Jacob Kaplan, un rabbin dans l’enfer de Verdun

En 1914, les juifs de France se mobilisent pour la défense de leur patrie. Sur 180 000 citoyens français juifs, 36 000 (dont 14 000 venus d’Algérie) combattront sur le front, rejoints par 8500 juifs étrangers.

Parmi ces soldats, un jeune séminariste dont le nom reste indissociable de l’histoire de la communauté juive française du XXème siècle, Jacob Kaplan.

jacob kaplan

Entré au séminaire israélite de la rue Vauquelin en 1913, Jacob Kaplan, né à Paris le 7 novembre 1895 dans une famille originaire de Minsk, en Lituanie, est mobilisé en décembre 1914, alors qu’il vient d’avoir 19 ans.

Affecté au 128e régiment d’infanterie, il est désigné pour un régiment de marche, le 411e, formé en Bretagne et composé de parisiens, bretons et nordistes, au sein duquel il restera pratiquement toute la guerre.

Dans « Justice pour la foi juive », un livre d’entretien avec Pierre Pierrard (Le Centurion, 1977), le Grand rabbin de France Jacob Kaplan raconte son expérience de poilu.

« J’étais parti comme fantassin et simple soldat. Au front, je me suis lié avec les hommes de mon escouade ; il s’était créé entre nous une véritable camaraderie que connaissent tous ceux qui ont fait la guerre. On a parlé, à ce propos, de la fraternité des tranchées : le mot n’est pas exagéré. Cette fraternité des tranchées, je l’ai connue » explique le Grand rabbin de France.

« En septembre 1915, à la veille de l’offensive de Champagne, à ma grande surprise, je reçus une lettre du Grand rabbin de France, Albert Lévy, qui me proposait un poste d’aumônier israélite sur un navire-hôpital (ndlr : les aumôniers militaires étant assimilés au grade de capitaine).
Nous manquions d’aumôniers israélites » poursuit Jacob Kaplan. « J’avais cependant une réponse à donner : réponse extrêmement grave, parce qu’elle engageait l’avenir, ma vie même. Il ne faisait pas l’ombre d’un doute que si j’acceptais, je serais beaucoup moins exposé qu’en restant au front comme combattant… ».

Face à cette proposition, le jeune soldat-séminariste se trouve confronté à un « véritable conflit de devoirs », selon ses propres termes.

« D’un côté, comme aumônier, je savais que je pourrais rendre bien des services ; d’un autre côté, des considérations d’ordre moral m’obligeaient à rester au front. Je sentais profondément que, parce que Juif, je devais rester avec mes camarades : je ne voulais pas donner l’impression que je cherchais à me planquer » raconte Jacob Kaplan, qui décide alors de ne pas quitter le 411e RI.

Blessé par un éclat d’obus en avril 1916 dans les tranchées de Champagne, il vivra l’enfer de Verdun avec ses camarades pendant seize mois, de mai 1916 à août 1917, au sein de ce régiment quatre fois cité à l’ordre de l’armée, tandis que lui-même recevra la croix de guerre et une citation à l’ordre du régiment pour ses actes de bravoure.

L’histoire de ce jeune soldat juif s’arrêterait là si une question fondamentale – et sa réponse particulièrement extraordinaire en ces circonstances – n’était posée par Pierre Pierrard, professeur d’histoire contemporaine à l’Institut catholique de Paris : « Compte-tenu de votre qualité de Juif religieux, est-ce que vous avez été dans la nécessité de tuer ? ».

Le Grand rabbin de France explique : « à un certain moment, je suis devenu agent de liaison, et je préférais y rester. Car, en courant les mêmes risques que mes camarades, je n’avais pas à tirer, je n’avais pas à causer la mort. Je ne pouvais pas supporter l’idée que moi, futur rabbin, je sois responsable de la mort d’un homme, fût-il mon ennemi ».

La suite de l’extraordinaire parcours de Jacob Kaplan est connue. Figure emblématique du judaïsme français du XXème siècle, il accepta avec courage la charge de grand rabbin de France par intérim pendant l’Occupation.

La croix de guerre lui fut attribuée le 15 mai 1946, une décision motivée ainsi par le général Alphonse Juin, futur Maréchal de France : « A participé pendant toute l’occupation à un grand nombre d’actions contre l’ennemi.
A été pour tous les Résistants un modèle de courage et d’abnégation », le titre officiel de « Combattant volontaire de la Résistance » lui étant décerné en 1976.

Il eut par la suite un rôle essentiel dans l’amélioration des relations judéo-chrétiennes, veilla à l’intégration des rapatriés juifs d’Afrique du Nord en France, intervint publiquement avec force chaque fois que la communauté juive ou l’image d’Israël fut mise en cause, et surtout, réalisa autour de sa personne l’unanimité des différentes tendances du judaïsme français, sans exclusion aucune et dans le respect de toutes les diversités.

Son expérience de la Grande guerre, comme la suite de sa vie, reste exemplaire de ce que signifie « Être juif et français ».

Alain Granat

Source

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[…] Jacob Kaplan à 19 ans en 1914 et il est élève du Séminaire. Il sera combattant alors qu’il s’engageait sur la voie du rabbinat. Mobilisé le 20 décembre 1914, il déclara « Je ne veux pas être aumônier, mais combattre avec mes camarades ». Il fera toute la guerre dans le 411ème régiment d’infanterie. Ses états de service durant les quatre ans de guerre seront remarquables. Il connaîtra les tranchées, les combats, les hivers froids, les bombardements, la bataille de Verdun pendant 16 mois. Il sera blessé par un éclat d’obus dans les tranchées de Champagne en 1916 et retournera au combat juste après. Cela lui vaudra d’être décoré de la Croix de guerre et de figurer dans le « Livre des défenseurs de Verdun ». Il retournera au Séminaire juste après la guerre en 1919. […]

[…] Jacob Kaplan à 19 ans en 1914 et il est élève du Séminaire. Il sera combattant alors qu’il s’engageait sur la voie du rabbinat. Mobilisé le 20 décembre 1914, il déclara « Je ne veux pas être aumônier, mais combattre avec mes camarades ». Il fera toute la guerre dans le 411ème régiment d’infanterie. Ses états de service durant les quatre ans de guerre seront remarquables. Il connaîtra les tranchées, les combats, les hivers froids, les bombardements, la bataille de Verdun pendant 16 mois. Il sera blessé par un éclat d’obus dans les tranchées de Champagne en 1916 et retournera au combat juste après. Cela lui vaudra d’être décoré de la Croix de guerre et de figurer dans le « Livre des défenseurs de Verdun ». Il retournera au Séminaire juste après la guerre en 1919. […]

Bonaparte

Il est bon de rappeler les faits d’armes de ces JUIFS patriotes que l’on considére comme des  » étrangers  » suivant le cours de l’Histoire , parcequ’ils sont ….. JUIFS uniquement .

Bonaparte

Je me souviens très bien du Grand Rabbin Kaplan , cet homme courageux révélé dans la tourmente de l’Histoire .

Il résista à tous.

Entr’autres…………….

Face à l’église dans l’affaire Finaly et face à De Gaulle aprés sa fameuse déclaration sur  » le peuple dominateur etc….  » .