Irak: « l’EIIL une menace pour la région entière »

« Nous devons exhorter les dirigeants irakiens à dépasser les considérations confessionnelles » (Kerry)

John Kerry au Caire dimanche 22 juin 2014, lors de son arrivée dans la région où il doit poursuivre sa tournée, au Moyen-Orient et en Europe, par des consultations sur la crise irakienne ( Brendan Smialowski (POOL/AFP)

Le secrétaire d’Etat américain John Kerry a appelé dimanche au Caire les dirigeants irakiens à dépasser les divisions confessionnelles, assurant que son pays n’était pas responsable de la crise provoquée par l’offensive fulgurante d’insurgés sunnites et ne cherchait pas à choisir un leader pour l’Irak.

Même s’ils n’ont pas formellement réclamé la démission de Nouri al-Maliki, les Etats-Unis, qui ont mené en 2003 l’invasion ayant renversé Saddam Hussein, ne ménagent pas leurs critiques contre le Premier ministre chiite, accusé d’avoir amplifié les divisions entre confessions.

« Les djihadistes de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) portent une idéologie prônant la violence et la répression. C’est une menace non seulement pour l’Irak mais aussi pour la région toute entière (…). Nous sommes à un moment critique où nous devons exhorter les dirigeants irakiens à dépasser les considérations confessionnelles et à parler à tous », a estimé M. Kerry.

« Les Etats-Unis ont versé leur sang et travaillé duré durant des années pour que les Irakiens choisissent leurs dirigeants (…) mais l’EIIL a traversé depuis la Syrie, commencé à comploter de l’intérieur, attaqué des communautés et ce sont eux qui sont en train de s’immiscer pour empêcher l’Irak de choisir la direction qu’il souhaite », a-t-il poursuivi.

« Les Etats-Unis ne cherchent pas à sélectionner ou choisir quiconque (…). C’est au peuple irakien de choisir ses dirigeants », a-t-il martelé, estimant que son pays n’était pas responsable du fait que l’Irak soit désormais au bord du chaos.

« Cependant, Washington aimerait voir le peuple irakien se trouver une direction prête à représenter tout le peuple irakien », a déclaré M. Kerry, alors que des pourparlers sont en cours depuis les élections de fin avril pour former une coalition.

M. Kerry s’exprimait lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue égyptien au Caire, à l’issue d’une brève visite surprise en Egypte, où il a plaidé pour des réformes démocratiques auprès du président Abdel Fattah al-Sissi, l’ex-chef de l’armée qui a destitué l’islamiste Mohamed Morsi il y a près d’un an, s’inquiétant d’un moment critique dans la transition post-Morsi.

3 villes aux mains des djihadistes

Sur le terrain, les insurgés sunnites emmenés par les djihadistes de l’EIIL se sont emparés de trois villes de la province occidentale d’Al-Anbar — Al-Qaïm, Rawa et Aana –, l’armée affirmant dimanche qu’elle s’en était retirée pour des raisons « tactiques » de « redéploiement ». Selon des témoins pourtant, les insurgés se sont emparés dès samedi d’Al-Qaïm et de son poste-frontière avec la Syrie.

Ces villes sont situées près de l’autoroute reliant la Syrie à la province irakienne d’Al-Anbar, où les insurgés s’étaient déjà emparés en janvier de Fallouja, à 60km à l’ouest de Bagdad, et de secteurs de Ramadi, le chef-lieu de la province.


Des membres des forces armées du Kurdistan irakien, les peshmerga, tiennent leur position le 21 juin 2014 dans le village de Bacheer, à 15 km au sud de Kirkouk ( Karim Sahib (AFP) )

Depuis le début de leur offensive le 9 juin, les insurgés ont mis la main sur Mossoul, deuxième ville du pays, une grande partie de sa province Ninive (nord), de Tikrit et d’autres secteurs des provinces de Salaheddine (nord), Diyala (est) et Kirkouk (nord), et avancent désormais à l’ouest, où la prise du poste-frontière d’Al-Qaïm représente un succès important.

Il n’existe que deux autres points de passage officiels sur les 600 km de la poreuse frontière entre l’Irak et la Syrie; l’un contrôlé par l’armée et l’autre par les forces kurdes. Une grande partie du reste de la frontière échappe au contrôle des forces gouvernementales, irakiennes comme syriennes.

Les djihadistes de l’EIIL, qui ambitionnent de créer un Etat islamique dans une zone située à cheval entre les deux pays, sont également engagés dans la guerre Syrie.

Après la débandade des troupes irakiennes aux premiers jours de l’offensive djihadiste, ces dernières tentent de reprendre du territoire aux insurgés. Ainsi dimanche matin, la télévision d’Etat irakienne a affirmé qu’une frappe aérienne visant un groupe d’insurgés à Tikrit (nord) avait tué 40 d’entre eux, tandis que des témoins ont expliqué à l’AFP que sept personnes avaient péri dans cette attaque contre une station-service du centre-ville.

Ces témoins n’ont pas précisé si les victimes étaient ou non des combattants.

A l’est de Tikrit, des combattants ont affronté les forces de sécurité, secondé par des tribus pro-gouvernementaux, et tué un conseiller du gouverneur provincial.

Parallèlement aux efforts militaires, les chefs religieux chiites d’Irak ont appelé les citoyens à prendre les armes pour contrer l’avancée de l’EIIL, qui a proclamé son intention de marcher sur Bagdad et les villes saintes chiites de Kerbala et Najaf, au sud de la capitale.

Délicate mission


Ahmad al-Rubaye (AFP)

Dans les rues du quartier à majorité chiite de Sadr City, à Bagdad, à l’appel du puissant chef chiite Moqtada Sadr, des milliers de volontaires ont ainsi orchestré samedi une véritable démonstration de force, paradant en uniformes et en armes.

Sur le plan diplomatique, John Kerry est attendu dimanche à Amman pour discuter avec son homologue jordanien Nasser Joudeh des « défis que pose la sécurité au Moyen-Orient », selon la diplomatie américaine, première étape d’une mission ultra-délicate, voire impossible, au chevet de l’Irak. Sur son chemin, il a fait un arrêt surprise au Caire, où il doit rester quelques heures.

Lors de cette tournée au Moyen-Orient puis en Europe (Bruxelles et Paris), « nous allons presser les pays de la région qui ont des relations diplomatique avec l’Irak de prendre cette menace aussi sérieusement que nous », a déclaré un responsable du secrétariat d’Etat. « Puis nous allons souligner la nécessité pour les dirigeants irakiens d’accélérer la formation d’un gouvernement et de se rassembler dans un cabinet » qui inclura tout le monde.

S’exprimant sous le couvert de l’anonymat ce responsable a ajouté qu' »une grande partie des financements qui, depuis longtemps, nourrissent l’extrémisme en Irak, viennent de pays voisins ».

Les Etats-Unis, qui ont promis d’envoyer 300 conseillers militaires pour aider l’armée tout en excluant les frappes aériennes réclamées par le gouvernement irakien, ne ménagent par ailleurs pas leurs critiques contre le Premier ministre irakien, qu’ils ont pourtant soutenu lors de sa première élection en 2006.

M. Maliki est notamment accusé de mener une politique confessionnelle dans un pays au bord du chaos. Il lui est notamment reproché d’avoir marginalisé la minorité sunnite et aliéné ses partenaires kurdes et chiites.

L’administration Obama encourage donc la mise sur pied d’un gouvernement irakien plus rassembleur, a insisté un haut responsable américain.

C’est ce que devrait plaider M. Kerry au cours de sa tournée, qui pourrait, selon des sources parlementaires, se rendre en Irak. Mais le département d’Etat n’en a pas dit un mot.

(avec AFP)

i24news.tv Article original

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