La mort de Gilles Jacquier en Syrie est « un crime d’Etat », a affirmé samedi un journaliste suisse qui était dans le même convoi que le grand reporter de France 2, ajoutant se poser « beaucoup de questions » sur les circonstances du drame.
« Je dirais même qu’il s’agit d’un crime d’Etat. Avec du recul, on se pose beaucoup de questions », a indiqué le journaliste Sid Ahmed Hammouche, témoignant de ce qu’il a vu dans les colonnes du quotidien suisse La Liberté pour lequel il travaille.
M. Hammouche se trouvait dans le même convoi qui amenait mercredi à Homs (centre de la Syrie) plusieurs journalistes, dont le reporter de France 2. Ce dernier a été tué lors de la chute d’un obus de mortier sur le groupe de reporters, lors d’un voyage encadré par les autorités syriennes.
« Dès l’arrivée à l’hôtel, j’ai senti une bizarre atmosphère chez les militaires qui nous attendaient », raconte le journaliste suisse, qui a atterri dans la nuit de vendredi à samedi au Bourget dans l’avion qui ramenait la dépouille du journaliste français.
« Nous sommes partis vers Homs avec les militaires devant. Les journalistes étaient au milieu et derrière, à nouveau, l’escorte. A un grand rond-point, les militaires se sont arrêtés. Il y avait des gens qui ont invité les journalistes à sortir des voitures. Ils disaient subir le terrorisme et les obus ou tirs de roquette », poursuit-il.
Lorsqu’un premier obus explose, « des gens crient de sortir des voitures et de nous diriger vers l’impact », se rappelle M. Hammouche. A la deuxième explosion, « les militaires se retirent et nous laissent seuls » et « ils nous incitent à aller vers l’impact ».
Après une trentaine de minutes et quatre tirs, « les taxis et les ambulances évacuent les blessés » et « la circulation est rapidement rétablie », ce qui étonne le journaliste suisse, disant ressentir « quelque chose de malsain ».
C’est alors qu’il apprend par un autre journaliste que le reporter de France 2 a été tué.
A l’hôpital de Homs, M. Hammouche s’étonne de voir la télévision d’Etat syrienne. Il les empêche de filmer le corps de Gilles Jacquier, car, selon lui, ils sont « là pour instrumentaliser» sa mort.
Gilles Jacquier, grand reporter, est le premier journaliste occidental tué en Syrie depuis le début de la révolte populaire contre le régime du président Bachar al-Assad il y a dix mois.
Les autorités syriennes ont annoncé jeudi la création d’une commission d’enquête sur les circonstances de la mort du journaliste français, tandis que la justice française a ouvert vendredi une enquête sur la mort de Gilles Jacquier.
ZURICH (Suisse), 14 jan 2012 (AFP)