronique entre le camp Lapid et le camp Netanyaou.
Les sondages sont époustouflants de constance: le bloc « Likoud-orthodoxes-sionisme religieux », conduit par Benyamin Netanyahou gravite autour des 60 mandats, tandis que le bloc de centre-gauche dirigé par l’actuel Premier ministre se contente de 56 sièges, auxquels il faut rajouter les 4 mandats dont la Liste arabe « désunifiée » est créditée.
Pire: le sentiment général est que rien ni personne ne sera capable de modifier cette parité. Ni une opération militaire israélienne, ni l’accord israëlo-libanais, ni même d’éventuelles déclarations chaleureuses du président Joe Biden en faveur de Lapid. Toutes les enquêtes réalisées ces derniers mois ont prouvé, d’abord, que les changements d’opinion étaient minimes et qu’ils n’intervenaient qu’au sein du même bloc et non d’un bloc à l’autre….
Toutes les enquêtes réalisées ces derniers mois ont prouvé que les changements d’opinion étaient minimes
L’impasse politique actuelle paraît donc un fait accompli. Et, à 12 jours à peine de la consultation électorale, la véritable question sera de savoir ce qui pourrait rompre cet équilibre périlleux et faire enfin sortir l’Etat d’Israël de la crise ?
La réponse n’est pas aisée, mais voici quelques suggestions :

1. La victoire ira au camp le plus uni et le plus mobilisé

Dans cet océan d’incertitudes politiques, plusieurs constatation limpides. Alors que le bloc de centre-gauche est fragmenté, celui de droite reste uni et cimenté autour de la personnalité dominante de Benyamin Netanyahou.
Elad MalkaElad MalkaLe ministre israélien de la Défense Benny Gantz lors d’une visite dans le bloc de colonies de Gush Etzion, le 16 octobre 2022
Alors que le bloc Netanyahou réunit 4 formations (Likoud, Chass, Judaïsme de la Torah, et Parti Sioniste religieux), le bloc Lapid lui en compte 7 ! Et si personne, à droite, ne conteste ouvertement le leadership de Netanyahou , ils sont au moins 3, au centre gauche, à jalouser le statut de Premier ministre de Yaïr Lapid :
Benny Gantz qui rêve de réitérer la manœuvre Bennett et de devenir chef de gouvernement, alors que son parti n’est crédité que d’une douzaine de mandats.
Merav Michaeli, la présidente travailliste, qui se considère encore comme une alternative au pouvoir de la droite, et Avigdor Liberman, leader d’Israël Beitenou, qui estime qu’il est le seul à posséder l’expérience et l’ancienneté politique requise pour remplacer Netanyahou. Cette unité de la droite nationaliste et religieuse représente donc un atout certain pour Benyamin Netanyahou sur son rival aujourd’hui au pouvoir… Voire même un prélude à une victoire de la droite.

2. Le péril du seuil d’éligibilité

Une précision technique : ce seuil a été fixé à 3,25% des suffrages exprimés, le jour des élections. En fonction du taux de participation, il se situera autour des 150 à 160 000 voix et, concrètement, le parti qui le franchira possèdera au moins 4 mandats dans la 25e Knesset.
Ceci dit, alors qu’à droite aucun parti ne risque de passer en deça du seuil d’éligibilité, (à l’exception du Foyer Juif de Shaked qui ne l’a jamais franchi dans les sondages!), on recense pas moins de 4 formations qui risquent d’être projetées dans les oubliettes de l’Histoire: les deux formations arabes israéliennes « Tahal-Hadash »(Oudéh-Tibi), et Raam(Mansour Abbas), créditées dans tous les sondages de 4 mandats chacune, ainsi que le parti Meretz et le Parti Travailliste qui, eux, gravitent autour des 5 mandats.
Yaïr Lapid s’efforce donc dans cette ultime ligne droite de persuader l’électorat arabe israélien d’aller voter massivement le 1er novembre
Les observateurs sont formels: si l’une de ces 4 formations ne passe pas le seuil d’éligibilité, c’est Netanyahou qui obtiendra la majorité des 61 députés! Pour éviter un tel cas de figure, Yaïr Lapid s’efforce donc dans cette ultime ligne droite de persuader l’électorat arabe israélien d’aller voter massivement le 1er novembre.
Olivier Fitoussi/Flash90Olivier Fitoussi/Flash90MK Itamar Ben-Gvir (furthest to the left) reacts to a statement by Arab List party MK Mansour Abbas (R), at the Israeli parliament in Jerusalem, May 11, 2022.
Une tâche redoutable: selon les experts, seuls 39 à 40% de la population arabe israélienne auraient l’intention de participer au scrutin, donc bien en-dessous du taux de participation de la population juive qui dépasse généralement les 80% ! Pour que Lapid ait une chance de l’emporter, il devra galvaniser l’électorat arabe israélien, peut-être en lui promettant d’inclure la Liste arabe dans sa future coalition.

3. L’inconnue Ayelet Shaked

Après avoir hérité des ruines du parti Yamina, laissé à l’abandon par son ex-partenaire Naftali Bennett, Ayelet Shaked, qui a repris la tête du parti Foyer Juif, aurait pu être le « ticket gagnant » de Benyamin Netanyahou.
Elle aurait pu (ou du) rassembler l’aile modérée de la mouvance sioniste religieuse, allergique au tandem Smotrich-Ben Gvir d’une part, et au Likoud de l’autre.
Elle aurait pu, avec un solide coup de pouce de Netanyahou, franchir le seuil d’éligibilité et offrir au chef de l’opposition les 4 mandats qui lui manquaient pour briser la parité électorale.
Photo by Amit Shabi/POOLPhoto by Amit Shabi/POOLIsrael’s Interior Minister Ayelet Shaked arrives at a cabinet meeting at the Prime Minister’s Office in Jerusalem, on October 02, 2022.
Mais Shaked a démarré trop tard sa campagne. Elle a commis l’erreur de s’allier avec un parti fantôme (Dereh Eretz du tandem Haozer-Hendel) avant de « divorcer » et de faire son mea culpa politique. Surtout, elle a fait les frais de ses relations exécrables avec le couple Netanyahou.
Le coup de pouce de Netanyahou n’est pas arrivé. Au contraire, le leader du Likoud, pressé par son épouse, fait tout actuellement pour que Shaked se retire de la course et évite ainsi de faire perdre à la droite des milliers de voix. Et pourtant, il n’est pas impossible qu’au matin du 2 novembre, les 4 mandats « modérés » de Shaked fassent cruellement défaut au camp Netanyahou.

4. L’option d’une alliance entre Netanyaou et Gantz

Elle peut paraitre surréaliste, surtout lorsque l’on sait que la précédente expérience entre les deux leaders s’est terminée par une dissolution du Parlement, il y a 18 mois à peine. Toutefois, si Netanyahou ne parvient pas à réunir une majorité de 61 députés le 2 novembre, il pourrait alors proposer à Gantz de devenir Premier ministre en rotation avec lui, et ce avec le soutien du Likoud, de la branche modérée du sionisme religieux de Smotrich, des orthodoxes, et du camp républicain (ou d’une partie de cette formation). Ce serait là le plan B de l’ancien Premier ministre…!

5. Enfin, l’option de nouvelles élections

Aussi incroyable que cela puisse paraitre, les observateurs l’envisagent sérieusement : si la parité n’était pas rompue le 1er novembre, celle-ci serait envisagée. A moins qu’au sein même du Likoud, certains osent montrer la porte à Netanyahou. Ce serait alors un développement historique et dramatique pour un Likoud qui n’a compté que 4 présidents en 49 ans d’existence et qui n’a jamais destitué son chef de file.
Daniel Haïk – i24NEWS  Analyste politique i24NEWS

AHMAD GHARABLI / AFP Affiche électorale représentant Benyamin Netanyahou (à gauche) et le chef du parti Yesh Atid, Yair Lapid

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires