Guerre Israël-Hamas: ces femmes qui prennent les armes pour protéger leur pays

REPORTAGE – Les massacres du Hamas, le 7 octobre dernier, ont traumatisé toute une nation et déclenché une guerre à Gaza. Les images et les témoignages montrent à quel point les terroristes ont ciblé les femmes pour les humilier. En Israël, elles sont nombreuses à prendre les armes pour protéger leur pays et leurs valeurs.

Les femmes du bataillon Bardellas s'emploient sur le terrain à cibler les femmes gazaouies suspectées de complicité avec les terroristes.

Les femmes du bataillon Bardellas s’emploient sur le terrain à cibler les femmes gazaouies suspectées de complicité avec les terroristes. Ziv Koren / Polaris / Starface / Ziv Koren / Polaris / Starface

Lors de cette terrible journée du 7 octobre, en Israël, les femmes de l’unité de tankistes Faran ont combattu pendant près de dix-sept heures, sans discontinuer. Elles ont fait face aux islamistes du Hamas, qui étaient parvenus à franchir à coups de bulldozer la barrière séparant la bande de Gaza du territoire hébreu.

Créée en 2022 par l’armée israélienne, cette brigade de chars a ceci d’unique qu’elle est la toute première à intégrer des femmes. Parties le matin, dès l’alerte lancée, elles ont quitté la base de Nitzana dans le Sud, à proximité de l’Égypte, et ont roulé, sans aucune hésitation, sur une cinquantaine de kilomètres en direction du nord, à bord de leurs blindés. Face à la gravité de la situation, les femmes soldats ont reçu l’autorisation exceptionnelle d’emprunter l’asphalte et les routes civiles pour arriver rapidement au niveau des brèches percées à la frontière par les terroristes.

Elles ont ainsi pu bloquer le passage, mais elles ont aussi combattu, neutralisé et littéralement écrasé les assaillants. Durant leur périple, elles sont aussi venues au secours de la capitaine Shelly et de ses troupes, mises en difficulté par un groupe de 70 hommes du Hamas, lourdement armés et circulant à bord de pick-up et de motos.

Patriotes au féminin

Cheveux longs soigneusement tirés en queue-de-cheval, l’officier, en uniforme, se cale contre le dossier de la chaise de son bureau avec son M16, posé à proximité, pour raconter cette journée. «Certains de ces terroristes étaient vêtus de noir, d’autres portaient des vêtements civils. Ils étaient très nombreux, et j’avais sous mes ordres sept hommes et trois femmes. Nous combattions depuis près d’une heure sur un terrain à découvert, à proximité du kibboutz de Holit. Nous n’avions que nos jeeps pour nous protéger des tirs. Un de nos soldats a été mortellement touché.»

«J’ai essayé de le réanimer en vain. Je n’avais qu’une idée en tête : les empêcher de kidnapper son corps et ramener mes équipes en vie. Ils étaient visiblement entraînés et savaient très bien ce qu’ils faisaient. Finalement, nous avons vu arriver les filles de la brigade Faran. Elles les ont neutralisés avec leurs tanks. Nos actions, ce jour-là, ont permis de bloquer la progression des assaillants. Ils auraient pu atteindre une dizaine de kibboutz situés non loin de là.»

Entre deux missions, ces combattantes du bataillon Bardellas se reposent dans l’un des kibboutz attaqués le 7 octobre. Natan Dvir / Polaris / Starface / Natan Dvir / Polaris / Starface

 

La capitaine Shelly déroule ces événements cauchemardesques avec un débit et un ton presque mécaniques comme pour s’accrocher à la maîtrise de la description des faits autant qu’au contrôle de ses émotions. La jeune femme, qui a quitté la France il y a six ans pour faire son alya et vivre en Israël, a passé le cap obligatoire du service militaire pour finalement faire carrière au sein de l’armée. Du haut de ses 23 ans, elle est déjà un officier aguerri et opère essentiellement dans le «renseignement».

Quand on lui pose la question, elle ne cille pas ni n’hésite une seconde à répondre par l’affirmative. «Oui», elle a eu à tuer ce jour-là. Elle ne s’en réjouit pas, car elle l’affirme, elle n’avait guère le choix. «Mon job, c’est d’éliminer la menace, précise-t-elle. Et nous avons éliminé à cet endroit une soixantaine de mecs.» Shelly sait que les djihadistes, dans leur logique à la fois meurtrière et suicidaire, aspirent à mourir en martyrs pour rejoindre dans l’au-delà les 72 vierges chargées de les distraire pour l’éternité. L’obstacle à cette jouissance éternelle, selon les djihadistes, est d’être tués par des femmes. Ces considérations de fanatiques, Shelly les balaie d’un revers de main. Elle préfère penser à ses sœurs d’armes, les tazpitaniyot, ces observatrices qui étaient postées aux abords de la frontière avec Gaza, chargées de la surveillance de cette zone.

Sœurs d’armes et de larmes

Elles avaient signalé, plusieurs jours auparavant, des mouvements suspects derrière les barrières, mais leurs avertissements ont été ignorés par la hiérarchie. Elles ont été les premières victimes de la barbarie islamiste. Massacrées, violées, tuées ou enlevées.

Nous avons toutes notre place dans l’armée, nous sommes en première ligne comme les hommes Capitaine Shelly

« Elles ont payé un lourd tribut, soupire Shelly. Quant aux djihadistes, je ne suis pas sûre qu’ils se rendent compte que nous sommes des femmes. En tout cas, pour nous, au sein de Tsahal, ça n’a pas d’importance, nous avons toutes notre place dans l’armée, nous sommes en première ligne comme les hommes. »

Difficile de dire, aujourd’hui, si la sauvagerie avec laquelle les islamistes se sont acharnés, en particulier sur les femmes israéliennes lors des attaques, a eu un impact sur les chiffres dévoilés récemment par les services de communication de l’armée qui constatent une augmentation significative de l’engagement des femmes dans les unités de combat. 12% d’entre elles se sont, en effet, portées volontaires pour prendre les armes et se battre.

La major Shira, 29 ans, et la capitaine Pnina, 26 ans, n’ont pas attendu la guerre pour s’engager dans une carrière militaire depuis le plus jeune âge. Shira, qui n’était pas en poste le jour de l’attaque, a été appelée pour prendre le commandement d’une brigade et remplacer au pied levé Avi, un de ses amis très chers qui venait de trouver la mort face aux terroristes.

Affronter l’ennemi

Elles sont venues en aide aux habitants des kibboutz, elles ont vu l’horreur de près, ont combattu, des jours durant, les terroristes infiltrés sur le territoire. « Ils étaient nombreux, précise-t-elle. Ils ont ouvert une brèche et ont réussi à prendre le dessus par surprise. Nous avons été sonnées et nous avons dû nous ressaisir pour les pourchasser, les arrêter ou les tuer. Pour eux, se retrouver dans cette situation face à une femme, c’est humiliant. Mais pour nous, c’était un autre holocauste. Ils ont violé, non seulement les femmes, mais aussi les hommes. Ils se sont acharnés sur les parties génitales quel que soit le sexe de leurs victimes. Ça ressemblait à une obsession. Ces gens sont inhumains. »

Assises sur un banc en bois, au milieu d’un verger, dans le décor bucolique du kibboutz de Sa’ad situé à quelques encablures de Gaza, les deux jeunes femmes déjeunent en croquant dans un hamburger. L’atmosphère pourrait paraître presque paisible, sans le bruit assourdissant au loin des bombes et de l’artillerie s’abattant sans relâche sur la bande de Gaza et sa population. Elles le savent, chacune de ces détonations emporte avec elle des vies, souvent innocentes. Le bilan des victimes, difficile à estimer, est communiqué par le ministère de la Santé du Hamas et serait de plus de 20.000 morts.

À Gaza, au cœur des combats et de la souffrance des populations civiles, les femmes soldats sont aussi en première ligne. Ziv Koren / Polaris / Starface / Ziv Koren / Polaris / Starface

 

Le bataillon Bardellas, auquel elles sont rattachées, opère de nombreuses incursions dans l’enclave palestinienne. « Nous combattons au côté de militaires qui pourraient être nos parents », sourit la capitaine Pnina, qui n’est pas autorisée à divulguer les détails de sa mission sur le terrain. « Tout ce que je peux vous dire, c’est que nous collectons des informations. Bien sûr, nous courons des risques. Bien sûr, nous avons peur aussi. Mais nous devons mettre tout cela de côté. Répondre par la guerre était inévitable. Oui, sur le terrain, la réalité des civils est terrible. Ils sont pris au piège entre deux feux. Certains nous demandent de les sauver, mais c’est le Hamas qui a délibérément mis sa population dans cette situation. Là-bas, quand je regarde ces bébés et ces enfants, je ne peux m’empêcher de penser qu’ils sont nés du mauvais côté de la frontière. »

À armes égales

Abritée du soleil, sous un auvent du poste de police de Rahat, Liel, 21 ans, ne quitte ni son arme ni son gilet pare-balles. Elle demeure silencieuse un moment. Son regard se perd au loin vers les collines. Elle fume sa cigarette tandis que l’appel à la prière du muezzin vient rompre le silence. La jeune femme raconte alors la mort de son père, policier comme elle, ce 7 octobre. Elle détaille chaque minute de ce drame qu’elle n’oubliera jamais, sur un ton monocorde, sans une larme ni un sanglot. Liel a combattu dès les premières heures du matin, aux côtés de son père.

Elle a survécu. Lui a été mortellement touché dans son véhicule par un tir de roquette. Ensemble, ils étaient intervenus dans les localités autour de Ofakim, où les islamistes avaient réussi à pénétrer. Ils étaient parvenus à évacuer des habitants des kibboutz, des jeunes échappés miraculeusement du festival Nova dans le désert avant de combattre les hommes du Hamas. « Mon père voulait venir en aide à JR, son collègue policier et meilleur ami. Il le savait en difficulté, tombé dans une embuscade, mais n’avions aucune information pour le localiser. Sur la route, nous avons dû affronter de nombreux terroristes. Entassés à l’intérieur du véhicule blindé avec d’autres policiers, nous tirions à vue. Ils étaient si près que je pouvais voir à travers les meurtrières leurs bandeaux verts, siglés du Hamas. Il y avait des corps ennemis partout sur la route et nous avons dû les écraser pour avancer. »

Le père de Liel retrouvera finalement son meilleur ami, mort, dans un fossé sur le bord d’une route. Dévasté, il décide de retourner au combat en intimant l’ordre à sa fille de rester au poste d’Ofakim. Accrochée à la radio, Liel suit l’avancée de son père dans cet enfer. À 14 heures, elle entend un agent annoncer la mort de Seguev1, son nom de code.

« À ce moment précis, se souvient-elle, j’ai chargé mon arme en me dirigeant vers ceux que nous avions arrêtés. Je voulais les tuer. Heureusement, mes collègues se sont interposés. Je suis toujours en colère aujourd’hui, mais ma rage n’est pas dirigée contre les Arabes et les musulmans. Il faut comprendre qu’Israël est un pays multiculturel. Ils ont été, comme nous, victimes des attaques du Hamas. Ma haine, je la réserve à ces barbares islamistes que je continuerai de combattre. Le fait que je sois une femme n’a pas d’importance. Face à eux, le 7 octobre, nous étions tous et toutes, face à l’ennemi, des cibles à abattre. »

«Ma haine, je la réserve à ces barbares»

Salomé, elle, n’a jamais intégré l’armée. Infirmière de profession, cette jeune mère de famille de 29 ans vit dans une petite localité à l’est de Tel- Aviv. Mariée à un policier, elle a rejoint il y a quelques années les kitatkonenut, ces brigades d’intervention composées de civils et chargées d’assurer la protection de leur quartier en cas d’attaque. Avec la naissance de sa fille il y a quatre mois, Salomé avait décidé de se consacrer exclusivement à son rôle de maman.

L’attaque du 7 octobre et les images des exactions partagées par les terroristes sur les réseaux sociaux la hantent et ont achevé de la convaincre de reprendre les armes. Elle a renoué avec les entraînements, notamment ceux des combats en milieu urbain, un exercice particulièrement difficile. « Je suis obligée de me tenir prête. Ce qu’ils ont fait aux enfants et aux femmes est une horreur. Je l’ai ressenti dans ma chair. J’ai eu mal partout pendant des jours comme si on m’avait frappée. Et puis, j’ai pensé à ma fille, il fallait que j’agisse pour la protéger. »

M16 en bandoulière, portant gilet pare-balles et casque, Salomé patrouille aux côtés des hommes de son quartier pour veiller à la sécurité. Si, avec le temps, la tension est quelque peu retombée, les instructions sont claires. Elle a, en cas d’attaque, la responsabilité de mettre en sécurité les femmes et les enfants et de tirer, s’il le faut, sur des assaillants. « En tant que mère, femme juive et Israélienne, je ne peux que m’identifier à ces victimes qui ont été massacrées et violées. Ils sont entrés dans nos maisons, nos foyers. Ces endroits sont sacrés, et ils les ont piétinés. Après ça, nous ne serons plus jamais les mêmes. Nous vivons au côté des Arabes, mais la méfiance s’est installée. »

Israélienne et arabe

La capitaine Ella est arabe. Elle est aussi une musulmane, citoyenne israélienne et se dit fière de servir en tant qu’officier au sein de Tsahal. Née dans une famille religieuse et très traditionnelle, elle n’osait envisager une telle carrière, convaincue que les Arabes n’avaient pas leur place au sein de l’armée. « Enfant, j’étais tiraillée. À 16 ans, j’ai reçu ma toute première carte d’identité et c’est devenu limpide. J’étais une citoyenne israélienne. Je me suis engagée dans l’armée à l’âge de 24 ans. Au début, je l’ai caché à mes parents. Être Arabe et Israélien, c’est toujours très compliqué et, pour eux, cet univers, c’était l’inconnu. »

Ella est devenue porte-parole de Tsahal. Si, dans cette guerre, elle ne se bat pas les armes à la main, elle se considère, pour autant, comme une combattante à part entière.« Ce conflit se mène aussi sur le front de la communication. On se doit d’expliquer au monde ce qu’est notre ennemi. J’ai été chargée de traduire les 48 minutes du film montrant les exactions du 7 octobre. C’est de ma responsabilité et c’était absolument nécessaire, même si ça m’a rendue malade. C’est la première fois que mes soldats me voyaient dans cet état. Rien ne peut justifier ce que ces hommes ont fait. Ils se sont obstinés à dégrader les femmes, et cette guerre qui nous est faite renforce mon engagement. »

La lieutenant Nathalie *, 22 ans, profite d’une permission de quelques jours pour flâner, presque insouciante, main dans la main avec son petit ami dans les rues, de nouveau animées, de Tel-Aviv. La réalité de la guerre est pourtant bien présente, pour elle qui doit retourner dans quelques jours sur le front à Gaza. Le 7 octobre, la jeune femme était en congés en famille à Eilat.

Le début d’une guerre longue

Dès les premières alertes et notifications reçues sur son téléphone, elle a compris la gravité de la situation et s’est empressée d’enfiler son uniforme pour rejoindre sa base. « Nous recevions des appels à l’aide de civils désespérés. Ils nous imploraient de venir à leur secours alors qu’ils étaient coincés dans les kibboutz pris d’assaut par les terroristes. C’était épouvantable d’entendre leur détresse. » Depuis, elle est sur le front, en première ligne. Nathalie n’est pas autorisée à divulguer la nature de sa mission, mais explique être aux « commandes d’opérations spécifiques ».

Elle était positionnée, il y a encore quelques jours, au cœur de ce tunnel immense creusé par les terroristes et découvert par l’armée israélienne. Nathalie sait la détermination des hommes du Hamas et la proximité du danger sur ce terrain de guerre particulièrement périlleux. Elle y a perdu déjà nombre de frères d’armes et d’amis. Elle côtoie le danger et compose avec la peur au quotidien. « Gaza est une zone de combat. Les terroristes savent ce qu’ils font et sont préparés. Je suis très consciente des risques. Tout peut arriver. Chaque jour, je ne suis jamais sûre d’en sortir vivante. Mais je suis déterminée à me battre. Je pense à ce qu’ils ont fait aux civils, et en particulier aux femmes. Les photos et les vidéos m’ont touchée au cœur. Je pense à elles et je me bats aussi pour leur mémoire et leur honneur bafoués. »

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