Forum mondial : Un pot-pourri débordant de problèmes antisémites

 

Des militants se sont réunis cette semaine à Jérusalem pour le Forum mondial de lutte contre l’antisémitisme, sous les auspices officiels du gouvernement israélien.

Ce n’est pas quelque chose à considérer comme un acquis. L’État d’Israël n’a pas toujours considéré la lutte contre l’antisémitisme comme son combat propre. Durantr les 25 premières années d’existence d’Israël, l’attitude tacite à Jérusalem semblait être que si les Juifs à l’étranger ont un problème avec les antisémites, ils peuvent toujours immigrer en Israël. Immergés dans la construction et la défense de l’Etat-nation juif, les dirigeants israéliens n’avaient pas de temps à consacrer « aux troubles du passé de la diaspora ».

Ces attitudes ont commencé à changer après la guerre de Yom Kippour en 1973. La campagne de délégitimation politique contre Israël lancée par les pays arabes a abouti à la tristement célèbre résolution «Le sionisme est un racisme» à l’ONU et à une tonne de propagande qui combinait l’antisionisme et l’antisémitisme. Le grand mensonge est entré dans le discours intellectuel.

Après l’attentat à la bombe de la synagogue de la rue Copernic à Paris en octobre 1980 et d’autres attentats terroristes, le Premier ministre Menahem Begin a pris la décision de demander aux autorités israéliennes de conseiller les communautés juives à l’étranger sur les mesures de sécurité, et la réplique contre l’antisémitisme a rapidement trouvé sa place dans l’agenda national.

Avec la désintégration du bloc communiste, un rôle accru de la diplomatie israélienne à l’égard de l’antisémitisme est également devenu plus nécessaire et possible. Jérusalem est intervenue et a insisté pour que le gouvernement réprime autant les manifestations officielles que celles de la rue, comportant des connotations antisémites dans les pays émergents de l’ex-URSS.

La vague de violence néonazie qui a balayé l’Allemagne en 1993 a suscité une demande d’action du gouvernement israélien contre l’antisémitisme. La Knesset a tenu son premier débat spécial sur la question, et un ancien chef du Mossad a suggéré publiquement que les agents israéliens agissent contre les dirigeants néo-nazis.

L’antisémitisme émanant du monde arabe est également devenu un problème. Lorsque le président égyptien d’alors, Hosni Moubarak, s’est rendu à Washington en 1997, les membres du Congrès l’ont rudements confronté à la question de l’antisémitisme dans la presse égyptienne.

En 1988, Elyakim Rubinstein, alors secrétaire du Cabinet (et plus tard juge à la Cour suprême), a créé le Forum interministériel pour la surveillance de l’antisémitisme et l’a élargi aux représentants juifs de la diaspora et aux experts universitaires.

Le Forum et la Ligue Contre la Diffamation ont fondé en 1992 le Projet de l’Université de Tel Aviv sur l’antisémitisme, un centre de documentation et de recherche. Le projet a compilé des rapports sur l’antisémitisme dans le monde et a finalement gagné une place dans l’agenda du cabinet israélien, rendant compte une fois par an.

Par la suite, le Congrès juif mondial a rejoint le consortium et a commencé à convoquer un conclave annuel de chercheurs et de militants qui surveillaient l’antisémitisme dans le monde.

En 1997, le secrétaire du Cabinet, Danny Naveh, a assumé la responsabilité de la lutte contre l’antisémitisme et a plaidé en faveur d’une législation mondiale qui limiterait l’accès aux sources de littérature à caractère haineux, telles que les sites web néonazis sur Internet. Mais pendant des années, cela n’a eu aucun effet concret. À l’époque, de nombreux groupes juifs américains s’opposaient à cette approche parce qu’elle suggérait des limites à la « liberté d’expression ».

Rétrospectivement, ce fut une erreur terrible, compte tenu des proportions monstrueuses dans lesquelles l’antisémitisme sur les réseaux sociaux et le web a grandi. Tardivement, tout le monde s’accorde à dire que la lutte contre la cyberhaine est une priorité absolue, et le ministère israélien de la Justice a même un département dédié à la lutte contre l’incitation en ligne.

La Conférence mondiale contre le racisme de 2001, connue sous le nom de Durban I, s’est transformée en un festival d’antisémitisme – c’est l’un des plus grands étalages de la haine organisée contre Israël. C’était un moment décisif qui a clarifié à quel pointt l’antisémitisme était devenu une menace stratégique. Il a traumatisé même beaucoup d’Israéliens.

En 2003, le ministre des Affaires de l’époque de Jérusalem, Natan Sharansky, a fondé le Forum mondial contre l’antisémitisme. Le leadership de Sharansky et sa réputation mondiale héroïque ont fait du Forum mondial un organe de coordination ciblé et superefficace de dirigeants, d’intellectuels et d’organisations juifs.

« L’Etat d’Israël a décidé de retirer les gants et de mettre en place une contre-offensive coordonnée contre l’antisémitisme », écrivait Sharansky. « L’Etat d’Israël jouera, comme il le devrait toujours, un rôle central dans la défense du peuple juif. »

La contribution de Sharansky a été énorme – et pour cette raison, et bien d’autres, il mérite amplement d’être lauréat du Prix Israël, comme on l’a annoncé cette semaine. Il a attiré l’attention sur le «nouvel antisémitisme», qui vise à émasculer le peuple juif en érodant continuellement la réputation et la légitimité de l’État juif.

Sharansky a développé des repères simples pour distinguer la critique légitime d’Israël de l’antisémitisme. Son «test 3D» examine la critique d’Israël par la diabolisation, les doubles standards et la délégitimation – qui marquent le passage du commentaire sur Israël vers la zone sombre de l’expression et de l’intention antisémites.

En 2010, le Premier ministre canadien Stephen Harper a officiellement adopté la définition 3D de Sharansky dans un discours convaincant prononcé lors d’une réunion à Ottawa de la Coalition interparlementaire pour la lutte contre l’antisémitisme.

Puis en 2016, l’Alliance Internationale du Souvenir de l’Holocauste a adopté une définition de travail similaire de l’antisémitisme, qui comprend l’utilisation de deux poids, deux mesures pour isoler Israël et dénier au peuple juif son droit à l’autodétermination. (Selon cette définition, il est antisémite de prétendre que l’existence d’un État d’Israël est une entreprise raciste, de comparer Israël à l’Allemagne nazie, ou d’utiliser des symboles associés à l’antisémitisme classique comme la diffamation de meurtre rituel pour caractériser Israël ou les Israéliens.)

Mais comme l’a montré le professeur Gerald Steinberg, une grande partie de la communauté autoproclamée des droits de l’homme ignore délibérément le cadre adopté par l’IHRA. Des groupes tels qu’Amnesty International, Human Rights Watch et le Conseil oecuménique des Eglises rejettent les définitions décrites ci-dessus et s’égarent fréquemment sur le territoire antisémite dans leurs critiques incessantes et féroces d’Israël.

Lors des deuxième et troisième réunions du Forum mondial, Sharansky a attiré l’attention sur l’antisémitisme radical islamiste et arabe et sur l’antisémitisme palestinien. Il n’était pas prêt à passer à côté, surtout que les images sataniques sur les Juifs et Israël deviennent monnaie courante dans les médias palestiniens et conduisient directement à la violence.

Encore aujourd’hui, tout le monde reconnaît ce que Sharansky a compris à l’époque : L’échec du processus de paix d’Oslo est l’échec, marqué dès le premier jour, à affronter les mensonges et l’endoctrinement diabolique de l’Autorité palestinienne – une autorité qu’Israël a aidé à établir pour concéder le territoire et trouver la paix, mais à la place de quoi, il n’est devenu qu’un monstre antisémite et anti-Israélien sans autre perspective que sa haine fantasmée.

Depuis lors, le Forum mondial s’est réuni à plusieurs reprises à Jérusalem. Sous les auspices des ministères des Affaires Etrangères et de la Diaspora, il s’est transformé, en passant d’un modeste forum de coordination professionnelle de militants juifs de base, en une grande et somptueuse conférence internationale avec des spectacles culturels, des dîners coûteux et des bénéfices secondaires.

La conférence de cette année était ouverte à presque tous les membres du public. Cela signifiait que beaucoup de sympathisants mécontents ou désillusionnés, qui n’appartiennent pas à une ligue politique sérieuse se focalisant sur l’obtention de résultats tangibles, étaient sur le point de se décourager et de contester la tribune. Cela a gaspillé beaucoup du temps imparti. Cela m’a laissé songer uae bon vieux temps du forum modeste et plus authentique de Sharansky où de petits groupes de travail ont réfléchi et élaboré des plans concrets pour combattre l’antisémitisme.

À leur crédit, les organisateurs du Forum mondial de cette année ont intelligemment utilisé le rassemblement comme plate-forme pour la participation de nombreux non-juifs (même certains dirigeants musulmans) et comme plate-forme où les dirigeants gouvernementaux étrangers pouvaient s’engager publiquement à lutter contre l’antisémitisme. défendre Israël.

Mais j’ai eu l’impression que les organisateurs de la conférence n’ont pas réussi à se décider sur quoi se concentrer cette année, alors ils ont transformé la conférence en un énorme pot-pourri de problèmes antisémites, tous azimuts.

Presque tous les maux antisémites que vous pouvez imaginer étaient à l’ordre du jour : la haine de la gauche et la haine de la droite, le cyberhaine, la haine LGBTQ, l’antisémitisme théologique chrétien, le révisionnisme sur la Shoah, le négationnisme palestinien de l’histoire juive, l’antisémitisme dans la guerre juridique contre les pratiques juives comme l’abattage rituel et la circoncision, et même l’antisémitisme dans les sports.

Dans un monde où l’antisémitisme a atteint des proportions épidémiques après la Shoah, il y a en effet beaucoup de sources à couvrir.

Cependant, l’argent des contribuables israéliens aurait pu être mieux dépensé et le véritable combat contre l’antisémitisme mondial mieux servi si le Forum mondial avait été plus concentré sur un ou plusieurs problèmes clés.

Le Forum aurait pu utilement consacrer tout son agenda à la lutte contre la discrimination comme servant de couverture au discours de haine dans l’activisme progressiste, ou pour contrer l’antisémitisme des partis politiques d’extrême droite en Europe (dont certains ont pris l’habitude de masquer leur haine en proclamant être pro-Israélien.)

L’auteur irano-américain Sohrab Ahmari et le chef du Conseil juif pour les affaires publiques, David Bernstein, ont présenté des exposés courts et excellents sur ces deux sujets respectivement ; et également ceux de Sharansky et Ariel Muzicant, le président de la communauté juive de Vienne.

Mais dans la cohue et la ruée d’une centaine de conférenciers et de 1200 participants réunis en de gigantesques séances plénières sur deux jours, et avec toute cette nourriture intellectuelle et thématique à consommer, il n’y avait pas assez de temps pour approfondir sérieusement ce sujet ou élaborer des stratégies concrètes.

David M. Weinberg est vice-président de l’Institut d’études stratégiques de Jérusalem, jiss.org.il. Son site personnel est davidmweinberg.com.

israelhayom.com

Adaptation : Marc Brzustowski

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