Pourquoi la déclaration de Singapour ne peut pas être appliquée au Moyen-Orient
Edito : Trump n’a pas pris de risque lors de sa rencontre avec Kim. Sa poignée de main avec le tyran nord-coréen ne fera aucun mal. Cela ne peut que réduire la menace. D’un autre côté, un État palestinien indépendant augmente la menace, ce qui explique pourquoi il n’y a pas un seul dirigeant capable d’imiter l’accord dans notre région.

La règle que les artisans de paix dans notre région n’ont jamais comprise est que le risque est le premier facteur qui compte. Quand il y a un danger, vous ne signez pas d’accord. C’est la différence entre ce qui s’est passé la semaine dernière au sommet de Singapour et les fantasmes sur ce qui pourrait arriver ici.

La rumeur veut que l’administration américaine prépare un accord majeur entre Israël et les Palestiniens en ce moment même. C’est une rumeur, parce que personne n’a vu de papier.

Il y a deux semaines, je me suis assis avec trois républicains célèbres à Jérusalem. Nous nous sommes rencontrés à l’hôtel King David, l’institution la plus stable de Jérusalem depuis qu’elle a été bombardée à l’époque du mandat britannique. Ils ont parlé de la grosse affaire en cours et j’ai bu une grande tasse de café.

Trump et Kim. Quand il y a un danger, vous ne signez pas d'accords (Photo: Reuters)

Trump et Kim. Quand il y a un danger, vous ne signez pas d’accords (Photo: Reuters)

 

Nos idées étaient identiques : le président américain Donald Trump est imprévisible, l’accord spéculatif est imprévisible et personne n’a intérêt à mettre sur la table ce qui ne peut être mis en œuvre.

La déclaration de Singapour ne peut pas être appliquée à notre région. Trump n’a pas pris de risque avec la Corée du Nord. Il a produit l’inattendu avec sa manière de faire traditionnelle autant qu’étrange. La poignée de main avec le dictateur nord-coréen ne fera de mal à personne. Au mieux, cela aidera à prévenir une guerre ou à améliorer la situation des citoyens de la péninsule.

Ici, nous sommes confrontés à une situation opposée. L’idée de la paix est de réduire les risques plutôt que de les augmenter. Un retour aux frontières de 1967 réduit-il le risque? Comme la réponse est claire, il n’y a pas un seul dirigeant américain, israélien ou palestinien capable de générer un tel accord ici. Une personne sensée ne choisit pas d’augmenter les risques.

La paix se fait avec les ennemis, mais tant que ces ennemis ne peuvent pas faire plus de dégâts avec un accord entre leurs mains. La paix avec la Jordanie et l’Egypte en est un exemple. Pas seulement à cause de l’espace de négociation et de la marge de manœuvre créées, mais parce que cela a essentiellement réduit la menace. En revanche, un État palestinien indépendant augmente la menace.

Le monde a basculé mardi avec la poignée de main de Singapour. C’était un spectacle que seule la réalité elle-même pouvait écrire. Le symbole de la dictature aux côtés du leader du monde libre. Un gros jeune homme qui dévore des beignets au même rythme qu’il tue les membres de sa famille, aux côtés d’un adulte imprévisible, une ancienne star de réalité-spectacle. Ce que les deux ont en commun, c’est une coupe de cheveux bizarre et un intérêt certain pour le changement.

Les spéculateurs politiques habituels étaient incapables de digérer ce qui s’était passé. Les gens de gauche, qui proclament à longueur de jour et de nuit « la paix doit être faite avec des ennemis », ont fustigé Trump pour avoir osé secouer la main du tyran. Les Républicains, qui, jusqu’ici, ont juré de combattre l’axe du mal et ont critiqué l’accord nucléaire avec l’Iran, ont applaudi cette fantastique réalisation.

Ce qui s’est passé aux États-Unis s’est également produit ici. C’est le règne de l’absurde. Les dirigeants israéliens – d’Yitzhak Rabin à Benjamin Netanyahu et Ehud Barak – ont serré la main de l’archi-terroriste Yasser Arafat. Ils ont été applaudis par la gauche, dans le cadre d’un aveuglement général. Quand Trump a serré la main du tyran, ces mêmes personnes ont tressailli. C’est l’instinct qui parlait en eux.

 

Lorsque les dirigeants israéliens ont serré la main de l'archi-terroriste Arafat, ils ont été applaudis par la gauche. Quand Trump a serré la main du tyran, ces mêmes personnes ont tressailli (Photo: Reuters)

Lorsque les dirigeants israéliens ont serré la main de l’archi-terroriste Arafat, ils ont été applaudis par la gauche. Quand Trump a serré la main du tyran, ces mêmes personnes ont tressailli (Photo: Reuters)

 

L’ancien président américain Barack Obama a reçu un prix Nobel pour une paix potentielle immédiatement après son élection. Il aurait tout aussi bien pu gagner un prix Nobel de littérature pour un roman qu’il n’a jamais écrit. Le potentiel est un critère flexible. Trump, selon le manuel, n’avait aucun potentiel pour quoi que ce soit, pourtant la réunion actuelle a bousculé les choses. En passant, sa chance d’obtenir un prix Nobel est mince. Les Norvégiens auront du mal à digérer son coup d’éclat.

Comment la situation d’est-elle retournée? Comment se fait-il qu’on retrouve les partisans de la paix qui s’oppose à ce mouvement (entre Trump et Kim) et les conservateurs généralement opposants à la paix avec la Corée, qui maintenant y sont favorables? A cause de la rigidité des pensées et courants idéologiques.

Israël est plus proche que jamais des États-Unis. Autant l’administration américaine vis-à-vis de l’administration israélienne, que le leader américain vis-à-vis du leader israélien. Aux États-Unis, les théories du complot sont de plus en plus répandues parmi les démocrates, disant que l’ambassadeur israélien Ron Dermer serait en train d’écrire les discours du président américain au sujet du Moyen-Orient. Ces théories se répandent aussi dans la gauche israélienne. D’un autre côté, les extrémistes de droite ont adopté des théories plus étranges importées des États-Unis. La principale, c’est un conte des frères Grimm sur «l’état profond» – un monde souterrain de fonctionnaires du gouvernement qui contrôlent l’État depuis les coulisses et agitent leurs marionnettes présidentielles dénuées de pouvoir.

Ces théories sont folles et remarquablement commodes. Dans les deux cas, les dirigeants n’ont aucune responsabilité. Tout ce qui arrive s’inscrit dans une conspiration. Un vaste système de contrôle des officiers de l’armée, des politiciens, des juges. Quand le chef fait le contraire de ce qu’il a déclaré, c’est à cause de ceux qui le manœuvrent. Quand il réussit, c’est grâce à ses déclarations.

Grâce aux Protocoles des Sages de Sion traduits en version de « l’Etat profond », tout peut être expliqué. Ce sont eux (les mystérieux fonctionnaires) qui empêchent Israël de construire en Judée et en Samarie. Ce sont eux qui sont responsables de l’accord de paix s’il parvient jusqu’à la table israélienne. La responsabilité s’est transformée une conspiration institutionnelle.

Première publication le: 21/06 18, 23:39 

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