Le réveil de l’Ours Russe©

 

PARTIE II (suite et fin) – LE REVEIL DE L’OURS

 

Quelle sera la stratégie de la Russie face aux défis qu’elle affronte ?

On peut gager qu’elle continuera à coopérer militairement et politiquement avec la Chine, alliance nécessaire contre la suprématie américaine mais qui comporte un danger car cette coopération profite beaucoup plus à la Chine qu’à la Russie.(Pour lire la première partie de l’analyse de Michel Rozenblum, cliquer ici : Le réveil de l’Ours Russe©)

Par Michel Rozenblum

En effet, le transfert de la technologie russe, comme celui de la technologie occidentale, et la transformation de ces transferts en usines de production, augmente la capacité de la Chine à intervenir militairement ainsi que ses possibilités de financement de sa politique de domination.

La Chine n’est pas menacée dans ses frontières. Ses revendications territoriales sur les îles du Pacifiques sont un aspect stratégiquement important, en ce qu’il promet à la fois une certaine indépendance énergétique et un contrôle d’une voie de circulation maritime essentielle. Mais cette région ne représente que l’un des piliers de sa politique expansionniste.

Son absence d’engagement militaire dans le reste du monde, l’importance du marché qu’elle représente pour les Occidentaux, lui permettent d’attirer les investissements occidentaux et d’imposer des transferts de technologie, quand elle n’utilise pas tout simplement son réseau d’espionnage ou le démontage de produits importés ou la contrefaçon pour acquérir les compétences nécessaires.

La stabilité du régime, indispensable dans une période de constitution de sa puissance, est assurée grâce à une totale intransigeance face à la contestation et un discours « communiste », très éloigné de la réalité sur le terrain où se développe un capitalisme sauvage auquel participent le parti communiste et l’armée, voire certains cadre communistes, à titre individuel.

La voie militaire mettrait en danger ce processus d’appropriation pacifique de la puissance.

La Russie est sur la défensive et essaie par tous les moyens d’arrêter de se faire « peler comme un oignon ». Du fait de la déficience de son économie, le volet économique de la guerre lui est refusé.

Une intensification et une expansion de la politique du muscle sont ainsi probables car à défaut de puissance économique, c’est sa capacité militaire qui lui permet de tenir son rang.

M Poutine est d’autant plus encouragé dans cette démarche qu’elle lui a plutôt réussi, malgré un embargo qui pèse lourd sur son économie et qui limite sa politique de puissance: récupération de la Crimée et de la partie minière de l’Ukraine, réimplantation en Syrie au détriment de l’influence américaine et rétablissement de bases navales et aériennes susceptibles de menacer les communications des marines occidentales ; liens avec l’Iran, ennemi des Etats-Unis ; nouveaux liens avec la Turquie, malgré un incident aérien qui avait créé une brève tension et tentative de détacher la Turquie des Américains en lui fournissant des armements, notamment les fameux missiles anti-aériens S400

Dans ce dernier cas, en plus de faire entrer des devises, M Poutine entame une lutte d’influence visant à réduire les moyens de pression occidentaux sur le dictateur islamiste d’Ankara et à rapprocher le dirigeant turc de la Russie.  

Le ralliement de M Erdogan à la Russie reste toutefois questionnable, car en rompant les liens avec les Etats-Unis, comme il l’évoque à demi-mot, le dirigeant turc prendrait deux risques : se couper des financements, techniques et débouchés occidentaux, et provoquer un changement d’attitude des occidentaux par rapport à l’idée d’un Etat kurde indépendant, cauchemar des dirigeants turques.

Avec ses actions, la Russie est redevenue une puissance sur laquelle il faut compter. Les succès militaires et diplomatiques, notamment en Syrie, en font de nouveau un partenaire incontournable alors que les Américains, sous le Président Obama puis sous le Président Trump, se sont ridiculisés.

Et M Poutine envoie par là même un message subliminal (relayé cependant clairement via des interviews bien choisies) aux occidentaux : « n’essayez plus de grignoter mes zones d’influence ».

Les patrouilles de longue durée de bombardiers à long rayon d’action ont repris. Un effort important est entrepris pour rééquiper l’armée russe.

Mais dans cet effort, la Russie, du fait du manque de ressources, est bridée fortement, contrairement à son concurrent chinois

Les limitations apportées au commerce avec la Russie par les occidentaux constituent des manques à gagner importants ainsi que des déficits de financement, pourtant indispensables pour assurer sur le long terme le succès de la reconquête russe. Les seules exportations de matières premières et de matériel militaire trouvant rapidement leurs limites.

L’enclave russe de Kaliningrad connaît depuis peu un renforcement de son potentiel militaire, en réponse au positionnement d’un dispositif de missiles anti-missiles, officiellement pour contrer la menace iranienne, par les Etats-Unis dans les pays limitrophes de la Russie.

M Poutine souhaitait exercer une pression sur l’Europe en jouant, comme il l’a fait avec l’Ukraine, le chantage au gaz et au pétrole. Le prétexte était le défaut de paiement de l’Ukraine sur les livraisons russes et le prélèvement fait sur les Pipe-lines, sur de l’énergie expédiée à destination de l’Union Européenne.

Certains pays de l’Est de l’Union Européenne sont très dépendants de ces fournitures mais la riposte n’a pas tardé à se mettre en place, à la grande colère du dirigeant russe. Des pipe-lines, en cours ou en projet, passeront par l’Europe du Sud pour éviter les coupures intempestives mises en œuvre par la Russie pour faire céder les dirigeants ukrainiens dans leurs ambitions européennes.

D’autres actions « musclées » sont donc à craindre dans les années qui viennent. Leur occurrence, leur fréquence et leur intensité dépendront des de l’estimation par Poutine de l’intensité de la réaction des Occidentaux. Les reculades récentes des Américains et, dans leur ombre, des Britanniques et Français, lui laissent espérer disposer d’une certaine marge de manœuvre pour ses futures initiatives.

Une chose est sûre, nous n’allons pas vers un apaisement.

Il ne manque pas de zones de tensions sur la planète où le gouvernement russe pourrait être tenté de s’implanter, en soutenant militairement ou diplomatiquement des pays du tiers monde, créant ainsi des contre-feux face à ses opposants occidentaux.

Michel Rozenblum

Institut international de Stratégie et de Simulation (I.S.I.S.)

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