En 1974, le monde tombait en arrêt devant Nadia ­Comaneci. Quatorze ans, 40 kg, silhouette gracile et muscles d’acier, la gymnaste roumaine faisait sauter les tableaux d’affichage des Jeux olympiques de Montréal avec la note maximale jamais attribuée aux barres asymétriques.En 1989, un mois avant la chute du régime communiste roumain, Nadia, vingt-huit ans, le poids et les mensurations d’une femme de son âge, la grâce envolée et la biographie lestée d’une liaison avec le fils Ceausescu, fuyait vers les États-Unis. C’est ce parcours que Lola Lafon retrace dans «La Petite Communiste qui ne souriait jamais».

Titre accrocheur pour un texte empli de grâce qui jamais ne s’appesantit façon hagiographie hollywoodienne. Normal, son sujet est «un ange» qui «s’élève au-dessus des lois, des règles et des certitudes, une machine poétique sublime qui détraque tout».

L’auteur sait d’ailleurs se faire lyrique, délicate et inspirée, lorsqu’elle décrit les circonvolutions de la jeune fille dans l’air. Elle est tranchante quand il s’agit de décrire l’entraînement harassant, les blessures et la surexposition médiatique infernale qui frappe l’adolescente à laquelle «toutes les petites filles du monde capitaliste» rêvent de ressembler.

Lola Lafon laisse voir, derrière le météore incandescent traversant le ciel plombé de l’Est dans les années soixante-dix, la gamine martyrisant son corps, puis l’adolescente affolée de voir ce même corps devenir plus rétif, plus encombrant.

Une femme livrée à la curée des observateurs, spectateurs et journalistes, qui iront vite piocher une nouvelle icône chez les jolies Russes trop maquillées.

Le récit est entrecoupé par un dialogue imaginé entre la biographe et son sujet. Consultée, la gymnaste apporte des précisions, remet la narratrice droit sur la poutre quand celle-ci s’égare, égratignant l’entraîneur, l’entourage ou le régime, interroge sur la notion de ­liberté. En ressort une image bigrement volontaire de «la petite fée des Carpates», ex-marionnette du régime.

Lola Lafon laisse également entrevoir derrière cette légende la réalité du royaume Ceausescu, le Kennedy de l’Est qui sut lui aussi séduire l’Ouest avant de chuter. Le roman en or de cette rentrée.

«La petite communiste qui ne souriait jamais», de Lola Lafon, Actes Sud, 310 p., 21 €

Françoise Dargent/ Le Figaro.fr Article original

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