Luxe, argent, et corruption. Holyland n’échappe pas aux superlatifs : ramifications tentaculaires, arrestations en cascade… Bref, le plus important scandale de corruption de l’histoire israélienne. Et pourtant, le scandale immobilier dans le quartier de Malha à Jérusalem est loin d’être un cas unique. Depuis 2007, la police a ouvert 160 enquêtes concernant des malversations menées à l’échelon local. Bien enterrées, les affaires remontent à la surface suite à une dénonciation, au dépôt d’une plainte, ou dans le cas d’Holyland, la coopération d’un suspect secondaire en échange d’une remise de peine. Pourquoi la corruption gangrène les administrations locales ? Quel est le maillon faible ? L’unité antifraude a une structure dans son collimateur : les comités locaux de planification et de construction. Pourquoi sont-ils si vulnérables ? Parce qu’ils ont le pouvoir de faire la pluie et le beau temps des promoteurs. Un « non » et le projet immobilier retourne au placard, un « oui » et les permis de construire sont assurés.

Le complexe Holyland, “la partie visible de l’iceberg”.
PHOTO: ARIEL JEROZOLIMSKI , JPOST

La tentation est donc grande pour les promoteurs de mettre toutes les chances de leur côté en « arrosant » généreusement certains membres des comités. En embuscade, les réseaux mafieux ne sont jamais bien loin. L’affaire Holyland est susceptible de faire trembler Jérusalem. Si le réseau de pots-de-vin à grande échelle est prouvé, aucun département de la municipalité n’en sortira indemne.

Petits et gros bonnets, l’ensemble de la hiérarchie locale a été compromise. Surtout que l’affaire Holyland fait boule-de-neige. Le scandale éclabousse également l’ancien responsable de l’Administration des domaines, Yaacov Efrati, et l’ancien président de la banque Hapoalim, Dan Dankner. Le financier est soupçonné d’avoir versé d’importants pots-de-vin à Efrati dans l’objectif de déclasser des terrains à vocation agricole pour les transformer en salines à l’entrée d’Eilat et d’Atlit. Ce sont les documents perquisitionnés au domicile du promoteur Meïr Rabin, suspect dans l’affaire Holyland, qui ont conduit les enquêteurs sur leur piste.

Pourquoi les affaires de corruption se succèdent-elles ? C’est finalement le jeu de l’offre et de la demande. Avec d’un côté, des personnalités politiques prêtes à se faire acheter et de l’autre, des hommes d’affaires ambitieux prêts à tout pour obtenir un feu vert pour leurs projets immobiliers. On comprend donc rapidement que l’affaire Holyland n’est qu’un morceau d’un immense puzzle et que des centaines de pièces (enquêtes, arrestations) sont encore rangées dans les placards.

Ramat Gan, Lod, Bat Yam, Tel-Aviv, Rehovot… infectées par la corruption

Ces dernières années, des dizaines de municipalités et de conseils régionaux ont été les cibles d’enquêtes de l’unité antifraude. Dernière ville à avoir été épinglée : Ramat Gan. Le 22 avril, les enquêteurs ont recommandé l’inculpation de Tzvi Bar, l’actuel maire de la localité située en banlieue de Tel-Aviv. L’ancien policier, qui en est à son 5e mandat, est en réalité dans le collimateur de la justice depuis deux ans et demi. Les accusations pesant sur lui sont lourdes : corruption, blanchiment d’argent, fraudes aggravées… Il aurait ouvert grand ses poches aux promoteurs immobiliers désireux d’investir dans la ville. Peu de temps avant, c’était la marie de Lod qui avait fait parler d’elle : le développeur immobilier, David Appel, a été condamné pour avoir versé des pots-de-vin à l’ancien maire Benny Réguev.

Lui non plus n’a pas réchappé à la justice. Rien qu’en 2009, la police a mis en cause l’édile de Bat Yam, Shlomo Lahiani, et le président du conseil régional de Gilboa, Danny Atar, dans des affaires de fraudes. De son côté, l’ancien maire-adjoint de Tel-Aviv, Natan Wallach, a été reconnu coupable de trois chefs d’accusation. Il aurait ainsi « rendu service » à l’homme d’affaires Reouven Gross en obtenant illégalement un visa pour une jeune Moldave.

A Rehovot, l’ancien maire Shouki Forer a été inculpé pour avoir accepté une enveloppe de 80 000 shekels d’un promoteur immobilier, histoire d’éponger les dettes de sa campagne électorale. Plus au Sud, à Sdérot, l’ancien maire Eli Moyal aurait trempé dans la corruption pour s’assurer des voix. Enfin, l’édile de Kiryat Yam, Shmouel Sisan, a été interrogé en janvier dernier par l’unité antifraude. Il aurait, avec d’autres complices, favorisé sous le manteau une entreprise pour l’appel d’offres d’un terrain en bord de mer.

La corruption semble avoir infecté tous les rouages de l’administration locale. Le ministre de la Sécurité publique, Itzhak Aharonovitch, n’a pas eu d’autre choix que d’admettre l’évidence : le scandale Holyland « n’est que la partie visible de l’iceberg ». Mais il l’assure : le pays est maintenant prêt à épurer ses réseaux. Binyamin Netanyahou a ainsi demandé à son ministre de la Justice, Yaakov Neeman, de revoir la copie de son projet de réforme sur la loi de planification et de construction vieille de 45 ans.

La tolérance zéro remplace la clémence

Néanmoins, il reste un problème de taille : le budget de la police est réduit à peau de chagrin, rendant difficile la lutte contre la corruption. Plusieurs départements se sont lancés dans cette croisade de longue haleine. L’unité Lahav 433 et l’Unité de lutte contre le crime international travaillent d’arrache-pied sur des affaires similaires. Et l’Autorité des taxes a mobilisé ses meilleurs experts-comptables pour remonter les réseaux de l’argent sale. La tâche est immense mais la police bénéficie aujourd’hui d’un climat plus propice à la lutte tous azimuts contre les pots-de-vin. Selon l’ancien directeur de la police judiciaire, Moshé Mizrahi, la justice a longtemps classé sans suite les dossiers de corruption, alors que dorénavant la plupart débouchent sur des inculpations.

L’année 2008 a fait l’effet d’un coup de tonnerre : un Premier ministre en exercice (Ehoud Olmert) a été forcé de démissionner après avoir été impliqué dans trois affaires de pots-de-vin et de blanchiment. La corruption endémique à l’échelon local peut toujours faire trembler les plus hautes sphères de l’Etat.

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