Pourquoi la Russie devrait tenir compte des intérêts d’Israël

Analyse : Alors que Poutine, Rouhani et Erdogan se sont rencontrés à Sochi pour se partager la Syrie en sphères d’influence, Israël demeure l’élément de guidance, capable de gâcher la fête. Le jour où l’aéroport dirigé par l’Iran en Syrie sera détruit, tous les accords se consumeront dans les flammes déclenchées à la frontière israélo-syriennes.

En se rendant en visite à Sochi, mardi 21 novembre, le Président syrien Bachar al Assad s’est comporté comme un enfant renvoyé dans sa chambre pour un moment afin de remercier ses oncles des cadeaux qu’ils a reçus, alors qu’il reste seul et perdu , seulement entouré par l’échelon sécuritaire russe.

Cette seule image – distribuée par le Kremlin, au fait – reflète la situation de la Syrie et le mode d’accord que les Russes sont en train de concocter pour le pays, et qui prévaudra pour Israël également.

Le séjour d’Assad en Russie, lundi 20, est resté secret. Il est probablement arrivé à bord d’un avion militaire russe, sans délégation syrienne et même sans emmener son propre interprète. Tout d’abord,  il a rencontré le Président Vladimir Poutine pendant trois heures. Ensuite, il s’est fait prendre dans un événement qui n’avait plus rien à voir avec le sens de sa visite.

Assad and Putin, surrounded by top Russian security officials

Assad et Poutine, entourés par les plus hauts responsables sécuritaires de Russie

 

L’agenda de Poutine comprend une rencontre périodique avec l’échelon sécuritaire, pour mener des discussions sur les plans d’achat de l’armée russe. Le Ministre de la défense était là, aux côtés du chef d’Etat-Major, des chefs de file de l’industrie de la défense et de la sécurité et les autres dirigeants des diverses armes dans l’armée. D’ordinaire, les dirigeants étrangers ne sont pas admis à ces réunions, qui sont présidées par Poutine. Le Président russe a tout simplement entraîné Assad dans cette salle pour qu’il y récite les paroles de gratitude requises de sa part.

 » J’aimerais vous introduire auprès des gens qui sont responsables de la victoire en Syrie », a expliqué Poutine à Assad et devant les caméras, pointées sur les personnalités assistant à cette rencontre au sommet. « Comme vous le savez, à part avec la Turquie et l’Iran, nous travaillons aussi intensément avec d’autres pays : avec l’Egypte, les Etats-Unis et la Jordanie ». Quel pays a donc été exclu de la liste des pays avec lesquels la Russie travaille intensément? Israël.

Mais l’évolution diplomatique la plus importante concernant la question de la Syrie s’est déroulée à Sochi, mercredi, lors du sommet organisé par Poutine, avec le Président Hassan Rouhani et le Président turc Recep Tayyip Erdogan, au cours duquel la Syrie a été partagée en aires d’influence. C’est là que le butin sera réparti. Les Etats-Unis n’en font pas partie et la Syrie non plus. Assad n’a même pas été invité à cette réunion.

Alors qu’Assad perçoit l’invasion turque du nord de la Syrie comme un engagement hostile. Poutine lui a clairement fait comprendre que, dans le cadre de la division des sphères d’influence, qui fait partie de l’accord permanent en Syrie, la Turquie obtiendra la responsabilité et l’influence sur des zones de la partie nord du pays.

Les Russes conçoivent la Turquie comme leur cheval de Troie au sein de l’OTAN. Erdogan offre aussi à Poutine la capacité d’influencer les forces de l’opposition « modérée », comme l’Armée Syrienne Libre, qui a installé ses bases en Turquie. La Turquie, pour sa part, perçoit la Russie comme le seul allié capable de préserver ses intérêts contre les éléments hostiles comme les Kurdes et contre l’infiltration de réfugiés sur son territoire.

Putin and Rouhani, earlier this year. The most important diplomatic development concerning Syria will take place in Wednesday’s summit (Photo: Reuters)

Poutine et Rouhani, au début de l’année. Le développement diplomatique le plus important concernant la Syrie a eu lieu lors du sommet de mercredi, sans Assad ni l’Amérique (Photo: Reuters)

Les Iraniens vont recevoir de Damas une partie considérable des systèmes d’armement de l’armée syrienne, dont les régiments sont occupés par les hommes des milices pro-Iraniennes et du Hezbollah. Les Iraniens contrôlent l’essentiel de l’armée syrienne. Aussi, malgré les conflits d’intérêts, les Russes obtiendront la stabilité du régime Assad grâce aux Iraniens.

La Russie commencera a diluer ses forces en Syrie dès la fin de cette année et ne demeureront que des forces réduites dans l’ouest de la Syrie, le long de la côte, où les Russes ne disposeront que d’un déploiement aérien limité et un déploiement naval mouvant, ainsi que des systèmes de défense pour protéger ces forces. C’est aussi ce que diront les Russes lors des discussions en vue de l’accord permanent, à Genève. Les Américains, qui sont censés mener les débats, sont, au mieux, mis  au courant par les Russes et n’attendent que le moment où ils vont pouvoir s’extraire du bon vouloir des Russes.

Assad est une marionnette. Et qu’en est-il d’Israël? L’Etat hébreu devra, de lui-même, prend soin de ses propres intérêts. Dans le cadre de la tentative russe pour pondérer les déclarations du Ministre des Affaires étrangères Sergei Lavrov sur le droit de l’Iran à rester ad vitam aeternam en Syrie,  l’Ambassadeur russe en Israël a annoncé mardi que la Russie prenait en compte les intérêts d’Israël en Syrie. Les Russes feraient bien, en effet, car Israël est l’élément dominant capable de gâcher la fête en Syrie.

 Si Israël décide qu’il considère comme une « ligne rouge » la présence permanente de forces pro-Chiites dans les campements de l’armée syrienne et que l’Etat Juif les bombarde, les Russes devront expliquer à leurs alliés iraniens pourquoi ils sont incapables de contrôler les Israéliens. Dès le jour où l’aéroport dirigé par l’Iran en Syrie sera rasé jusqu’au sol, tous les accords seront jetés au feu qui aura été allumé à la frontière israélo-syrienne.
Adaptation : Marc Brzustowski

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christopher.dee

En se partageant la Syrie en sphères d’influences, la Russie tire peut-être son épingle du jeu et laissera l’Iran et ses alliés, Hezbollah et compagnie se débrouiller avec Israël. Poutine crée une forme de neutralité qui laissera le champs libre à Israël.
Je ne vois pas la Russie se laisser entraîner dans le délire iranien.
Sans compter qu’Erdogan risque de tomber dans un piège en devenant trop entreprenant contre les Kurdes.
Décidément j’ai l’impression que Poutine a quelques coups d’avance…

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Elie de Paris

On parle ici de projections et de leurs consequences diverses, sans prendre en compte le facteur ego démesuré des tyrans de ces pays qui entendent dépecer la Syrie… (Et l’Irak et le Yemen).
.
Tous ceux-là, y compris l’ ophtalmo-president (qui commence à se douter que ses jours sont comptés et qu’il les finira par un prochain attentat ou »accident ») sont du type kimjun Corée du nord, le type asiatique en moins, et donc aussi tout aussi imprévisibles, et leur apparente entente fondera dès le partage du cass, comme des auteurs de holdup, à la répartition du butin… Car dans leur delire, chacun veut tout, et rêve de se tailler un empire.
Au premier déclic que Dieu agitera dans leur dos, ils se massacreront sans vergogne…

yacotito

Désolé Danielle: hormis Israel, il n’y aura jamais un etat democratique au proche orient. C’est contraire au principe même de l’Islam. Sans compter que Poutine est tout sauf un democrate.
En fait Poutine joue avec le feu: suite à son action et ses crimes en Syrie, la Russie va connaitre un terrorisme sans précédent, d’autant qu’une part non négligeable de sa population est musulmane.
Un jour, j’espère la Turquie sera exclue de l’OTAN. Il est ubuesque de la voir jouer sur les deux tableaux.
En outre s’allier à Erdogan il faut vraiment etre inconscient.

Les russes se lancent dans la bataille et reflechissent après, cela va finir par couter cher à tout le monde.

Danielle

Parce que Poutine sait qu’il faut un état démocratique au Moyen Orient au cas ou ils deviennent tous fous en même temps.
Lui étant une grande puissance ne craint pas les pays arabes, quoi que il s’en méfie à sa façon !