Une annonce à publier dans la nouvelle Pravda : Sputnik. 

La realpolitik nous conduit à une telle impasse en Syrie que vient un moment où seule l’utopie dispense encore des vertus salvatrices.

Les dernières volées de bois vert entre Poutine et Erdogan, au sujet de l’organisation du trafic et de la vente du pétrole de Daesh via la Turquie, prennent le sens d’un secret de Polichinelle : Poutine ne fait que « dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas », surtout dans l’OTAN. Le Grand Turc est un Islamiste du pire effet, sous le masque de la fausse « modération ». Ainsi fait-il mieux chanter l’Europe sur l’air de l’adhésion (« aux valeurs communes… », etc), en ouvrant toutes grandes les vannes d’une immigration que le vieux Continent n’est pas en mesure de supporter, au vu de sa crise économique et des tensions ethno-sociales encore accentuées par un terrorisme omniprésent. Les frontières éclatées de la vieille coquille de noix se referment, l’Union implose…

Effet-domino : le Grand Turc précipite l’Europe aux abois, à commencer par François Hollande, après les attentats du 13 novembre  et sa petite camarade de jeux Soeur Thérésa Merkel, dans les bras de Poutine qui n’attend que cela, après la tache sur le costard de son prestige en Ukraine : voir l’Europe à genoux venir lui faire le baise-main, réclamer l’aumône d’un peu de protection, comme on dit dans la Mafia russe, afin de résoudre la crise syrienne au plus vite et ainsi endiguer les flots de réfugiés : Don Poutine et les trois petits cochons de Paris, Berlin et Bruxelles… Pouvait-il rêver mieux?

Tout le monde le dit, Vladimir Poutine ne fait jamais, après tout, qu’occuper le vide sidéral généré par le déclin volontaire de l’ex-hyperpuissance, mené à un train d’enfer par le sédatif Obama, le pire naufrageur de l’Amérique et du monde libre que les démocraties aient connu depuis la guerre de Sécession. Il est, finalement, dans son bon droit, Uncle Vlad, de vouloir conserver son unique port de Tartous sur la Méditerranée et de venir, du même coup, lorgner sur les richesses gazières et pétrolières de la Mer qui vit naître la civilisation européenne, entre Jérusalem et Athènes. Du même coup, Poutine et ses S-300 servent de vulgaire parapluie pour les Gardiens de la Révolution iranienne et le Hezbollah dans le flancs du Golan, menaçant Israël et la Jordanie, le Liban, l’Egypte, donc l’Orient encore occidentalisé et développé (« fréquentable »)…

Et l’Administration américaine de lui rétorquer – lorsqu’il accuse le tyran élu d’Anatolie Recep Tayyip Erdogan, massacreur féru de Kurdes, de traficoter avec le minotaure Daesh -, que le premier à avoir libéré Abu Musba al Suri et tous les autres théoriciens-activistes et pères fondateurs du Djihad, dès 2011, n’est autre que son petit protégé : Bachar al Assad. Celui-ci, tout le monde l’a compris, mais personne n’a rien fait, voulait  tout simplement pourrir à la racine, le mouvement de protestation à forte composante sunnite qui esquissait un « Printemps syrien », dans la foulée du tumulte anti-Moubarak au Caire et du lynchage de Mouammar Khadafi. La Russie a alors eu beau jeu de dénoncer cette exécution sommaire de l’ancien maître de Libye comme la seule forme de Justice internationale orchestrée par les forces franco-britanniques de l’OTAN à Tripoli, Sirte et Benghazi. La Libye est, depuis, devenue la future plaque tournante de rechange pour l’Etat Islamique, à portée des côtes italo-siciliennes, prêt à débarquer à Marseille parmi les flots de migrants, ou à fondre avec Boko Haram sur l’Afrique de l’Est comme de l’Ouest. Un Occident qui n’assure plus d’ordre du monde viable, là encore et toujours, n’est qu’une outre pleine de sa suffisance.

Nous avons donc là le tandem reconstitué de tous les malheurs du Moyen-Orient et des continents proches : Erdogan-Assad. Le premier fait tonner le Front Al Nusra contre les unités kurdes des YPG, que les Russes comme les Américains ont tout intérêt à protéger, en étendant l’aile protectrice de leurs frappes aériennes, afin d’assécher le marigot de l’approvisionnement des sbires d’Abu Bakr Al Baghdadi à Raqqa et Mossoul. Erdogan, lui, ne largue de bombes que sur les Kurdes, globalement définis comme bras armé du PKK, qui le menacerait de sécession dans le Sud-Est de la Turquie, autour de Dyarbakir.

Pour l’équilibre des forces dans la région, il est certain que si Assad était remplacé par un gouvernement de transition, un militaire alaouite pourrait garantir la survie de ce groupe ethnique face à la menace de vengeance des Sunnites, en permettant à certains de ceux-ci de s’accorder sur une alliance avec les forces kurdes au nord-Est, les fameuses Forces Démocratiques Syriennes, que les Américains s’efforcent d’appuyer. Vladimir Poutine pourrait garder un pied maritime à Tartous, dans le fief alaouite de Latakia, assurer un territoire défendable contre les percées de « l’Armée de la Conquête » (Al Nusra, Ahrar Al Sham, donc peu ou prou Al Qaïda et l’Armée Syrienne Libre corrompue, les Turkmènes pilotés par les Frères Musulmans et les services secrets d’Erdogan). Il doit donc limer les crocs et l’avidité turque dans la région pour calmer les désirs de vengeance contre le chef d’orchestre sunnite de la tourmente ambiante. Il pourrait alors, peut-être, signifier aux forces iraniennes et du Hezbollah que la fête est terminée et restreindre l’étendue de « l’axe irano-syrien » servant d’avant-poste à la guerre d’extermination de l’Iran contre Israël. Cette digue s’ancrerait autour des territoires sous le contrôle russe, qui signifierait le reflux de l’hégémonie panchiite d’Iran en garantissant l’épanouissement des minorités de la région par le réamorçage d’un développement économique, énergétique et commercial. Au besoin, et chaque fois que nécessaire, Heyl Ha’avir, l’aviation des forces israéliennes rappelleront les lignes à ne pas franchir par le pillonage inlassable des convois d’armes au Hezbollah et, de concert avec l’Egypte, la destruction systématique des tunnels de transit d’armement entre le Sinaï et Gaza.

Les Etats « modérés » existent : la Jordanie, l’Egypte s’opposent aux aspirations d’Erdogan dans la région, mais aussi à l’hégémonie iranienne, se dressent à la fois contre les Frères Musulmans du Qatar et d’Ankara et contre les Gardiens de la Révolution de Téhéran. Les Emirats Arabes Unis viennent d’ouvrir une représentation israélienne à Abu Dhabi, donc dans le Golfe. Un énorme travail de « dénazification » attend le royaume Wahhabite, à l’origine des doctrines qui nourrissent au sein le Salafisme violent, père légitime de Daesh et affidées (Al Nusra). La renaissance d’une entité kurde, avec une « zone franche » dans le Sud-Est de la Turquie, un peu à la façon de la Zone C des Accords d’Oslo, entre Israël, Ramallah et Amman, pourrait permettre de pacifier les relations d’Ankara entre le Kurdistan d’Irak et de Syrie, avec une population kurde de Turquie reconnue sur le plan culturel et politique (administration locale avec extensions vers les cantons proches de Rojava et Erbil). Là, peut-être que l’UE ferait preuve d’une once de début d’intelligence à ne pas confondre :

  • pacification par les échanges économiques libres, l’emploi, le développement,
  • et idéologie radicale en faveur de présumés « opprimés », telle que celle qui l’anime, par ses directives anti-israéliennes, pour mieux faire du pied au djihadisme local ou/et global.

En termes de « dénazification ou Dédaechisation, une alliance kurdo-arabe gérant les zones libérées de Raqqa et les provinces autour de Mossoul ne peut tenir qu’à condition d’un double désarmement :

  • de toutes les milices radicales inféodées à l’Arabie Saoudite et au Qatar : Al Nusra, Ahrar al Sham, vraie-fausse Armée Libre Syrienne et tutti quanti ;
  • et de l’autre : une reprise en main de l’Irak par Abadi, la mise hors-jeu des agents de l’Iran, autour de Nouri Al Maliki et l’envoi musclé à la ferraille des milices dites de « Mobilisation Populaire » chiites, armées par Téhéran et le Général Qassem Soleimani, qui menacent actuellement le sud de Kirkouk, alors que la « Jérusalem kurde » (Kirkouk) a retrouvé sa souveraineté.

Voilà, pour « l’utopiste », la fatalité de la guerre dite civile et de toutes ses conséquences pour la région et pour le monde, n’existe pas. Ce qui, en revanche, prend le pas, ce sont les « intérêts » comme ceux des empires russe, iranien, turc, saoudien, de conquérir le monde et quand ils ne le peuvent pas, de le faire à travers des mercenaires djihadistes ou miliciens chiites, type Hezbollah, répandant la mort partout où ils passent.

Poutine pourrait se voir accorder, en guise de dédommagement, des parts dans les champs pétroliers et gaziers cogérés par Israël qui ne lui est pas complètement hostile, mais se méfie terriblement, par la Grèce et Chypre, qui sont des dissidents d’une Europe facilement décadente, mais des clés de la géopolitique des Balkans (les banquiers grecs, quoi qu’on en pense, sont très présents en Serbie et ailleurs). La Russie pourrait participer à la sécurisation d’un oléoduc entre la Caspienne et ces champs israélo-chypriotes, comme zone de libre échange et de dégel de la « guerre froide » qui poind toujours au bout du chemin. L’Egypte n’y serait pas hostile, qui devrait garder l’oeil sur la Libye proche et verrouiller les accès pour empêcher les infiltrations de l’Etat Islamique et affidées dans les deux sens, ainsi que garantir les échanges vers l’Asie, via le Canal de Suez dédoublé, la Mer Rouge et le golfe d’Aden.

Ce qu’il faut désamorcer, ce sont les appétits de conquête et d’asservissement des parrains du terrorisme. La Russie est-elle prête à participer à l’épanouissement du Croissant fertile des Minorités? Rien n’est moins sûr. Limer les dents des anciennes grandes puissances, Amérique comme Russie Fédérale (nouveau terme pour masquer ses ambitions impériales), tout en muselant les nouveaux outsiders iraniens ou sunno-djihadistes, leurs frères-jumeaux, voilà tout l’enjeu, qui ne peut se réaliser que par une prise d’indépendance des acteurs régionaux du Moyen-Orient, avec l’entrée en lice de nouvelles entités : kurde, druze, maronite, et leur alliance avec des Etats déjà fortement implantés et rompus à la résilience.

Par Marc Brzustowski.

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

3 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
JSTLV

Peut-on savoir qui est l’auteur de cet article?

ARI

EXCELLENT ARTICLE!