Hier, je sirotais un cappuccino avec une amie en terrasse, elle remarquait : « Tiens, y’a du soleil en ce moment à Paris. Comme chez vous, là-bas ».

Mon sang n’a fait qu’un tour. « Chez moi ? Là-bas ? Ou ça « là-bas »? », lui ai-je demandé, comme si j’allais découvrir une mystérieuse demeure familiale dans le Sud. « Bah, en Israël », m’a-t-elle rétorqué, comme une évidence.

Voilà que, sans penser à mal, elle avait intériorisé cette idée selon laquelle tous les juifs du monde n’ont qu’une seule maison – et qu’elle demeure à 4.000 km de là.

Cette idée selon laquelle, sous prétexte qu’il leur arrive d’aller à la synagogue ou de rechigner à manger du jambon, ils sont condamnés à vagabonder à travers le monde avec leur baluchon sur le dos, ou à trouver refuge au paradis du fallafel.

Si la réplique n’avait pas posé le sujet de façon aussi abrupte, elle est révélatrice des facilités avec lesquelles est trop souvent traité le sujet d’Israël et des juifs français.

Est-ce utile de rappeler que les juifs de diaspora ne sont pas des SDF? En France tout particulièrement, premier pays d’Europe à avoir émancipé les juifs après la Révolution. L’histoire des juifs français ne date pas d’hier, et même plutôt du Moyen-âge.

Il serait peut-être temps de le savoir. L’israélitisme est un modèle d’intégration cité en exemple, celui d’une communauté qui a fait de la France sa terre promise, sans se renier. Les juifs ont construit leur pays et réciproquement. 36.000 israélites n’ont-ils pas défendu le drapeau tricolore pendant la grande guerre ?

N’ont-ils pas payé l’impôt du sang ? Sans parler de leur apport politique et littéraire à l’histoire de France (Benard Lazare, Romain Gary, Albert Cohen, pour ne citer qu’eux). En bref, dissocier les juifs de France de la France est un raisonnement absurde. « Sans les juifs de France, la France ne serait pas la France » avait affirmé avec justesse Manuel Valls, alors qu’il était Premier ministre.

On oublie qu’alors, il s’était dressé, à la fois contre ceux qui rêvent de voir les juifs déguerpir du territoire français, mais également à Benjamin Netanyahu, le Premier ministre d’Israël, qui invitait alors les juifs à quitter leur pays pour le rejoindre. Il faut dire que la France constitue un important réservoir d’immigration pour l’Etat d’hébreu : elle dispose de la première communauté juive d’Europe et la troisième du monde, après les Etats-Unis et Israël.

Cette dissociation des « juifs » et de « la France » est aussi dû à une mauvaise compréhension du phénomène de l’alyah : beaucoup de ceux qui font leur valise pour le pays où coule le lait et le miel, ne le font pas parce qu’ils ne se sentent pas français, mais au contraire parce qu’ils ont le sentiment que « la France n’est plus la France ».

Ils ont le sentiment que la décomposition du pays rend leur protection impossible, que l’Etat, malgré ses gages de bonne volonté, se montre impuissant face à la montée de la menace antisémite.

C’est ce qui ressort de nombre de témoignages qui figurent dans le livre « Juif de France, pourquoi partir ? » de Serge Moati et des chiffres de d’alyah qui explosent, précisément, après les agressions antijuives.

D’ailleurs, bien que ces chiffres augmentent – 8.000 départs au point d’acmé, en 2015 – ils restent encore bien marginaux, au regard de l’ensemble de la population juive française (environ 500.000 âmes). D’ailleurs, je parie une pièce que celle-ci n’est pas prête de se déraciner, à moins qu’on ne la jette dehors à coup de bottes.

Cela étant dit, il n’est pas question, non plus, de nier le lien puissant qui unit Israël et les juifs de par le monde. Répéter chaque année « l’an prochain à Jérusalem » pendant la fête de Pessah qui commémore la sortie d’Egypte, prédispose d’un attachement certain à cette terre, de même que la visite du mur occidental à Jérusalem, vestige du mur d’enceinte du Temple, rend naturellement tout juif qui se sent un tant soit peu concerné par l’histoire biblique, sionisto-compatible.

Seulement l’alyah est une alternative, un choix, l’aboutissement d’un processus personnel, d’une démarche intime, et non un horizon indépassable. Halte à l’assignation identitaire, pour le juif français, son « chez lui », c’est d’abord la France.

Noémie Halioua est l’auteure de L’affaire Sarah Halimi, aux éditions du Cerf.

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

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8 Commentaires
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Hanna

@ Noemie Halioua:
Ce n’est pas la peine de détailler tout ce que les Juifs français ont apporté au pays. Pour les non-Juifs nous avons été des apatrides ou français douteux et maintenant des Israéliens. Je me souviens que lorsque nous avons quitté la France, des collègues de travail nous ont demandé où nous allions.
-En Israel avons-nous répondu.
-Ah! Vous rentrez chez vous!…
Pour eux c’était une évidence et sans méchanceté aucune.
@ Marc A:
Depuis que je suis ici, personne ne m’a dit que ce n’était pas mon pays, au contraire. Nous avons eu droit à de nombreux » Bienvenue à la maison ». Vous devriez peut-être changer d’amis.

Hatchuel salomon

Incroyable comme l’article et les commentaire,, loin de se contredire,se complètent merveilleusement…On dit en hébreu : « gam vé gam », sans amalgame !

Libre Penseur

Ben alors ! Faut pas s’énerver comme ça pour si peu Noémie Allelouya ! On doit être fier d’avoir 2 maisons : une ici et une là-bas par intermittence ou dans le futur. Ca m’arrive plein de fois qu’un collègue « bien français » me fait ce genre de remarques et que je prends de façon tout à fait positive. Il faut savoir assumer sa double culture et sa double identité avec fierté et sans voir le mal partout.

Marc

Ce que je pense aussi, il faut aimer et cultiver sa différence. Et Juif n’est pas qu’une « religion » (c’est ce que disait Arafat pour s’en débarrasser), mais une (quasi-)nationalité, une appartenance à un peuple, en soi. Pas de quoi en faire une varicelle. Y a du soleil chez toi? Ben, ouais, c’est quand même plus chouette…

annie

Justement en sortant du bureau hier midi et en marchant j’ai pensé à Israel (c’est pas exceptionnel…) en me disant « la même douceur du soleil que j’ai eu en février à Tel Aviv »

Jge france reaa

Les francais ont maintenant leur immigration choisie , c elle qui deviendra majoritaire .
Il n y a pas de place pour les Juifs qui tiennent a leur identite .Ils subiront l antisemitisme  » classique repandu en europe , plus celui des nouveaux francais .Les deux rendront la vie des Juifs , un peu plus compliquee !
L histoire de nos grands hommes sera effacee pour laisser la place a une histoire de france reecrite , cela a deja commence !

Amouyal

Les gouvernements français depuis vichy jusqu a macron nous ont prouvé que nous ne sommes que  » tolerés  » , hier en pays chretien aujourdhui en pays franco arabe , je vis encore physiquement dans cet exil qu est la France , mais mon coeur et mon ame sont effectivement la bas et pas ici , ces gens ne sont pas les miens , ils ne m aiment pas et me vendront a la premiere occasion contre un baril de petrole ou un contrat foireux avec une dictature arabe

Marc A

Chez c’est donc en Israel. Et une fois en Israel, on nous dit que ce n’est pas notre pays. Pagani avait raison, nous n’avons de place nulle part si on devait écouter les goys.