Affrontements entre les forces de sécurité israéliennes et des émeutiers palestiniens, le 6 février 2016. (Crédit : Haytham Shtayeh / Flash90)
Même si la violence et le terrorisme palestiniens font les gros titres à Jérusalem et à Hébron, c’est Jénine et Tulkarem qui troublent, la nuit, le sommeil du Maj. Hanan Shwartz.
Le chef des Opérations de la Brigade Menashe de l’armée israélienne déclare que ces deux villes du nord de la Cisjordanie – terreaux de l’activité terroriste durant la Seconde Intifada – pourraient à nouveau être à l’origine de violences contre les civils israéliens et les forces de sécurité.

“Je suis toujours inquiet,” dit-il.

La majorité des violences survenues l’année dernière ont été menées dans des localités et des villes du sud et du centre de la Cisjordanie, ou par les habitants de cette zone.

“Mais les dommages potentiels qui pourraient venir de Jénine les surpassent toutes” a indiqué, la semaine dernière, Shwartz au Times of Israel depuis le sommet d’une colline qui surplombe la zone.

Il ne manque que « la goutte d’eau qui ferait déborder le vase » et provoquerait un déchaînement de la violence, explique-t-il.

Dans les quelques jours qui ont suivi cet avertissement prémonitoire de Shwartz, Jénine a démontré d’une certaine manière la véracité de ce point de vue. Lundi dans la matinée, les troupes de l’armée israélienne ont découvert une vaste cache d’armes illégales – en majorité des fusils et des pistolets de fortunes assemblés à partir de composants produits en série – et procédé à six arrestations dans la ville de Cisjordanie, parmi lesquelles un membre présumé du groupe terroriste du Hamas a été appréhendé.

“Nous avons investi davantage de ressources dans le problème des armes illégales”, annonce-t-il. “Mais c’est un travail de Sisyphe”.

Shwartz “a grandi” au sein de l’unité de reconnaissance de la brigade Givati. Depuis l’année passée, le jeune père de 31 ans, marié, exerce ses fonctions dans la Brigade Régionale de Menashe, son premier poste à responsabilité après presque 14 ans consacrés à l’armée.

La brigade est responsable de la sécurité de la zone nord-ouest de la Cisjordanie, un territoire doté de 117 kilomètres de clôtures le divisant depuis les villes de Netanya et de Hadera à l’ouest jusqu’à Megiddo, Afula et le mont Gilboa au nord.

Jusqu’à présent, la Brigade Menashe est parvenue à maintenir un état de calme dans les villes de Jenin et Tulkarem, ce que Shwartz attribue au long travail et aux succès passés, non aux éventuelles réussites à venir.

“Si tout va bien maintenant, cela veut dire qu’hier, j’ai bien travaillé. Si je veux avoir une bonne journée demain, il faut que je travaille dur aujourd’hui », dit-il.

Malgré la menace, Jénine et Tulkarem se sont quelque peu effacées, rejoignant le fond des consciences des Israéliens.

Il y a eu des exceptions notables. L’attentat qui a tué l’agent de la police douanière âgée de 19 ans Hadar Cohen au mois de févier avait été perpétré par des habitants de Qabatiya, aux abords de Jénine.

Et plus récemment, deux femmes soldats qui étaient entrées par accident dans Tulkarem au début du mois ont vu leur véhicules pris d’assaut par les résidents. Elles ont été sauvées par des agents de police palestiniens, qui les ont placées en sécurité jusqu’à ce qu’elles puissent être escortées hors de la ville.

Cet incident s’est déroulé en moins de deux heures et sans blessés à déplorer. Il a également permis de mettre en lumière la collaboration étroite existant entre les forces israéliennes de sécurité et les mécanismes sécuritaires palestiniens, explique Shwartz.

“Ils nous ont tout amené – les soldats, la voiture. La police palestinienne fait un bon travail”, ajoute Shwartz.

« Nous apprécions énormément les services du département de la police de Tulkarem », poursuit-il. Shwartz distingue de réels bénéfices dans la coopération sécuritaire entre les forces israéliennes de défense et l’Autorité palestinienne.

“C’est l’une des réussites qui a le plus de sens pour nous”, dit-il. « J’espère que c’est réciproque ».

L’année dernière, les officiers de la police palestinienne et des membres des services de sécurité de l’Autorité palestinienne ont pu déjouer un nombre très important d’attaques fomentées contre des Israéliens, explique-il.

Par exemple, au mois d’avril, la police de l’AP a arrêté trois adolescents palestiniens — l’un d’entre eux était originaire de Jénine — armés d’une mitraillette et de grenades, qui, selon des sources, préparaient un attentat terroriste contre des Israéliens.

Mais si l’armée israélienne peut envisager le travail de la police de l’AP sous un angle positif, il reste au cœur de la société palestinienne une tension exacerbée. Ainsi, le mois dernier, les forces de sécurité de l’AP ont affronté des habitants de Naplouse qui étaient descendus dans les rues après le lynchage à mort d’un suspect en détention policière.

La coopération entre l’Autorité palestinienne et Israël n’est pas le seul facteur qui ait dissuadé les habitants de Tulkarem et de Jénine de prendre part aux attentats terroristes de l’année passée. Certaines caractéristiques géographiques l’expliquent aussi en partie.

Sans une présence à grande échelle de l’armée israélienne au cœur des villes palestiniennes – comme c’est le cas à Hébron — un Palestinien désireux de mener une attaque terroriste parce qu’il est sous influence, parce qu’il y est incité ou qu’il connaît lui-même quelqu’un qui a été arrêté, tué ou blessé par les forces israéliennes, qui veut lancer un attentat, “n’a aucun endroit où il puisse se décharger de sa violence”, explique Shwartz.

Il n’y a pas tant d’agents de la police des douanes en patrouille à tuer par balles, ou de soldats en service sur les checkpoints à poignarder. A la place, le “Palestinien en colère” doit se rendre à une clôture pour y jeter des pierres ou partir encore ailleurs – au croisement Tapuah ou à Jérusalem, plus éloignée – pour y mener une attaque, ce qui agit comme un outil naturel de dissuasion.

Cette distinction modifie également les modes d’opération des troupes israéliennes. Contrairement aux régions centre et sud de la Cisjordanie, où les soldats mènent à la fois des opérations de sécurité et d’anti-terrorisme, dans la Brigade de Menashe de Shwartz, le travail se concentre bien davantage sur ces dernières, car il y a moins d’implantations à garder, dit-il.

“Il y a beaucoup plus d’activités liées à l’anti-terrorisme, et beaucoup plus de travail de renseignement”, indique-t-il.

“Les gens savent que s’ils expriment quelque chose [en ligne] cela pourrait être interprété comme la velléité de commettre un attentat, et on viendra frapper à la porte”, dit-il.

Les forces de sécurité israéliennes, qui voient un lien entre les posts publiés sur les médias sociaux et les attentats, n’ont cessé de davantage contrôler les sites Internet populaires, procédant à des arrestations dans la foulée.

En 2016, ce sont quelque 145 Palestiniens qui ont été inculpés pour incitation sur Internet, selon l’Associated Press.

Il y a également des raisons économiques qui justifient le maintien du calme pour les habitants de Jénine et de Tulkarem.

Une attaque au couteau aux checkpoints de Reihan, Eyal, Gilboa ou Ephraim Gate mènerait à la fermeture du passage pour au moins vingt-quatre heures, explique Shwartz, ce qui signifie que des « centaines, peut-être des milliers » de Palestiniens qui pénètrent en Israël quotidiennement par l’un de ces passages ne pourraient plus le faire.

“Si quelqu’un essayait de mener une attaque au couteau, la personne qui viendrait l’en empêcher serait un membre de sa famille, ou son voisin. Cela arriverait probablement avant même que nous remarquions seulement quelque chose”, explique Shwartz.

Si l’officier d’opérations peut avoir raison sur ce point, les exemples d’un tel incident sont difficiles à trouver dans la mesure où des Palestiniens répugneraient à prendre le risque de passer pour des collaborateurs d’Israël.

Il y a toutefois des preuves des ramifications évoquées par Shwartz. Après une série d’attentats et d’attaques déjouées au Croisement de Gilboa, situé au nord de Jenin, le checkpoint avait été fermé pour deux jours, initiative qui avait été qualifiée par les locaux à ce moment-là de punition collective.

Pour Reda Jaber, directeur du Aman Center – The Arab Center for Safe Society, la raison est moins issue de préoccupations économiques que d’inquiétudes émotionnelles.

“Il n’y a aucun père, il n’y a aucune mère qui voit sa fille de 16 ans ou son fils de 13 ans sortir avec un couteau de poche vers un point de passage où il y a des soldats dotés de M-16 et qui ne s’y oppose pas », explique Jaber.

Le mois à venir verra la convergence de deux périodes particulièrement sensibles en Cisjordanie : les congés juifs et la récolte d’olives.

Le début de l’année lunaire juive – normalement aux mois de septembre et d’octobre – a régulièrement été un moment “susceptible de connaître des pics dans les activités de violence palestiniennes », selon les responsables militaires.

La récolte annuelle des olives, pour sa part, est un événement d’une importance immense aux niveaux culturel, économique et historique pour les Palestiniens, mais qui a été dans le passé marquée par des attaques menées contre les cueilleurs et les oliviers eux-mêmes, parfois par des habitants des environs avoisinants.

Une décision prise par la Haute-Cour en 2006 garantit aux Palestiniens le droit de récolter leurs olives sous protection militaire israélienne.

Pourtant, selon l’organisation de défense des Droits de l’Homme Yesh Din, ce sont 260 attaques qui ont été perpétrées de 2005 à 2014 contre des olives et des oliviers palestiniens en Cisjordanie. La vaste majorité de ces cas — 95,6 % — a été classée sans suite en raison de « défauts dans l’enquête ».

La période de récolte, cette année, – comme c’était déjà le cas en 2015 – surviendra dans le sillage de tensions élevées après un certain nombre d’attaques et de tentatives d’attentats survenus en Cisjordanie et à Jérusalem, susceptibles d’inspirer de futurs attentats palestiniens et de justifier de la part de Juifs israéliens harcèlement et agressions à l’encontre des Palestiniens.

L’année dernière, cette situation avait mené à l’interruption de certaines récoltes et au renvoi de Palestiniens hors de leurs oliveraies, poussés à rentrer chez eux “pour leur protection”, selon le Rabbin Arik Ascherman, ancien activiste aux côtés des Rabbins pour les Droits de l’Homme et aujourd’hui militant au sein du groupe des Droits de l’Homme Haqa.

Les forces de sécurité d’Israël sont donc sous pression, tenues de conserver un état de paix.

Vers la fin de l’entretien, Shwartz déclare que sa mission principale est de garantir que Palestiniens et Israéliens peuvent continuer à vivre pour préserver “la fabrique de la vie”.

Pour cela, dit-il, ses soldats superviseront les récoltes pour s’assurer que les Palestiniens pourront “cueillir jusqu’à la dernière olive sur la dernière branche”.

Traversant les collines pastorales, les vergers et les villages de la région de Menashe, de retour au quartier-général de la Brigade, Shwartz conclut : “L’un des atouts de servir dans ce territoire, c’est que la zone est belle. Même quand vous devez faire une patrouille, vous pouvez profiter de ces vues ».

Times of Israël 

Hadar Cohen, 19 ans, a été tuée par des terroristes palestiniens Porte de Damas près de la Vieille Ville de Jérusalem le 3 février 2016 (Crédit : police israélienne)
Hadar Cohen, 19 ans, a été tuée par des terroristes palestiniens Porte de Damas près de la Vieille Ville de Jérusalem le 3 février 2016 (Crédit : police israélienne)

 

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