À Lens, le 11 septembre 1942, à l’aube, 528 Juifs, soit à peu près la moitié de leur population, ont été arrêtés et déportés.

Pour lutter contre l’oubli, la communauté israélite locale a décidé de commémorer de façon officielle le 70e anniversaire de cette rafle trop peu connue.
Ils s’appelaient Samuel, Marthe, Rachel, David… Portaient les noms de Morgenstern, Glikman, Goldberg, Steiner…

Le plus jeune, Chaïm Ajchenbaum, avait 3 mois.

Le plus âgé pas loin de 80 ans.

Seule trace de leur existence : une immense plaque de marbre noir, fixée au mur de la petite synagogue de Lens, où chacun de leurs 528 patronymes a été gravé.

« Notre communauté est très réduite aujourd’hui, mais très ancienne et nous tenons à la maintenir en vie et à entretenir sa mémoire.

Ce qui s’est passé le 11 septembre 1942 ne doit jamais tomber dans l’oubli pour que ça ne se reproduise pas », souligne Alain Tajchner, le président de la communauté juive de Lens, qui ne compte plus qu’une vingtaine de familles désormais.

Avant la rafle, ils étaient environ un millier de Juifs, très majoritairement d’origine polonaise et très fervents, installés dans la capitale du bassin minier (lire leur histoire ci-dessous).

La moitié, donc, n’est pas revenue des camps d’Auschwitz et Birkenau… «

Proportionnellement à leur population, c’est énorme !

Nous ne sommes pas là pour obtenir un triste record, mais imaginez si la moitié de la communauté juive de Paris avait été raflé au Vel’d’Hiv… », remarque Jean-François Gintzburger, directeur adjoint de Télés Nord – Pas-de-Calais, qui coproduit un documentaire pour Wéo, «Les vies oubliées des Juifs de Lens», diffusé ce soir en avant-première, au Colisée de Lens.

De nombreux autres rendez-vous sont prévus ces trois prochains jours commémoratifs, avec des rescapés des camps, des conférenciers, des écrivains, mais aussi un invité de marque : Gilles Bernheim, le Grand rabbin de France.

« On est à Lens, ici.

On n’est pas à Cracovie, ni même à Lille.

Sa présence est un signe fort, non ?

Avec la médiatisation que ça va susciter, on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas ce qui s’est passé le 11 septembre 1942 », estime Henri Dudzinski, président de Millenium 2000.


Le consul de Pologne à Lille et le président de Millenium 2000 entourent Alain Tajchner, le président de la communauté juive de Lens.

Association de l’église catholique polonaise de Lens, elle a aidé, comme le consulat de la république de Pologne à Lille, la communauté juive de Lens à préparer ce 70e anniversaire.

Avant sa diffusion télé en octobre, « Les vies oubliées des Juifs de Lens », le documentaire de Carine Mournaud, est projeté en avant-première, ce soir, au Colisée, à Lens.

Une plongée dans le quotidien d’une communauté laissée de côté.

Fuyant la misère et l’antisémitisme dans leur pays, ils sont arrivés dans les années 20 à Lens, où travaillaient déjà à la mine nombre de leurs compatriotes catholiques.

Les Juifs de Pologne commencent par vendre des tissus dans les corons, puis sur les marchés, et certains d’entre eux finissent par ouvrir leur propre commerce.

« La ménagère catholique polonaise des cités minières peut négocier avec eux dans sa langue natale, alors globalement ils sont plutôt bien accueillis », raconte dans le film Danielle Delmaire, historienne et professeur émérite à Lille 3.

Peu d’images témoignent du quotidien de cette communauté d’un millier de personnes, mais le récit d’une poignée de rescapés de la rafle du 11 septembre 1942 replonge le téléspectateur dans le contexte.

Et montre à quel point les Juifs de Lens étaient implantés.

« Il y avait une école juive, un café juif, un boucher kasher, un bain rituel.

C’était une communauté véritablement installée dans le tissu social », souligne Jean-François Gintzburger, de Télés Nord – Pas-de-Calais, qui coproduit ce film-documentaire de 52 minutes.

Mais c’est aussi une communauté nouvelle et jeune, qui a confiance en la République française et accepte facilement de se faire recenser.

« On est allé de nous-mêmes se faire enregistrer à la mairie », témoigne une rescapée…

Et une communauté beaucoup moins importante qu’à Paris par exemple et qui n’a donc pas ou peu de réseaux de renseignements et de possibilités de se cacher.

Après ce « recensement transmis par l’administration française aux Allemands, première étape de la persécution », selon l’historien Yves Le Manner, tout est allé très vite.

Le 11 septembre 1942, « à 5 h, on a tapé très fort à notre porte », se souvient une survivante.

Rassemblés place du Cantin, 528 Juifs de Lens sont ensuite emmenés en gare de Lens, sous les yeux des habitants, dont ils auraient reçu très peu d’aide.

En tout cas, selon Danielle Delmaire, il n’existe aucun témoignage d’enfants sauvés au moment de cette rafle.

«Nous avons pris un train en direction de Lille, où nous ont rejoint d’autres convois venant de Douai, Valenciennes et Bruay, poursuit la rescapée.

Ce n’était pas encore les wagons à bestiaux, on avait des wagons de voyageurs.

Et puis nous avons été emmenés à Malines, le Drancy belge, et Auschwitz-Birkenau.
»

Gaelle Caron/ Nord-Eclair.fr Article original

TAGS : Shoah Lens 11septembre 1942 Déportation Antisémitisme

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