Deux mois après la prise d'otages mortelle d'Amedy Coulibaly, l'HyperCacher de la porte de Vincennes à Paris a rouvert ses portes le 15 mars 2015.

Un an après l’attentat de l’HyperCacher qui a fait quatre morts, beaucoup de clients et de voisins estiment qu’il y a un manque de solidarité nationale envers la communauté juive. François Hollande se rend ce mardi sur place pour dévoiler une plaque commémorative.

« On combat la peur par le courage. » Ce mantra, Abrahm le répète à l’envie. A 22 ans, ce jeune homme de confession chrétienne est employé depuis quelques mois à l’Hyper Cacher, porte de Vincennes à Paris, théâtre de la prise d’otage sanglante menée par Amedy Coulibaly le 9 janvier 2015. « Je suis ici par choix », explique-t-il avec fierté. Son ambition: « Donner un bon exemple et construire un monde meilleur pour ses deux enfants. » Un an après ce tragique épisode, L’Express est allé à la rencontre des clients et du personnel de l’HyperCacher, cible du terroriste. 

Des clients nombreux et pressés

En cette veille de Sabbat, les clients sont nombreux à se ravitailler dans le supermarché. L’atmosphère pourrait être banale pour un petit supermarché à cette heure de pointe, au détail que chacun semble pressé et ne s’attarde pas. La fébrilité est palpable. Lassé de voir des journalistes, le gérant Marc annonce la couleur: « Vous êtes du Monde, de L’Express, de RTL, allez-y faites ce que vous avez à faire ». Il est en poste depuis quatre mois et affirme ne pas penser tous les jours au 9 janvier. « Le Bataclan m’a aussi beaucoup bouleversé. J’ai travaillé des années juste derrière, rue Amelot », insiste-t-il. 

Refaite à neuf, la supérette a rouvert le 15 mars dernier. Sa façade noire a laissé place à un magasin blanc. On peut toujours lire « Hyper Cacher » sur la devanture. Cependant, cette indication est beaucoup moins visible qu’auparavant.  

Tout d’un coup, un chien aboie en direction d’un soldat posté à quelques mètres de l’entrée. Un imposant dispositif militaire est présent sur les lieux, depuis les attentats du 13 novembre. Mais toute l’année, des liens se sont tissés avec les forces de l’ordre, policiers et militaires. « Ce sont des gens extraordinaires, qui nous protègent au péril de leur vie. Nous avons organisé une récolte de fonds pour Noël pour leur exprimer notre gratitude », insiste Bruno Smia, le président de la communauté juive de Vincennes, qui regroupe entre 3000 à 4000 familles, avec parmi elles des survivants de la prise d’otages. 

« Je suis Yoav, Yohan, Phillipe et François-Michel »

Des barrières entourent l’Hyper Cacher sur un large périmètre. Longtemps recouvert de fleurs, de couronnes et de bougies, il ne reste plus que quelques bouquets de roses en mémoire des quatre victimes d’Amedy Coulibaly. Un drapeau français et quelques affiches subsistent. Sur l’une d’elle, on retrouve le nom et les photos des disparus. « Je suis Yoav Hattab, Yohan Cohen, Philippe Braham et François-Michel Saada », à côté dune affiche qui commence par « Je suis Charlie », rappelle aussi les 17 morts des attentats de janvier.

Charlotte Lazimi

Un peu plus loin, une troisième pancarte rend hommage aux quatre morts du Musée juif de Bruxelles, tués par le Français Mehdi Nemmouche

Charlotte Lazimi

« Que se serait-il passé si 130 Juifs avaient été tués? »

« Cette présence militaire ne me rassure pas du tout, explique Sarah24 ans, chargée d’un sac de courses, presque plus gros qu’elle. Ils sont là pour dissuader. Mais, nous savons que cela va recommencer. » Si elle s’est décidée à revenir ici après de longs mois, c’est surtout « par solidarité ». Comme beaucoup, elle dit avoir mal au coeur en pensant aux victimes et leurs familles. Au-delà de sa tristesse, elle ne cache pas sa déception. « Je n’ai pas apprécié qu’on nous fasse remarquer que pour les morts de l’Hyper Cacher, ‘c’était différent’. Différent de quoi? Que se serait-il passé si 130 Juifs avaient été tués? Probablement rien, comme en 2012 avec Mohamed Merah« , déplore-t-elle.  

D’autres se demandent jusqu’à quand cette protection sera possible. Julie, 36 ans, en poste comme commerciale, habite à quelques rues. Où qu’elle aille, la peur ne quitte pas cette mère de trois enfants. « Je ne me sens en sécurité nulle part. Mes enfants sont à l’école juive, et j’ai peur tous les matins en les déposant à l’école », dit-elle. 

Entre fatalisme et tristesse

Lorsque qu’on les interroge, certains sont fatalistes. D’autres ont envie de résister. « De toute façon, dès qu’il se passe quelque chose en France, cela rebondit forcément sur la communauté juive », regrette Laurent, 48 ans, un casque de moto à la main. « D’ailleurs, s’il n’y avait pas eu Charlie Hebdo, personne ne se serait mobilisé pour les quatre personnes tuées ici », renchérit Baruch, un Néerlandais, qui habite à Paris depuis des années.  

« La communauté juive est blessée« , analyse Bruno Smia. Cela fait longtemps que le signal d’alerte a été donné. » Et la liste est longue pour ce dernier. « Pendant la seconde intifada dans les années 2000, il y a eu une recrudescence des actes antisémites. Les politiques ont préféré jeter un voile pudique sur ce phénomène. On nous répétait que c’était circonstanciel. Puis, il y a eu Ilan Halimi il y a dix ans, les assassinats de Merah en 2012. L’été précédent, on criait dans la rue « mort aux Juifs » dans des manifestations pro-palestiniennes à Paris. On est passé à l’acte en janvier 2015″, conclut Bruno Smia. Aujourd’hui, il estime que la communauté nationale est visée, comme la communauté juive. « Nous sommes désormais tous des cibles. Nous ressentons la même chose », dit l’un d’eux. 

Par Charlotte Lazimi, l’EXPRESS

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Frederic

je suis d’accord

la communauté reste la plus visée et pourtant on dirait que l’état rechigne à la protéger.
au niveau de nos synagogues, on a des militaires que pour l’office du vendredi et du samedi. les soldats restent dans leur voiture.

JOSHUA

Ce n’est pas une question à poser. Car même quatre c’est déjà trop. On ne compare pas ce qui n’est pas comparable. Laissons toutes ces âmes monter correctement chez Hachem et que là-haut, ils veillent sur nous pour qu’on n’ait plus aucun mort à déplorer.
Tihèyou nichmatam tserouram bitsror ha’hayim.

richard

Comme toujours, on s’en prend toujours aux juifs en premier, les politiques le savent pertinemment (Chirac: l’antisémitisme est le signe du société devenue malade), mais c’est surtout ce qu’ils ne veulent pas voire. Décidément, aucune leçon de l’histoire n’a été retenue car en politique il savoir être un « Chevalier sans couilles et sans reproches »

Danielle

Il faut savoir une chose dans ces morts, c’est la démocratie française qui a été touchée et malheureusement cela passe par des victimes.
Pour Charlie idem, la France refuse qu’on l’attaque pour ses idées dites « démocrates », mais je pense qu’il serait temps de dire que la démocratie ne permet pas tout et n’importe quoi. Ca c’est la France !
Toujours est-il que rien ne permet l’exécution des hommes au nom de Dieu dans aucune religion.
Je pense que Dieu est au-dessus de tout ça et pour les extrémistes cet argument a permis de semer la terreur pour pouvoir mieux régner sur le Monde.

NINEY Richard

Ne soyez pas si pessimistes! Tous les jours, des chrétiens sionistes dont je suis prient pour vous que nous considérons comme nos frères aînés. Nous sommes nombreux à aimer Israël et votre peuple. Mais oui, le retour sur votre terre est sans doute voulu par Adonaï Elohim selon les écritures. Que Dieu vous bénisse et vous donne sa paix sa force et sa joie!

Mymy

Merci de ne pas écrire ces noms de D que les Juifs ne prononcent et n’écrivent eux-mêmes jamais (hors prières officielles non « destructibles »).

Schbath

Quand cessera t on de citer répéter de ressasser le nom de ces barbares .
Les médias devraient adopter « les barbares assassins de l’hyper-cacher » ou « les barbares assassins du Bataclan » ou de « Charlie Hebdo » etc……

Maguid

Sans oublier que, le film sur la 3 sur les attentats, diffusé le lundi 3 janvier 2016, qui ne traitait, au départ, que de celui de l’HYPER CACHER de janvier 2015, n’a été autorisé qu’au matin du 13 novembre 2016, car çà aurait été d’une indécence crasse et flagrante de le passer complètement sous silence et d’autoriser celui de novembre 2015 et pas celui de l’HYPER CACHER, C.Q.F.D.

Paul

Si vous pensez que la communauté juive est très, très, très seule en France, si vous pensez qu’aucune solidarité ou presque n’a été exprimée au sein de la société française devant les victimes juives, , si vous pensez que les journalistes, les politiques, les intellectuels, les juges, les humoristes… la plupart d’entre eux du moins, n’ont éprouvé aucune sympathie quand les victimes étaient juives, et bien, vous avez RAISON!

Rahel

Tout en accord avec votre message

Regibrasile

Bravo.

Saraiol

Tout à fait.
Ce n’est pas un hasard si l’Alya des Français bat tous les records en nombre et en progression.

Mymy

C’est un commentaire ironique, n’est-ce pas ?

Bien sûr qu’il y a eu de la sympathie éprouvée par des journalistes, intellectuels, juges ou humoristes. La question ne se pose pas.
Mais évidemment, cela n’a pas grand chose à voir avec celle éprouvée pour les dessinateurs, les consommateurs aux cafés ou les amateurs de rock au Bataclan assassinés car ces derniers représentent la France entière dans sa variété. Les Juifs ne représentent qu’eux-mêmes : des Juifs français.
Ce serait arrivé à des Protestants français, ç’aurait été idem.

Autre chose : il existe toujours une idée que les Juifs auraient l’habitude d’être visés, sous-entendu depuis toujours et un peu partout en Europe donc une fois de plus ou de moins ne fait pas grande différence.. Et aussi qu’ils sont toujours rattachables aux exactions israéliennes donc plutôt potentiellement coupables.