Tetiana Andrushchuk & Daniele Georget, Dictionnaire amoureux de l’Ukraine. Plon

Dire que ce beau livre, ce bel ouvrage, remarquable sur tous les plans, était attendu, est bien faible. Quelle somptueuse pièce qui vient répondre à notre curiosité sur un pays ignoré du Français moyen et si loin de nos frontières hexagonales. Moi, je connaissais de nom certaines villes ukrainiennes, comme Odessa, Jytomyr et tant d’autres cités e du fait qu’elles avaient abrité de fortes communautés juives, au point de devenir des foyers de culture hébraïque et juive. Tant de livres sur le hassidisme, les commentaire bibliques de grands rabbins, portent sur la page de couverture la mention suivante : imprimé en… à Odessa ou dans d’autres lieux moins connus… Mais pour le Français moyens, toutes ces cités étaient inconnues.
Toutefois, plus très longtemps grâce à ce beau dictionnaire qui nous offre un vaste tableau de l’Ukraine authentique, par elle-même et pour elle-même. J’ai aussi très apprécié les lignes de l’introduction qui montrent que l’histoire de ce pays si injustement traité par un voisin, à la fois puissant et cruel, existe, qu’il a une culture en propre, une littérature et une histoire nationale, en dépit des malheurs et des injustices que se sont abattus sur lui.
Il est des détails qui ne trompent pas, même si la grande presse a tardé à les relever : et entre autres, cette vague de solidarité avec ce peuple-martyre. Personne n’a déploré l’afflux de réfugiés ukrainiens alors que les sondages montrent tous que la population française veut stopper l’immigration. Pour les Ukrainiens, personne n’a osé hausser le ton ; il est vrai aussi qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle provenance, l’Ukraine étant un pays européen qui a avec nous des liens culturels puissants. Même en Israël, on les Ukrainiens juifs sont nombreux, la cour suprême a déjugé la ministre de l’inférieur qui voulait introduire une limitation. Juifs ou pas, les réfugiés ukrainiens sont les bienvenus. Entre peuples-martyres, on se comprend…
Il faut néanmoins signaler le comportement coupable de quelques Ukrainiens qui furent les supplétifs des Nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Je me souviens de la lecture d’un livre tiré de la bibliothèque de mes parents, Anna Langfus, Les bagages de sable, 1962)… Ce livre qui obtint ne Prix Goncourt m’avait marque car certaines pages décrivent la cruauté de quelques paysans ukrainiens martyrisant de pauvres juifs, un peu comme s’ils prenaient une revanche sur des compatriotes qu’ils enviaient férocement… Mais c’est de l’histoire ancienne : l’Ukraine a changé et veut rejoindre l’Europe. Il convient de l’y aider.
Comme mes lecteurs savent depuis quelque temps, ce dictionnaire commence par A, la première lettre de l’alphabet, ; et c’est âme qui occupe ce poste, cette âme slave qu’on a parfois du mal à comprendre en Occident

Qui se souvient aujourd’hui de Anne de Kiev (1024-1075), la seconde épouse de Henri Ier, petit fils de Hugues Capet ? Ce fait historique montre que les liens entre l’Ukraine et la France remontent à des siècles.

Après une ou deux pages consacrées à Apollinaire, on tombe sur l’entrée la plus émouvante peut-être de tout l’ouvrage, Baby Yar dont les rares survivantes ou témoins ont relaté les horreurs : des mères qui supplient d’être mises à mort avec leurs enfants… D’autres qui sont abattues alors qu’elle allaient leurs bébés. En une phrase : l’horreur absolue. Et ce site se trouve à quelques encablures de la capitale Kiev. J’ajoute que c’est ce monument, cette stèle, qui a été endommagée par les soldats russes de Vladimir Poutine…
Dans la passionnante notice sur Honoré de Balzac on apprend que le grand romancier, toujours poursuivi par ses créanciers, a vendu à un journal la conférence qu’il donnera à Kiev en 1847. Il avait aussi avec ce pays des attaches plus sentimentales, il mettra trente ans à épouser son amie, Madame Hanska…
Certaines entrées sont de véritables essais littéraires ou historiques. Ainsi la notice sur le café (oui le café qui est devenu café viennois, servi avec de petits gâteaux ressemblant étrangement à des croissants). Même chose pour la notice sur les Cosaques dont le nom viendrait des Turcs et désignerait un soldat libre…
Ce livre n’omet pas de parler des relations de l’Ukraine avec les Français, et notamment avec l’un des plus célèbres, Voltaire ! En effet, il en parle avec un éclair de lucidité quasi visionnaire : Histoire de Charles XII, roi de Suède : L’Ukraine a toujours aimé à être libre, mais, entourée de puissants voisins, , elle devait chercher un protecteur et donc un maître…

Funeste, cruelle vision de l’avenir ; les faits les plus récents sont venus donner raison à l’homme de lettres français. L’Ukraine traverse de moments difficiles pouvant même menacer son existence, en dépit de la solidarité du monde entier ou presque…

Juifs et Justes (des nations) traités côte à côte dans les mêmes pages : encore un hasard de l’ordre alphabétique. On lit une très brève rétrospective de l’histoire des juifs en Ukraine. On évoque sur le mode plaisant l’antisémitisme réel ou supposé de ce pays dont les réfugiés sont accueillis à bras ouverts, même en Israël, sans avoir à se prévaloir d’une quelconque ascendance juive. Le mot d’esprit du grand rabbin local : vous connaissez beaucoup de pays antisémites où le président est juif, le Premier ministre est juif et même le chef de l’opposition est juif…
Il faut bien conclure, même si je n’ai fait que me livrer à un saupoudrage de l’ensemble de ce livre. Il faut pardonner à ce livre des passages qui s’apparentent à de la propagande. Après tout, le livre défend sa cause, celle d’une nation ukrainienne, libre, assumant ses choix en toute indépendance et pouvant s’allier autant à l’UE qu’à l’OTAN.
Mais l’affaire n’est pas bouclée. L’Ukraine actuelle a encore bien des réformes à faire avant d’accéder à l’Europe. Ce n’est pas le moment d’en parler, mais il faut le savoir. On fait confiance à ce pays qui répand son sang pour la cause de la liberté.
Mais encore un signe de l’ordre alphabétique : de A à Z, Z comme Zelensky…
Maurice-Ruben HAYOUN

Le professeur Maurice-Ruben Hayoun, né en 1951 à Agadir, est un philosophe, spécialisé dans la philosophie juive, la philosophie allemande et judéo-allemande de Moïse Mendelssohn à Gershom Scholem, un exégète et un historien français. il est également Professeur à  l’université de Genève.  Son dernier ouvrage: La pratique religieuse juive, Éditions Geuthner, Paris / Beyrouth 2020 Regard de la tradition juive sur le monde. Genève, Slatkine, 2020

 

 

CYCLE DE CONFÉRENCES 2022-2023: A LA MAIRIE DU XVI ème ARRONDISSEMENT

La Mairie du 16 - Mairie du 16ᵉ

Aux racines de la culture européenne

Depuis plusieurs décennies, l’Europe souffre d’un déficit d’incarnation, tant au plan idéologique qu’au plan culturel, au sens le plus large du terme. Certains en sont même arrivés à parler «d’identité malheureuse». Je ne suis pas d’accord avec ce diagnostic pessimiste, même si on est bien obligé de relever une sorte de fragilisation de l’Europe. Et un manque évident d’assurance. Il faut être de nouveau animé d’une vision et porteur d’un projet.
Ce continent doit se renouveler, remettre en valeur ses propres acquis sur tous les plans, en faisant un inventaire objectif de ses actions passées, sans que cela conduise à baisser les bras. Nous n’avons pas su relever le défi du passé européen : la Shoah, la colonisation, l’accueil restrictif des réfugiés, le statut difficile des migrants, etc… tous ces faits historiques ne doivent plus inhiber la volonté de manifester les points positifs de notre civilisation.
La civilisation judéo-chrétienne a tout de même réalisé des choses exceptionnelles. Elle a fait à l’humanité l’apostolat du monothéisme éthique et du messianisme, deux valeurs indémodables qui ont irrigué, dans leur forme laïcisée et sécularisée la plupart des cultures: le caractère sacré de toute vie humaine, la relation apaisée aux autres civilisations et aux autres cultures.
C’est une partie de ce noble héritage européen que le nouveau cycle de conférences à la mairie de notre XVIe arrondissement entend développer au cours de cette fin d’année 2019 et du début de l’année 2020.

Ce cycle entre dans sa vingt-cinquième année (depuis 1994). 

Maurice-Ruben HAYOUN, Philosophe,écrivain,bibliste. (hayounmauriceruben@gmail.com)

 

CYCLE DE CONFÉRENCES 2022-2023

Jeudi 15 septembre 2022 à 19h
Philosophie et religion dans l’Europe contemporaine
Jeudi 13 octobre à 19h
Quelle place pour la fois dans la société contemporaine ?
Jeudi 17 novembre
L’idée religieuse du sacrifice : un plaidoyer en faveur du martyr ?
Jeudi 8 décembre
Sören Kierkegaard et la «suspension de l’éthique» dans son livre Crainte et tremblement

Année 2023

Jeudi 19 janvier 2023 à 19h0
Philosophie et théologie : Le Nouveau Penser de Franz Rosenzweig (Etoile de la rédemption)
Jeudi 17 février
La rencontre de l’Autre selon le JE et TU (1923) de Martin Buber
Jeudi 23 mars
L’universalité de la loi morale
Jeudi 19 avril
Que doit-on penser de la fraternité universelle ?
Jeudi 15 mai
La Révélation face à la Raison
Jeudi 18 juin
Existe t il une vérité religieuse (Relativisme, pluralisme) ?

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

2 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Filouthai

J’ai beaucoup de mal pour ma part à défendre un pays comme l’Ukraine profondément corrompu (relisez les Panama papers), et à l’idéologie nazie clairement affichée !
Mais il ne faut pas oublier que beaucoup de Kapos étaient juifs …..

Joseph

Peut etre, que les autrices de ce dico sont amoureuses de l’Ukraine, moi pas du tout. En effet , ce pays, qui souffre de l’agression russe, n’a toujours pas a l’instar de l’Allemagne reconnu sa culpabilite dans sa participation a la Shoah et continue a honorer et a eriger des statues a la gloire de nazis ukrainiens.