Alors que les drapeaux israéliens brûlent de Paris à Istanbul, que Jérusalem tente de justifier sa position devant la communauté internationale et de faire la lumière sur les événements tragiques qui se sont déroulés le lundi 31 mai à bord du Mavi Marmara, certains se frottent les mains. En premier lieu le Hamas.

PHOTO: AP , JPOST

Le Hamas, qui dispose d’un contrôle total sur les 1,5 million d’habitants de la bande de Gaza depuis juin 2007 et la victoire de l’organisation islamiste sur la faction palestinienne rivale du Fatah, est passé maître dans l’art d’utiliser les rouages du monde contemporain afin d’assoir sa légitimité. Ces ressorts que sont le fort sentiment anti-israélien de beaucoup de pays de la communauté internationale, notamment au sein des Nations unies, la focalisation médiatique privilégiée sur la région du Moyen-Orient et sur le conflit israélo-palestinien et la propension de ces mêmes médias à adopter des schémas narratifs simplificateurs et volontiers anti-israéliens, permettent au Hamas de se présenter comme le défenseur des Palestiniens aux yeux du monde. Faisant par là oublier la féroce répression intellectuelle et physique qu’il conduit sur sa propre population depuis sa prise de pouvoir, que montre le documentaire du réalisateur argentin Rodrigo Vazquez « Au cœur du Hamas » (2009).

Israël est « tombé dans le piège » du Hamas

Rappel des faits : le raid mené par l’armée israélienne le 31 mai à l’aube sur les 6 navires supposés transporter de l’aide humanitaire vers la bande de Gaza fait 9 morts parmi les « militants pacifistes » du navire amiral de la flotte, le Mavi Marmara, qui ont accueilli les soldats de la marine israélienne débarqués par hélicoptère avec des barres de fer, des armes blanches, des armes de poing et autres objets tranchants. Sur les 5 autres navires de la flottille « Free Gaza », l’opération se déroule dans le calme et on ne déplore aucun blessé.

« Légitime défense » face à cette « embuscade », qualifiait le jour même le porte-parole de Tsahal Avi Benayahou. Peine perdue, semble-t-il. Depuis l’affaire, l’Etat juif et les membres du gouvernement font face aux condamnations et aux manifestations de haine qui s’élèvent à travers le monde. La bataille médiatique est déjà perdue pour Israël après cette « initiative pernicieusement bien construite », avait déploré lundi David Horovitz, rédacteur en chef du Jerusalem Post, quelques heures seulement après les faits.

Les détails de l’affaire tendent à montrer que, si pour une partie des passagers du bateau le but était sincèrement pacifiste, ce n’était pas le cas de tous. Ainsi, parmi les personnes abattues, des membres de IHH, une organisation turque islamiste réputée proche du Hamas. Les documents vidéo et sonores dévoilés par Tsahal montrent une hostilité et une agressivité manifeste de la part d’une partie des passagers du Mavi Marmara. L’armée a récemment dévoilé un enregistrement sonore où l’on peut entendre un passager du navire dire à ses interlocuteurs de l’armée « retournez à Auschwitz », avant l’intervention sur les navires.

Pour le Hamas, l’argument humanitaire, lui aussi, ne semble avoir été qu’un prétexte puisque les navires de la flottille ont décliné la proposition israélienne de transmettre les biens qu’ils transportaient aux Gazaouïs s’ils acceptaient de ne pas tenter de forcer le blocus. Mercredi 2 juin, le Hamas refusait même de laisser rentrer 21 camions remplis de l’aide humanitaire en question dans le territoire sous son contrôle, arguant attendre pour cela que tous les membres de la flottille (dont la plupart ont été renvoyés en Turquie mercredi soir), soient relâchés. « Si cette aide est si urgente, ma question est : pourquoi ne pas la laisser rentrer dans Gaza ? », s’interrogeait mercredi soir un membre du bureau du Coordinateur des activités gouvernementales dans les Territoires de Judée-Samarie, alors que les camions chargés étaient stationnés au point de passage de Keren Shalom.

Le « terrorisme victimaire » : une stratégie qui paye

Il est difficile de dire si l’affaire de la flottille est vraiment une manipulation du Hamas et de ses alliés. Mais peu importe. C’est à eux qu’elle profite, grâce à leur utilisation habile des canaux médiatiques, qui font partie intégrante de leur arsenal. Comme le note le quotidien économique Globes : « Le monde se rappellera simplement des scènes de David et Goliath. L’autre côté a gagné la victoire de la propagande. Il est inutile pour nos dirigeants de protester à propos de la situation désespérée de nos soldats puisque le monde entier se soucie de la situation des habitants de Gaza. »

Dans une chronique publiée le 1er juin dans l’hebdomadaire français L’Express, Christian Makarian note la généralisation du « terrorisme victimaire » comme mode d’action du Hamas. Une stratégie que l’on avait pu observer lors de l’opération Plomb durci à Gaza en décembre-janvier 2009, durant laquelle le Hamas a utilisé des boucliers humains et stocké des armes dans des mosquées, selon le rapport de l’enquête menée par l’armée israélienne.

Ismaël Haniyeh, Premier ministre Hamas, ne s’y est pas trompé : « Si les Israéliens se conduisent comme des pirates aux yeux du monde et attaquent la flottille, alors nous aurons gagné », avait-il déclaré avant le raid. Gagné quoi ? L’indignation de la communauté internationale, l’isolation d’Israël sur la scène diplomatique, brouiller les actuelles négociations de paix indirectes entre Jérusalem et l’Autorité palestinienne (AP) et par conséquent, un regain de légitimité pour son mouvement qui ne reconnaît toujours pas à Israël le droit d’exister.

Ce qui ne manque pas : manifestations anti-israéliennes partout dans le monde, demande d’enquête de l’ONU, crise diplomatique avec la Turquie, dont huit ressortissants font partie des victimes. « Je ne pense pas que le Hamas soit une organisation terroriste. Ce sont des Palestiniens en résistance, luttant pour leur propres terres », déclarait, vendredi 4 juin, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, qui appelle à des sanctions de l’ONU à l’encontre d’Israël.

Pour David Chemla, secrétaire-général de JCall – mouvement de Juifs d’Europe critiques à l’égard du gouvernement israélien actuel -, « dans la bande de Gaza, où la situation humanitaire est dramatique, il faut mettre fin au blocus actuel, car il profite au Hamas qui se nourrit de la misère ».

Lever le blocus sur Gaza ne semble pas dans les intentions du gouvernement. Lors d’une réunion spéciale du cabinet de sécurité, mardi 2 juin au soir, le Premier ministre Binyamin Netanyahou a qualifié le blocus sur Gaza d' »essentiel pour protéger Israël et son droit à se défendre ».

Toutefois, lors la rencontre du jeudi 3 juin avec l’envoyé du Quartet au Proche-Orient, Tony Blair, Netanyahou a déclaré qu’Israël avait l’obligation de défendre ses citoyens mais qu’il était primordial que des produits non-militaires soient envoyés à la population gazaouïe. Ces derniers mois, Israël a accru de 20 % le volume de produits entrés dans Gaza et y accepte également une liste plus vaste de biens. Netanyahou pourrait ainsi reconsidérer sa politique de fermeture des passages terrestres vers Gaza à toute aide autre qu’humanitaire.

Le chef de l’AP Mahmoud Abbas a décidé, mardi, de poursuivre les négociations de paix indirectes avec Israël dans lesquelles l’envoyé américain au Proche-Orient Georges Mitchell joue le rôle de médiateur, contre les pressions du Hamas et d’autres factions palestiniennes appelant à les abandonner. L’Egypte a, elle, levé temporairement son blocus sur la bande de Gaza la semaine dernière, suscitant un afflux de Palestiniens au point de passage de Rafiah.

Alors que certains invoquent le manque de renseignements dont disposait l’armée avant l’opération, d’autres, tels Haviv Rettig Gur du Jerusalem Post, qualifient cette opération de « désastre politique » pour lequel Israël doit se montrer mieux préparé à l’avenir.

A cet égard, l’interception de ce week-end du Rachel Corrie, autre navire à bord duquel se trouvaient des activistes internationaux, qui se dirigeait vers Gaza, a été un succès. Personne n’a été blessé et le navire a été dirigé vers le port d’Ashdod dans le calme.

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