Et si la France rencontrait l’Algérie : quand le football révèle les fractures françaises.

FIGAROVOX/FICTION – Si la France et l’Algérie remportent leur huitième de finale ce lundi, les deux équipes se rencontreront en quart de finale . Un scénario de tous les dangers qu’Alexandre Devecchio a imaginé pour FigaroVox.

Alexandre Devecchio est journaliste au Figaro et animateur du FigaroVox. Passionné de politique et des questions liées aux banlieues et à l’intégration, il a été chroniqueur au Bondy blog.

La nuit a été courte et l’atmosphère dans le studio d’enregistrement est presque aussi électrique que dans la rue. Quelques minutes avant de prendre l’antenne, l’animateur ne sait toujours pas comment lancer sa matinale. Doit-il parler d’ «incidents», de «débordements», aller jusqu’à évoquer des «dégradations», «des violences» ou même des «émeutes»? Comment rendre compte de la réalité sans mettre de l’huile sur le feu. Tandis que les dernières dépêches tombent, les images chocs et les rumeurs les plus folles circulent déjà sur le web…

Au même moment, une réunion de crise se tient à l’Elysée en présence de François Hollande et du ministre de l’Intérieur. Le Premier ministre n’a pas été convié. Comme à son habitude, le président de la République semble étrangement indifférent au sort du pays. Peut-être pense-t-il déjà à 2017 et à la possibilité d’un 21 avril à l’envers face à Marine Le Pen? Les «incidents» de la nuit passée pourrait bien «faire le jeu du FN» et par ricochet son propre jeu.

Le souvenir du match France/Algérie, le 6 octobre 2001, était encore dans toutes les mémoires : la Marseillaise sifflée, la pelouse du Stade de France envahie, le Premier ministre de l’époque, Lionel Jospin, malmené.
Bernard Cazeneuve apparaît, lui, beaucoup plus inquiet. Cela fait des jours qu’il ne dort plus. Depuis son arrivée place Beauvau, le ministre de l’Intérieur a pu prendre la température d’un pays tellement fragile qu’un match de football, une grande manifestation, un scooter qui chute en banlieue peut l’enflammer. Il sait que l’Etat ne maitrise plus rien. Il vaudrait montrer qu’il peut maintenir l’ordre, mais le syndrome Malik Oussekine est dans toutes les têtes…

La pression a commencé à monter quelques jours plus tôt dès la qualification surprise de l’Algérie face à l’Allemagne. Comme en 1982, les Fennecs ont battu laManschaft deux buts à un. Quelques heures avant, les Bleus triomphaient du Nigéria un but à zéro. Le souvenir du match France/Algérie, le 6 octobre 2001, était encore dans toutes les mémoires: la Marseillaise sifflée, la pelouse du Stade de France envahie, le Premier ministre de l’époque, Lionel Jospin, malmené.

Une partie de la gauche dénonçait les discriminations dont seraient victimes les jeunes issus de l’immigration alimentant ainsi un peu plus leur paranoïa victimaire et leur haine de la « France colonialiste» ..

Les réponses apportées par les politiques avaient alors été incantatoires et manichéennes. Une partie de la gauche dénonçait les discriminations dont seraient victimes les jeunes issus de l’immigration alimentant ainsi un peu plus leur paranoïa victimaire et leur haine de la «France colonialiste», tandis qu’une partie de la droite affectait des postures d’ordre et d’autorité tout en continuant à promouvoir une politique d’ouverture du marché destructrice des repères et des valeurs.

Treize ans plus tard, malgré la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle de 2002, rien n’a changé. Les discours et les politiques restent les mêmes. Les frontières ont continué à s’ouvrir à une immigration de masse que l’on ne s’est pas donné la peine d’intégrer, la refondation de l’école est un vœu pieu et les plus humbles souffrent toujours des agressions et cambriolages à répétition.

La phrase de Marc Bloch, « c’est un pauvre cœur que celui auquel il est interdit de renfermer plus d’une tendresse », prenait tout son sens.
Le pays est plus que jamais divisé par les ressentiments: ressentiment du peuple contre les élites, ressentiment des jeunes de banlieue qui ont la nationalité française mais se définissent comme «musulmans» et se cherchent une identité de substitution dans l’islam ou dans leur pays d’origine, ressentiment des «petits blancs» humiliés de devoir baisser les yeux devant les brutes et fatigués de voir leurs problèmes ignorés par leurs dirigeants .

Dans ce contexte de guerre des respects et de concurrence victimaires, l’affrontement était inéluctable. Les premiers heurts ont commencé avant même le coup de sifflet final, juste après le deuxième but de la France, celui de Benzema. Si les plus raisonnables sont restés chez eux pour fêter la victoire ou pleurer la défaite, les autres se sont disputés la rue pour prouver leur existence et marquer leur territoire.

Les supporters algériens ont brandi leur drapeau en criant, «On est là!» tandis que les Français répliquaient, «on est chez nous!». La phrase de Marc Bloch, «c’est un pauvre cœur que celui auquel il est interdit de renfermer plus d’une tendresse», prenait tout son sens. «La France est qualifiée pour les demi-finales de la Coupe du Monde» a dit l’animateur d’un ton faussement enjoué. C’est tout le pays qui se réveille avec la gueule de bois: la victoire a un goût amer.

Par Alexandre Devecchio. Mis à jour le 30/06/2014 à 11:31 Publié le 30/06/2014 à 11:24

lefigaro.fr/vox/religion Article original

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