Par Maître Ramas-Muhlbach.

Lors du sommet de l’Otan qui s’est tenu 5 septembre 2014, une dizaine de pays occidentaux (dont les Etats-Unis, la Grande Bretagne et la France) ont décidé de la mise en place d’une coalition visant au renversement de l’Etat islamique, auteur d’exactions insupportables contre les populations en Syrie et en Iraq.

Aucune décision similaire n’a été prise contre le Hamas, alors que ses méthodes expéditives pour se débarrasser des opposants politiques et celles entreprises pour anéantir l’Etat juif ne sont pas très éloignées. La raison en est simple : le Hamas est considéré (à tort) comme un mouvement qui lutte pour l’indépendance nationale, c’est-à-dire qui combat dans le cadre d’une démarche légitime, même si son procédé ne l’est pas. Il ne mérite donc pas une intervention internationale, d’autant qu’Israël est, à priori, en mesure de se défendre, et que l’issue du conflit devrait voir émerger une position équilibrée entre les deux protagonistes. Pour autant, si le recours aux méthodes barbares se fonde, dans les deux cas, sur des textes de l’Islam, la démarche de l’EI et celle Hamas s’inscrivent dans des finalités différentes, voire radicalement opposées.

Les barbares de l’Etat islamique, jihadistes salafistes, se livrent à des atrocités, des massacres de populations, des exécutions sommaires, des attentats suicides, non pas contre les juifs mais contre les gouvernements musulmans et contre des civils musulmans ou chrétiens. Leur objectif consiste dans une épuration du monde islamique par le déplacement forcé ou l’élimination de tout ce qui ne partage pas leur conception de la vérité qu’ils se font de l’Islam.

En fait, les divergences de vues entre l’EI et le Hamas tiennent exclusivement aux priorités prédéfinies : pour le Hamas, l’objectif est de libérer la Palestine mandataire de toute présence juive pour des raisons qui tiennent à l’Islam, alors que pour l’EI, les priorités sont religieuses avec l’établissement d’un califat islamique, la question de l’existence de l’État sioniste étant secondaire. Aussi, les membres de l’EI ne sont pas immédiatement intéressés par la destruction d’Israël, contrairement à leurs coreligionnaires du Hamas.
Pour les salafistes, il faut combattre et se débarrasser des personnes qu’ils considèrent comme « non musulmans » à la tête de pays islamiques et des apostats du monde islamique. En fait, et même si cela semble difficile à comprendre pour les occidentaux, les musulmans qui ne respectent pas la doctrine salafistes sont réputés être des « non musulmans ». Ce qui est donc privilégié par les salafistes, c’est la purification de la société islamique, avant même le combat contre les sociétés non islamiques.

Les barbares de l’Etat islamique justifient leur mode opératoire par l’exemple donné par le premier califat d’Abu Bakr qui a d’abord lutté contre les apostats dans les pays islamiques avant de mener les conquêtes islamiques, entreprises sous le second califat avec Umar bin al Kattab. Les salafistes se réfèrent également à Saladin qui a combattu et massacré les chiites avant de s’attaquer aux croisés installés en Terre Sainte.

L’Etat islamique suit donc les traces du modèle lancé par Al-Qaida dans son processus et considère le Hamas comme un mouvement hérétique. En effet, les membres du Hamas, bien que d’obédience sunnite, (tout comme les meneurs de l’Etat islamiques), ne manquent pas de pactiser avec le Hezbollah libanais ou l’Iran, d’obédience chiite.

(Pour mémoire, les sunnites défendent la thèse selon laquelle le commandeur des croyants doit être une personne issue de la communauté musulmane (sunna), alors que pour les chiites, il doit obligatoirement être un membre de la famille de Mahomet).

Cette guerre de religions entre sunnites et chiites, véritable aubaine pour Israël, empêche donc toute alliance entre l’Etat islamique et le Hamas. Le cheikh salafiste égyptien Talaat Zahran a indiqué, le 22 juillet 2014, qu’il ne fallait pas aider les habitants de Gaza puisqu’ils ne suivaient pas une direction légitime. D’autres salafistes considèrent que le Hamas est apostat et qu’il ne fait pas le jihad. D’autres affirment même que Khaled Meshaal, responsable du mouvement établi au Qatar, combat pour une indépendance politique alors que l’Etat islamique combat pour que l’ensemble des religions embrasse le message d’Allah (il s’agit pourtant du même message contenu dans la Charte du Hamas).

Pour l’Etat islamique, les membres du Hamas sont de faux musulmans, des dissimulateurs, et des apostats qualifiés « d’ennemi proche ». Pour les sanctionner, les barbares de l’EI ont brûlé le drapeau palestinien, symbole de la régression du mode islamique. Pour eux, le monde islamique doit être uni et constituer un Etat unique, un califat islamique comme celui auquel les barbares ont donné naissance en juin 2014…

En fait, pour les salafistes, le jihad ne peut être mené que par une direction légitime appelé « la bannière et du commandement », c’est-à-dire un commandement qui remplisse les critères de la direction religieuse et politique. Or, comme le Hamas n’a ni chef légitime, ni déclaration validée par les salafistes pour mener jihad en Palestine, il est interdit de se joindre aux combats.

Résultat bénéfique pour Israël : l’Etat islamique se désintéresse parfaitement du combat mené par le Hamas pour anéantir Israël. D’ailleurs, dans les territoires conquis, il ne mobilise pas les populations contre Israël, mais se focalise sur la « rééducation islamique » des musulmans et des chrétiens qui se sont détournés du message religieux salafiste.

Aussi, comme les salafistes considèrent le gouvernement Hamas comme illégitime, ils souhaiteraient le changer, avant toute confrontation avec Israël. Autrement dit, si L’Etat islamique s’engageait dans la bande de Gaza, il combattrait d’abord le Hamas dans le cadre d’un « nettoyage » indispensable du territoire, avant même de s’attaquer à Israël (A ce jour, des groupes salafistes, sont en conflit avec le Hamas dans la bande de gaza, mais n’ont pas réussi à prendre le contrôle de la bande côtière).

La guerre de religion que se livrent les deux courants de l’Islam sunnite et chiite, aussi barbares l’un que l’autre, n’est pas sans rappeler les guerres fratricides que menaient, l’un contre l’autre, catholiques et protestants au cours du 16ème siècle. La cruauté des membres de l’EI et du Hamas est identique, leur inhumanité aussi détestable, leur mépris de l’individu et de l’identité individuelle aussi dramatique.

Les évènements n’en sont pas moins grandement instructifs. Les divisions en Islam suivent le même chemin que celles du monde chrétien. Il convient donc de s’en protéger jusqu’à ce que l’Islam prenne conscience, de façon généralisée, de l’absurdité des luttes intestines, qu’il unifie sa doctrine concernant les fondements de la foi, qu’il inculque à ses membres la libertés de pensée et de religion et adopte les règles de tolérance. L’Islam ne permet pas les interprétations du texte religieux, ce qui est source d’incertitudes dans la portée des principes religieux. Patience.

Par Maître Ramas-Muhlbach.

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