Aurore Matet-Karas, Cerveau, sexe et amour. Humansciences. 2024.
Ce trio semble assez inattendu ! Pourtant, ce livre démontre de manière assez convaincante qu’il n’en est rien. C’est avec son cerveau, lisons nous, que l’on aime le mieux. Et le plus important est de se demander ce qu’est l’amour, comment naît-il et comment le ressentons nous. Certes, je ne me risquerai pas à résumer les développements de livre, si fouillé et si érudit.
L’auteure qui semble bien connaître son affaire, débute son savant propos en reproduisant une assertion qui en étonnera plus d’un : le cerveau est le premier organe sexuel… La chose a de quoi surprendre, en effet. Pourtant c’est au niveau de ce barrage mental que s’effectue le propre de l’acte amoureux. Le livre est bien écrit et bien renseigné. Son auteure remonte jusqu’à saint Augustin, mort à Hippone assiégé par les Vandales, pour exposer ses définitions de l’amour et du désir. C’est dire que nous avons affaire à une recherche sérieuse. Les confessions set la Cité de Dieu sont évoqués rapidement. On y parle aussi de Freud et de la libido, laquelle serait une découverte ou une redécouverte dans des milieux inattendus.
L’auteure a étendu son discours au discours biblique concernant la création de l’homme et l’émergence d’un couple antithétique : l’âme-esprit, telle qu’elle apparait dans les premiers chapitres du livre de la Genèse. La Bible nous enseigne donc cette opposition entre un amour pur, qui a sa place dans la vie humaine, fondement de notre monde et de notre civilisation, et un amour-désir qui n’est pas le bienvenu même s’il est très courant dans notre monde. Je ne peux que saluer cette reprise de l’héritage biblique, généralement négligé ou très peu pris en compte. Mais les neurosciences ont réussi à se libérer des concepts religieux ou philologiques.
Au fond, que signifie au juste le terme sexe ? En effet, grâce à la science moderne on a réussi à jeter un regard neuf sur ce sujet et et sur tout ce qui s’y rapporte. On s’interroge parfois sur des réalités qu’on ne remettait jamais en question comme par exemple, pourquoi n’y va-t-il que deux sexes et pas plus ? On apprend aussi qu’aux yeux de la biologie, certains organes ou attitudes constituent un problème important et difficile à résoudre …
Certes, je ne suis pas le mieux placé pour parler de ce livre mais sa lecture suscite t en moi les problématiques philosophiques, posées par un tel sujet. Mais le fait d’aimer relève t il vraiment de la biologie ? Ne serait-ce pas plutôt une matière pour l’anthropologie ou la psychologie ? Que signifie aimer ? Comment s’opère cette alchimie entre deux êtres ? Que faire des normes sociales puisque tout acte d’amour présuppose un groupe de personnes ressentant une attirance ou un intérêt les uns pour les autres…
La phrase est bien connue : le mariage est une institution sociale, donc conditionnée par une certaine position au sein du corps social, alors que l’amour relève d’autres critères, eux aussi moins bien connus. N’oublions pas, et l’auteure n’a garde de l’oublier, qu’il y a maintes façons d’aimer. Il existe des minhotes qui se distinguent par leur altérité et dont la légitimité n’est guère discutable aux yeux de la biologie, par exemple.
La biologie est une science et cette approche ne tient pas compte d’arguments extrascientifiques. Mais la biologie peut-elle servir de morale ou en tenir lieu ? C’est peut-être tout le sujet concernant un rapprochement avec l’éthique scientifique. Les neurosciences ne peuvent plus se contenter des réponses du romantisme où les gens se paraient de mots, écrivaient des poèmes ou des chansons pour exprimer leur amour. De plus, il s’agissait la plupart du temps d’amour platonique. Il ne s’agit pas, dans cette remqrque, d’une approche dépréciative puisque cette attitude nous a laissé de magnifiques épanchements poétiques, comme par exemple le poète catholique autrichien, Clemens Brentano Pour quelqu’un de «normal»., ce poète a développé une passion morbide, maladive, alliant le sentiment amoureux à un catholicisme fait de stigmates…
On le voit, les choses sont plus compliquées qu’il n’y parait à première vue. Des termes, des notions, ou des images convoient des idées reçues comme par exemple les préjugés concernant les femmes et leur relation au sexe et à l’amour.
Pour finir, ce livre trouvera son public dans des secteurs inattendus de la société. Son mérite est d’adopter une démarche qui bat en brèche les préjugés. La relation avec l’éthique pourrait paraitre paradoxale, elle demeure indispensable si l’on veut éviter de graves conflits. Le judaïsme rabbinique l’a très bien ressenti puisqu’il en fait la pierre de touche du jour des propitiations, yom Kippour.