Par le Gal Abel Pertinax .

Une officine privée américaine de renseignements au Pakistan aurait eu connaissance, au début du mois de janvier 2011, du passage du mollah Omar, le chef des Taliban afghans, dans une clinique de Karachi, au Pakistan, rappporte le Washington Post.
Il s’y serait fait poser un cathéter ou une endoprothèse de régulation cardiaque, après un accident cardio-vasculaire. Il y aurait été protégé puis récupéré et sécurisé par l’ISI, le tout puisant service pakistanais de sécurité. Cette information n’a pu être vérifiée.

La même source aurait déclaré que des interceptions des communications de la Shura (l’état-major et le conseil politico-militaire des Taliban et des groupes insurgés opérant en Afghanistan) de Quetta – le chef-lieu de la province pakistanaise du Balouchistan considéré comme le repaire de mollah Omar depuis des années au Pakistan – auraient conforté cette information.

Est-elle de la même veine que celles qui ont laissé accroire à compter de 2001 qu’Oussama Ben Laden (OBL) connaissait des problèmes rénaux, et qu’il avait alors subi au Pakistan une dialyse ?

De telles officines sont nombreuses à opérer librement au Pakistan, comme l’a laissé entrevoir l’affaire Davis, du nom de cet « agent consulaire » américain arrêté à Lahore le 27 janvier dernier, après avoir tué deux jeunes pakistanais dans un quartier pauvre de la ville. Selon l’officine citée supra, les deux victimes auraient été commissionnées par l’ISI pour traquer et empêcher Davis et consorts d’opérer dans leur pays. Ce citoyen américain, qui y séjournait sous une couverture diplomatique, travaillait en sous-traitance pour la C.I.A. Il fut acquitté de ce double meurtre mi-mars par la Haute Cour de Lahore après de dures tractations entre autorités des deux pays.

Depuis, d’autres informations ont filtré a Kaboul sur la mort, cette fois, de mollah Omar. Aussitôt démenties le 23 mai par les Taliban eux-mêmes.

En ce qui la concerne, l’agence de renseignement afghane, la NDS (National Directorate for Security, sous obédience présidentielle), a précisé que le mollah Omar avait disparu depuis quatre ou cinq jours, précisant toutefois que sa mort ne pouvait être confirmée. Il est donc vraisemblable que le leader spirituel et opérationnel des Taliban n’est plus « sur la fréquence », et que le renseignement d’origine électromagnétique de la coalition internationale a de ce fait perdu sa trace. C’est à ce jour la seule voie par laquelle les services occidentaux avaient indirectement de ses nouvelles.

Selon le journaliste américain Bob Woodward, dans son dernier ouvrage « Obama’s wars » (Simon and Schuster, New-York 2010 ; Editions Denoël Impacts, Paris 2011), Bruce Riedel (ancien de la C.I.A et mandaté par Obama pour lui présenter un bilan sur la stratégie des USA en Afghanistan et au Pakistan) lui aurait déclaré le 18 mars 2009: « … Monsieur le Président, vous devez avoir l’œil sur la vraie menace, la menace centrale, le Pakistan. Certains observateurs d’Al-Qaïda vous diront que, caché au Pakistan, Ben Laden ne pèse plus rien. (…)Tout cela est parfaitement faux. (…) Il communique avec ses subalternes et maintient le contact avec ses pions. Ses hommes considèrent que leurs ordres viennent de lui, et nous savons de source sûre que c’est bien le cas » entretien en tête entre Bruce Riedel et B. Obama, rapporté par B.W. »>Article original.

On peut aisément imaginer qu’OBL et le mollah Omar sont donc restés en contact. Après tout, Ben Laden n’a-t-il pas fait formellement allégeance aux Taliban et à leur chef spirituel en 1998 en Afghanistan? Le second n’a-t-il pas juré de toujours protéger le cheikh, quoiqu’il en coûte ? De la part de tels personnages, ce ne sont pas des promesses en l’air.

La première réussite, pour les responsables US du raid survenu à Abbottabad est bien entendu la disparition du leader idéologique d’Al-Qaïda. La seconde, c’est celle des services de renseignement. La manne ramenée de la rafle à laquelle ont dû procéder les 79 « Navy Seals » dans la nuit du 1er au 2 mai dernier dans l’antre d’OBL s’est vraisemblablement révélée par la suite productive et édifiante pour la lutte anti-terroriste et contre les Taliban. Des disques durs d’ordinateurs, des clés USB et d’autres supports d’informations ont été saisis : nul doute qu’ils ont déjà parlé. Toute une récolte qui a pu recouper les informations – souvent très parcellaires – déjà détenues dans les bases de données des analystes.

Par ailleurs, la coopération internationale entre services de renseignement étant la plus au point et la plus aboutie dans la lutte contre le terrorisme, les nations amies des Etats-Unis et alliées dans cette guerre en ont vraisemblablement déjà profité elles aussi.

On peut donc s’attendre, dans les semaines (ou les mois : le renseignement se mange froid) qui suivent le châtiment de Ben Laden : 

– A des « opérations homo » certainement moins médiatisées que celle de cette nuit du 1er mai, mais décisives dans la lutte contre le terrorisme djihadiste. Les frappes des drones armés Predator et Reaper, qui opèrent presque tous les jours dans les zones tribales, participent déjà de cette logique. .

– A ce que les principaux responsables d’Al-Qaïda et Taliban qui auraient été en contact avec Ben Laden quittent précipitamment leurs caches pour rejoindre des refuges de substitution, et se fassent oublier quelques temps. Et surtout, ne communiquent plus du tout par tout moyen électronique. Parce qu’après la traque de Ben Laden, c’est celle du mollah Omar qui prend le relais. Plus que celle d’Ayman al-Zawahiri, le réputé n°2 d’Al-Qaïda dont on a vu qu’il ne faisait pourtant pas l’unanimité au sein de la nébuleuse extrémiste.

Dans le cadre de la lutte contre la nébuleuse terroriste et contre les Taliban dans laquelle Barack Obama s’est fermement engagé dès son intronisation en faisant de l’Afghanistan une priorité de sa politique internationale de sécurité, le Président américain se doit maintenant de poursuivre dans cette voie et réussir pour parachever son action. D’autant que si le chef historique et fédérateur des Taliban afghans disparait, certaines factions pourraient être tentées de finalement pactiser avec le pouvoir en place à Kaboul (pashtoun, comme eux). Ce qui serait une réussite non seulement pour Hamed Karzaï qui en a fait la ligne principale de sa stratégie personnelle, mais aussi pour les Américains dans le cadre de leur lutte de contre-insurrection en Afghanistan qui sous-entend, entre autres, le renforcement de l’autorité du pouvoir légal en place.

D’ailleurs, toujours selon Bob Woodward, le Président afghan lui aurait confié personnellement le 23 juin 2009 : « J’amènerai les Etats-Unis à la table de négociations de paix avec les Taliban ». Mais quel sera le rôle de l’ISI dans ce second acte ?

Par le general Abel PERTINAX, ancien haut-responsable de l’armee francaise.

Le Figaro.fr

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