French prime minister and interim interior minister Edouard Philippe (L) waits for G6 ministers arrival on October 8, 2018 in Lyon, during the G6 Summit of Interior Ministers of France, Germany, United Kingdom, Spain, Italy and Poland. - Interior ministers from the G6 European countries gathered for a meeting to discuss international cooperation in migratory issues and fight against terrorism. (Photo by JEFF PACHOUD / AFP)

JEFF PACHOUD / AFP

Au four, au moulin et sur le pont. Avec le report du remaniement à vendredi, voire potentiellement lundi prochain, le premier ministre Edouard Philippe va devoir continuer à jouer les doublures de luxe au ministère de l’Intérieur pendant au moins encore trois jours.

Une double casquette exténuante qui contraint le chef du gouvernement à se démultiplier pour ne pas laisser prospérer les attaques de l’opposition sur la vacance du pouvoir.

Mais qui lui permet aussi d’avancer ses pions face à un président de la République aujourd’hui en plein doute.

Désormais plus populaire que le chef de l’Etat dans les enquêtes d’opinion, aux avants-postes dans la crise politique, l’ancien maire du Havre a endossé le rôle du capitaine qui tient la barre dans la tempête.

Une solidité saluée dans la majorité mais qui alimente aussi les soupçons, certains reprochant au chef du gouvernement de compliquer l’équation du remaniement en voulant imposer ses choix à un Emmanuel Macron soucieux de préserver les équilibres politiques de son exécutif.

Comme une ambiance de cohabitation

« On n’est pas en cohabitation, mais ça en a les atours », plaisante en forçant le trait une source LREM pour qui Edouard Philippe profite de la fébrilité politique ambiante pour « avancer ses pions ».

Dans l’opposition aussi, la rumeur d’un désaccord entre le président et son premier ministre fait son chemin pour justifier les retards accumulés dans l’annonce du nouveau gouvernement.

« On a l’impression que l’avion ne sait pas où il va. Quand il y a des turbulences, il faut que les deux copilotes se parlent et sachent bien tenir le cap et là, on s’interroge vraiment si aujourd’hui il y a une totale osmose entre le président et le Premier ministre », a estimé sur RFI le président du groupe socialiste au Sénat Patrick Kanner, jugeant qu’Edouard Philippe a le mérité d’être « un élément très solide dans cette majorité, peut-être même trop solide au goût de certains ».

Après la cacophonie gouvernementale, la crise institutionnelle? On en est encore loin, promet-on à l’Elysée qui dément toutes dissensions entre Emmanuel Macron et son chef de gouvernement.

« Ce remaniement se déroule dans le strict respect de nos institutions, le premier ministre propose un dispositif gouvernemental et le président de la République nommera les ministres ».

Justement, les détracteurs du premier ministre lui reprochent de vouloir profiter du chamboule-tout gouvernemental pour promouvoir des personnalités de son entourage alors que l’image de l’exécutif penche déjà trop à droite.

Matignon aurait, selon des sources LREM, défendu (en vain) le parachutage de Gérald Darmanin au ministère de l’Intérieur et proposé de faire entrer le maire divers-droite d’Angers Christophe Béchu.

Le prochain gouvernement devra « correspondre aux équilibres sur lesquels Emmanuel Macron s’est engagé afin de poursuivre la mise en œuvre de la feuille de route fixée le 9 juillet devant le Congrès », a pris soin de préciser l’Élysée. Comme pour remettre les points sur les i.

Incontournable Edouard Philippe

« La loyauté du premier ministre n’est pas en cause », décrypte un fin connaisseur de la majorité. « Mais face au vide du pôle macroniste de gauche, on ne peut pas lui reprocher de faire de la politique », note cette source.

Le couple exécutif aurait ainsi essuyé plusieurs refus de la part de ministrables pressentis, tout particulièrement à gauche. Une opportunité pour Edouard Philippe de tisser sa toile sans en avoir l’air, entre son réseau d’élus locaux, ses soutiens parlementaires et son image de premier ministre indéboulonnable.

Car si Edouard Philippe fait figure de cible idéale pour justifier les déboires d’un président qui a perdu la main, le premier ministre demeure incontournable à son poste.

Dans la cascade de rumeurs entourant ce remaniement sans fin, nul ne songe d’ailleurs à remettre en cause sa place à Matignon, beaucoup saluant notamment sa complémentarité avec l’hôte de l’Elysée.

« La rentrée politique impose au Président de la République d’intégrer avec humilité qu’il ne dispose plus de sa pleine capacité à entraîner un pays euphorisé par son élection. Le premier ministre devient, par la force des choses, sa capacité à encaisser les épreuves, sa patience et la justesse de son analyse politique, l’homme fort de la Macronie »analyse le communicant Jacky Isabello.

Difficile d’ailleurs de reprocher au premier ministre de ne pas faire le job sur le terrain pour éviter au navire macronien ballotté par les remous de sombrer.

Voilà cinq jours que le chef du gouvernement n’a plus diffusé d’agenda au long cours pour parer au plus pressé, ses déplacements étant communiqués au jour le jour.

Alors que le quotidien de l’hôte de Matignon n’a déjà rien d’une sinécure en temps normal, Edouard Philippe a enchaîné les interventions à un rythme haletant ces derniers jours tout en négociant en parallèle le casting de la prochaine équipe exécutive.

Lundi soir, le premier ministre recevait à Lyon le G6 des ministres de l’Intérieur européen. Mardi matin, il enchaînait avec un rendez-vous à l’Elysée pour discuter remaniement.

Dans l’après-midi, il répondait au feu roulant des attaques lors des Questions au gouvernement avant de participer dans la nuit à une patrouille avec la Bac dans le 19e arrondissement de Paris.

Edouard Philippe

@EPhilippePM

Début du service de nuit pour la BAC. Même ceux qui ne vivent pas la nuit savent que vous êtes là. Je suis venu vous remercier de votre engagement. Je sais ce qu’on vous doit.

Stoïque comme à son habitude, le premier ministre encaisse les coups et le rythme que lui impose le casse-tête du casting gouvernemental.

Soucieuse de reprendre la main, la présidence promet désormais un large remaniement sans passer par une démission d’Edouard Philippe.

Une manière d’éviter au premier ministre un nouveau discours de politique générale qui lui offrirait encore un peu plus de lumière.

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