Deux Juifs, passionnés de hautes technologies, ont apporté leur concours à la campagne de l’outsider controversé Alexei Navalny, avec des méthodes qui sortent des sentiers battus, contre le candidat soutenu par la Présidence, lors du vote de dimanche 08/09 à la Mairie de Moscou.

MOSCOU (JTA) – Depuis le haut du toit de la terrasse d’un bloc d’appartements datant de l’ère soviétique, un jeune homme sangle son matériel d’escalade et descend la façade en rappel, alors qu’un petit rassemblement de travailleurs de la ville et d’officiers de police l’observe depuis le bas de l’immeuble.

Sur le chemin de sa descente, l’escaladeur s’arrête sur un balcon et arrache une des milliers d’affiches placardées à travers tout Moscou, qui portent le nom d’Alexei Navalny, un nationaliste, lancé dans une croisade anti-corruption, qui est aussi le principal challenger, lors des élections municipales de ce 8 septembre à Moscou.

Ces affiches, que les autorités enlèvent des résidences privées, au motif qu’elles enfreignent les droits publicitaires, font partie de la stratégie de campagne mise au point pour Navalny, par Léonid Volkov et Maksim Kats, deux Juifs, passionnés de nouvelles technologies, qui apportent des idées hors des sentiers battus à la stratégie de Navalny, conçue pour compenser son désavantage face à son concurrent, Sergeï Sobaynin, qui est appuyé par le Président russe, Vladimir Poutine.

« Les autorités ont intimidé les agences de pub pour qu’elles refusent de travailler avec nous, aussi nous faisons appel à des sous-traitants extérieurs (« crowdsourcing »), déclare Volkov, 32 ans, un spécialiste du capital-risque, devenu homme politique de l’opposition. « Maintenant, ils s’activent pour saboter ça aussi ! ».


Alexei Navalny s’adresse à des partisans dans le centre-ville de Moscou. (photo credit: AP Photo/Ivan Sekretarev)

La candidature de Navalny divise les Juifs de Russie, qui sont déchirés, entre le candidat d’un appareil qui s’est montré, généralement bienveillant envers les Juifs et un dirigeant de l’opposition qui s’est associé à des nationalistes, dont certains créent des troubles tout en promettant, néanmoins, de restaurer la démocratie et une bonne gouvernance.


Des escaladeurs de la ville, embauchés pour retirer les affiches d’Alexei Navalny à Moscou, en août 2013. (photo credit: YouTube/JTA)

Energumène que ses détracteurs accusent de populisme, Navalny a dû présenter ses excuses pour avoir traité les Géorgiens de « rongeurs », en 2008. Mais il a soigné son image de marque, lors de marches nationalistes et par ses appels à expulser les immigrés illégaux.

La semaine dernière, plusieurs medias juifs ont diffusé des reportages affirmant que Navalny aurait porté un toast à la Shoah, lors d’une réception à Moscou, l’an dernier – une affaire qui se serait déroulée devant une entreprise israélienne en relations publiques. Navalny a catégoriquement démenti ce récit, tout comme l’ont fait avec lui, plusieurs personnalités juives assistant à cet évènement.

Navalny a, également, des problèmes judiciaires. En juillet, il a été mis en examen pour détournement de fonds, une accusation qui peut l’envoyer en prison durant cinq ans, s’il perd en appel. Navalny est sous le coup d’une enquête, autant qu’en relation avec deux autres investigations pour corruption, qu’il affirme avoir été fabriquées de toute pièce. Beaucoup de ses partisans sont détenus par la police.

“Ce que j’entends dire de Navalny ne laisse présager rien de bon”, a déclaré Boruch Gorin, un grand rabbin Chabad, rédacteur en chef de L’Chaïm, un mensuel juif russe. « Quand je regarde du côté du parti de Poutine, je peux dire qu’ils sont bons, non seulement envers les Juifs, mais pour la Russie multiculturelle. Et je suis certain que beaucoup de Juifs moscovites et de non-Juifs s’en souviendront, lorsqu’ils iront voter ».


Le concurrent Sergei Sobyanin, qui a démontré être un candidat invisible, qu’on a rarement vu sur la scène des débats ni serrer la main des électeurs, sera confronté à Alexei Navalny. (photo credit: AP Photo/Alexander Zemlianichenko)

Des sondages menés à la fin août, à Moscou, ont donné la victoire potentielle à Sobaynin, avec un score entre 50 à 62% des scrutins, suivi par Navalny, avec entre 16 à 26%, guère plus. Ce différentiel, conjugué aux efforts, que Volkov attribue aux autorités russes, de restreindre les possibilités de mener campagne pour que son message reste inaudible, a conduit à des stratégies innovantes.

Volkov et Kats ont aidé Navalny à construire une présence massive sur les sites internet et réseaux sociaux, y compris par la fondation d’un réseau social spécialement consacré à ses partisans. Le candidat a, également, organisé des assemblées avec les résidents de la ville, « qui sont généralement la norme partout dans le monde, mais qui étrangement, ne se produisent presque jamais ici », s’étonne Kats.

Cette campagne a aussi lancé une plateforme en ligne, appelée Mosvpiska, qui permet à des volontaires de l’extérieur de Moscou d’être logés gratuitement au domicile de Moscovites soutenant Navalny. Volkov affime que 40.000 personnes ont enregistré leur résidence en tant que « Maison pour Navalny », sur Mosvpiska et qu’une moitié des maisons sont occupées par des volontaires venus de l’extérieur de Moscou.

“La campagne obtient les souscriptions de toujours plus de volontaires, ces volontaires bénéficient d’un endroit où résider gratuitement et l’opposition continue de s’accroître », déclare Volkov. « De plus, ça n’engage aucune tracasserie administrative supplémentaire, parce que les volontaires communiquent directement entre eux par internet ».

Pour Navalny, dont le slogan est : “Changer la Russie commence à Moscou ! », cette campagne municipale représente bien plus que de concourir seulement pour un poste dans la capitale de la nation. Beaucoup de membres de l’opposition perçoivent, simplement, la récente interdiction de toute « propagande gay » comme le dernier avatar de la corruption en démocratie, devenue endémique à l’ère Poutine. Navalny espère que, s’il est élu, il pourra entraîner de nouveaux venus danss les sphères du pouvoir et modifier le paradigme politique du pays.


Maksim Kats, sur une photo, à Moscou, en 2012, affirme que la Campagne du candidat aux municipalses, Alexei Navalny est sur le point de provoquer d’énormes changements dans la vie politique en Russie (photo credit: Maksim Kats/JTA)

“La Campagne de Navalny ne porte pas sur une meilleure gestion de la ville, ce n’est pas le problème”, affirme Kats, 28 ans, enseignant d’hébreu devenu joueur de poker professionnel, et qui en a surpris plus d’un, lors de sa tentative réussie, l’an dernier, de se faire élire au conseil municipal d’un secteur administratif. « Le problème est de provoquer de gros changements dans la vie politique du pays ».

Maigre et sans prétention, les cheveux hirsutes et doté de compétences organisationnelles hors-pair, Kats a vécu en Israël durant neuf ans avant de retourner à Moscou à 17 ans. La journaliste Elena Kalashnikova a récemment écrit de Kats qu’il est un « étranger singulier » (un « ovni ») dans l’opposition russe, avec son style réaliste, plus concentré à sécuriser les trottoirs de ses électeurs qu’à renverser Poutine.

Pour sa part, Kats pense qu’avoir vécu en Israël lui donne un avantage, en cela qu’il perçoit différemment les choses que bien des Russes.

“Ici, les gens ne croient pas qu’ils puissent réussir, ils ne croient vraiment pas en eux-mêmes, alors qu’en Israël, les gens sont encouragés à poursuivre ce qu’ils veulent obtenir », explique Kats, créateur d’une agence qui représente les joueurs de poker.

Kats pense que Navalny a “ une très bonne chance” de parvenir au second tour de l’élection, une perspective qui ne se concrétisera que si Sobyanin échoue à remporter 50% du scrutin, ce 8 septembre. Quelques jours plus tard, Sobyanin a obtenu 51% des suffrages, mais Navalny a exigé un nouveau comptage des votes, qu’il affirme avoir été truqué. Les procédures se poursuivent, actuellement »>Article original.

En se présentant auprès des Juifs de Moscou, Sobyanin peut indiquer l’ouverture du Musée Juif et Centre de la Tolérance, une institution de 50 millions de $, financée par l’état russe. Les célébrations de Hanukkah se déroulent, désormais, au Kremlin, et, sous la gouverne de Poutine, plus d’une dizaine de villes russes ont offert des terrains et des permis de construire aux communautés juives.

Pourtant, certains Juifs Russes pensent que ce n’est pas cela qui importe.

“Le 8 septembre ne consiste pas à élire le Président de la Communauté juive de Russie”, explique Michaël Edelstein, un maître de conférences à l’Université d’Etat de Moscou et rédacteur pour « L’Chaïm ». « Poutine est bienveillant envers les Juifs, mais il est mauvais pour la Russie. Durant plus de 20 ans, nous n’avons pas eu prisonniers politiques. A présent, nous en avons ».

Par CNAAN LIPHSHIZ 8 septembre 2013, 11:12 am

timesofisrael.com Article original

Adaptation : Marc Brzustowski.

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