Bentsion Nétanyahou, qui vient de décéder à l’âge de 102 ans, n’était pas seulement le père du Premier ministre Binyamin Nétanyaou: c’était aussi un historien renommé et un combattant sioniste, proche du fondateur du parti sioniste révisionniste, Vladimir Zeev Jabotinsky.

Nous mettons en ligne le portrait dressé de lui il y a 4 ans par notre confrère et ami Pierre Itzhak Lurçat dans ISRAEL MAGAZINE.Bentsion Nétanyahou, père de l’actuel Premier ministre d’Israël, qui fêtera l’an prochain ses 100 ans, est toujours valide et alerte. Historien réputé, il a l’esprit vif et des opinions tranchées.

Quelle influence a-t-il exercé sur son fils Benjamin ?

Que pense-t-il des hommes politiques israéliens actuels, lui qui a bien connu Ben Gourion et Jabotinsky ?

Portrait d’un intellectuel engagé.

Bentsion Nétanyahou n’est pas à proprement parler un homme politique, même s’il a connu de près plusieurs figures de proue du mouvement sioniste – au premier rang desquelles il faut citer Zeev Jabotinsky – et s’il a pris une part importante aux activités du mouvement sioniste jabotinskien, en Israël et surtout aux États-Unis, où il a passé une grande partie de sa vie.

Bentsion Nétanyahou est surtout un historien de renommée internationale, spécialiste du judaïsme espagnol au Moyen-Age.

Son parcours intellectuel, intéressant à plusieurs titres, permet aussi de comprendre dans quel environnement a grandi l’actuel Premier ministre d’Israël.

Bentsion est né à Varsovie, en Pologne, en 1909.

Son père, Nathan Mileikovski, était un écrivain et militant sioniste.

En 1921, la famille émigre en Eretz-Israël, où Bentsion fréquente les cercles sionistes révisionnistes et se lie notamment avec Abba Ahimeir (dirigeant du mouvement nationaliste « Brith ha-Byrionim« ). Bentsion étudie à l’université hébraïque de Jérusalem, où son professeur est le fameux Joseph Klausner. Par la suite, il se rend à New-York, où il devient le secrétaire particulier du dirigeant sioniste Zeev Jabotinsky.

Après le décès de Jabotinsky, en 1940, Nétanyahou poursuit ses activités sionistes aux États-Unis.

Il se marie en 1944 avec Tsilla, qui lui donnera trois fils : Yonatan (le légendaire « Yoni », tombé à Entebbé en 1976), Benjamin et Ido. Bentsion reprend également ses études d’histoire, consacrant son doctorat au philosophe juif Isaac Abravanel.

En 1949, il rentre en Israël, mais l’université hébraïque refuse de lui donner un poste, en raison de ses opinions politiques.

Cela n’empêchera pas Bentsion Nétanyahou d’accomplir une brillante carrière universitaire aux États-Unis, où il devient professeur à l’université Cornell.

Ses livres, consacrés principalement à l’histoire des Juifs d’Espagne, ont tous été publiés en anglais (Don Isaac Abravanel, homme d’État et philosophe ; Les origines de l’Inquisition dans l’Espagne du quinzième siècle ; Les Marranes en Espagne).

Plus récemment, il a publié un livre en hébreu sur les « Cinq pères fondateurs du sionisme ».

Âgé de 99 ans, Nétanyahou vit aujourd’hui à Jérusalem, dans la maison arabe de Katamon où il s’est installé avec sa femme – aujourd’hui disparue – après le décès de leur fils Yonatan en 1976.

Jouissant d’une incroyable longévité et n’ayant rien perdu de ses facultés mentales, il consacre la plus grande partie de son temps à l’écriture, et rédige actuellement ses Mémoires, dans lesquelles il retrace un siècle d’histoire et évoque les personnalités qu’il a côtoyées, parmi lesquelles Jabotinsky, David Ben Gourion ou Menahem Begin.

Fuyant les médias, Nétanyahou n’accorde presque aucune interview.

Il a pourtant fait exception à la règle, en donnant récemment un long entretien au supplément hebdomadaire de Ma’ariv.

Le journaliste s’est délecté d’entendre Bentsion Nétanyahou décocher des flèches acérées contre les deux rivaux du candidat du Likoud aux dernières élections législatives : Ehoud Barak, que Nétanyahou-père considère comme pouvant faire un bon ministre de la Défense, mais certainement pas un Premier ministre ; et surtout Tsippi Livni, dont il estime qu’elle « ne fait preuve d’aucune compréhension de la situation politique actuelle » et qu’elle prononce des «paroles insipides et inconsistantes, totalement opposées aux objectifs nationaux du peuple Juif» .

Mais la question qui importe plus est de savoir quel regard porte Bentsion Nétanyahou sur son fils et quelle influence il a pu avoir sur le nouveau Premier ministre d’Israël, sur sa carrière et sur ses conceptions politiques.

Selon le journal Ma’ariv, Benjamin Nétanyahou assumerait la lourde charge des attentes de son père et de l’idéologie « extrémiste » sic »>Article original de ce dernier…

On retrouve le même genre de clichés dans d’autres médias, qui ont vite fait de rejeter sur le père Nétanyahou la responsabilité des opinions « ultranationalistes » du fils…

En réalité, à cet égard, Nétanyahou-fils est beaucoup moins ferme dans ses convictions sionistes que son père. En cela, il est semblable aux autres membres de la génération des « fils de… » du Likoud.

Si l’on veut déchiffrer la personnalité du père de l’actuel Premier ministre et tenter – dans la mesure du possible – de comprendre ce que ce dernier lui doit, il faut s’intéresser à l’œuvre historique de Bentsion Nétanyahou.

Ce dernier est en effet avant tout un intellectuel et un universitaire, dont le centre d’intérêt principal depuis plusieurs décennies est l’histoire du judaïsme espagnol au Moyen-Âge, sujet très éloigné en apparence de la vie politique et des préoccupations actuelles des dirigeants israéliens.

Le livre auquel Nétanyahou-père a consacré la plus grande partie de sa carrière est sa biographie de Don Isaac Abravanel, célèbre philosophe et homme d’État juif, qui présida au destin de sa communauté à la veille de l’expulsion des Juifs d’Espagne.

La première édition de ce livre est parue en 1953, et il a été réédité plusieurs fois. Il n’a été traduit en hébreu que tout récemment.

Dans un entretien publié à l’occasion de la parution de ce livre en Israël, Bentsion Nétanyahou racontait avoir été presque persuadé par les arguments messianiques développés par Abravanel en lisant ses écrits, tellement ce dernier était un écrivain talentueux.

Mais ce qui l’a le plus intéressé chez Abravanel est la manière dont il a su prendre des décisions courageuses, en une période de crise et de danger suprême pour le judaïsme espagnol dont il avait la responsabilité…

On raconte ainsi qu’Isaac Abravanel usa de toute son influence pour tenter d’annuler le décret d’expulsion pris par le roi Ferdinand II d’Aragon et la reine Isabelle, leur offrant des sommes considérables.

Ceux-ci voulurent même le persuader de rester malgré l’expulsion, mais Abravanel préféra suivre sa communauté en exil.

Bentsion Nétanyahou compare l’attitude courageuse d’Abravanel à celle des Juifs américains, avant la Shoah et aujourd’hui, auxquels il reproche leur
« manque de conscience historique et de compréhension politique ».

A ses yeux, on le voit, l’historien ne doit pas se retrancher dans sa tour d’ivoire, mais tirer les leçons du passé.

Celles-ci sont évidentes, en 1940 comme aujourd’hui. Lors d’une récente interview à la télévision israélienne, Nétanyahou expliquait ainsi que la Shoah ne s’était pas arrêtée en 1945, mais qu’elle se poursuivait en fait jusqu’à maintenant, à travers la volonté génocidaire des ennemis d’Israël.

On a retrouvé un écho de cette conviction dans le discours prononcé par Benjamin Nétanyahou lors des cérémonies officielles du Yom ha-Shoah à Jérusalem, quand il a déclaré que son « devoir suprême » était d’empêcher une nouvelle Shoah.

On comprend bien qu’il ne s’agit pas de simples mots, mais d’une conviction profonde que Nétanyahou a héritée de son père.

Pierre Itzhak Lurçat

Article paru dans Israël Magazine juin 2009.

Israel7.com Article original

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