Analyse : le secret du succès de l’Etat islamique

Les bombardements n’aideront pas: les armées régulières ne sont pas équipées pour faire face aux fanatiques

Le week-end dernier, le sénateur John McCain a accordé une interview au magazine américain The Atlantic, dans laquelle il a expliqué que 75% des avions militaires qui partaient frapper des cibles de l’Etat islamique, revenaient à leurs bases sans avoir tiré un seul missile, car il n’y avait personne au sol pour les orienter.

Il y a assez d’éléments dans la déclaration du sénateur américain pour pointer le principal problème de toutes les luttes sanglantes au Moyen-Orient : une armée organisée ne sait pas gérer le phénomène des groupuscules ou des milices terroristes armées, qui s’appuient sur des volontaires animés par la foi, et qui sont prêts à se sacrifier.

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L’armée israélienne a elle aussi du mal à s’adapter, depuis plusieurs années déjà, aux milices du Hamas ou du Hezbollah au Liban. Depuis déjà plus de 30 ans, il n’y a eu aucun affrontement entre l’armée israélienne et une armée arabe. Or, aujourd’hui, la sécurité d’Israël ne dépend pas de la lutte contre une armée régulière.

Ce problème se présente maintenant clairement dans les pays arabes voisins.

L’armée égyptienne, par exemple, éprouve des difficultés dans sa lutte contre le groupe terroriste, relativement petit, d’Ansar Beit al-Maqdis (qui a prêté allégeance cette année à l’Etat islamique) dans la péninsule du Sinaï.

Beaucoup de gens ont dû mal à comprendre cela en Israël. L’Etat hébreu a contrôlé le Sinaï pendant 15 ans (de 1967 à 1982). Les Israéliens pouvaient alors se promener librement dans le désert. Ils ont d’ailleurs continué à se rendre sur les plages de la presqu’île égyptienne, pendant des années, après qu’elle a été rendue à l’Egypte.

A l’époque, le Sinaï était peuplé de Bédouins bienveillants envers les touristes, ainsi que d’autres communautés urbaines et rurales établies dans la ville frontalière de Rafah et à El-Arish.

Pourquoi alors l’armée égyptienne, qui est entraînée et bien équipée, ne parvient donc pas à arrêter les groupes terroristes meurtriers qui évoluent dans cette région? Ces derniers ont fait exploser à plusieurs reprises des gazoducs qui alimentaient Israël et la Jordanie, ils tendent des embuscades à l’armée égyptienne, attaquent des installations militaires, des commissariats de police, tuant des dizaines de soldats et d’officiers égyptiens.

Les Égyptiens soupçonnent le Hamas à Gaza d’aider les djihadistes. Les autorités ont ainsi presque complètement fermé la frontière entre le Sinaï et la bande de Gaza. Mais les résultats de cette mesure ne sont pas concluants. Les renseignement militaires égyptiens éprouvent des difficultés à trouver les cachettes des terroristes.

Tous les chars, avions, hélicoptères et les équipements sophistiqués de l’armée égyptienne ne valent pas grand-chose, quand il s’agit de mettre la main sur des terroristes qui ne sont évidemment pas vêtus d’uniformes, ne parlent pas beaucoup au téléphone, n’ont pas de bureaux avec Internet. Les terroristes apparaissent soudainement dans des endroits inattendus et frappent durement l’armée égyptienne.

Depuis la péninsule du Sinaï jusqu’aux combats aux frontières de l’Irak, de la Syrie et du Liban, le même phénomène se reproduit.

Il suffisait de voir ces derniers jours la façon dont l’armée irakienne, qui n’existe presque plus, a abandonné la ville de Ramadi, de la même façon qu’elle avait quitté auparavant d’autres villes, et en tout premier lieu Mossoul.

Les soldats irakiens ont fui les extrémistes volontaires de l’Etat islamique, rejoints par des dizaines de milliers de réfugiés, terrorisés par la cruauté meurtrière des fanatiques.

Que peuvent bien faire les Américains sur ce front? Il parait improbable que des troupes soient envoyées au sol (comme l’a proposé le sénateur McCain). Leur service de renseignement n’est pas formé pour repérer les mouvements des différents groupes rebelles. Et les pilotes ont peur de frapper la population civile.

En Syrie, la situation est similaire. Les soldats syriens ont également fui ces derniers jours la ville de Palmyre dans le désert, laissant derrière eux des armes et du matériel militaire.

“Heureusement que nous avons fait vite, et que nous avons pu extraire de Palmyre des grandes collections d’antiquités, que nous avons ramené à Damas », s’est targué un porte-parole syrien qui s’est confié sur la fuite de Palmyre.

Au Liban, les unités militaires du Hezbollah au Liban sont aussi remarquablement bien structurées.

D’un côté, le Hezbollah est incontestablement une armée. Les unités régulières sont entraînées, il y a une hiérarchie, un commandement et un pouvoir. Lundi, les télévisions arabes ont diffusé les funérailles militaires de neuf soldats et d’un commandant du Hezbollah tués dans des combats à la frontière libanaise.

D’un autre côté, cette milice qui ne dispose de presque aucun équipement lourd (chars, avions), possède en revanche un incroyable arsenal composé de plusieurs milliers de roquettes cachées dans des bases installées principalement dans le sud du Liban.

Le Hezbollah est conçu pour se battre contre Israël, et quand les gens quittent leurs maisons dans les villages du sud du Liban, pour aider l’armée syrienne régulière, ils leur est difficile d’effectuer cette tâche.

En début de semaine, le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah a exhorté ses hommes à combattre l’organisation « Etat islamique » qu’il a qualifié de « menace existentielle sans précédent ». Mais ça ne devrait pas l’aider.

Depuis la semaine dernière, l’État islamique contrôle plus de la moitié du territoire syrien.

On peut trouver d’autres exemples dans le monde arabe : la Libye jusqu’au Yémen où les forces de la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite éprouvent des difficultés dans leur lutte contre les rebelles tribaux Houthis.

Ce pays est également frappé par le problème des réfugiés yéménites qui fuient à Djibouti de l’autre côté du détroit.

Une armée régulière a la capacité de faire face à une autre armée de même nature. Mais elle est impuissante contre les groupes terroristes fanatiques.

La puissance d’une grande armée régulière comme celle-ci, ne résoudra pas le problème.

Danny Rubinstein est conférencier sur les questions arabes à l’Université Ben Gourion de Beersheva ainsi qu’à l’Université hébraïque de Jérusalem. Il est également spécialiste des questions économiques palestiniennes et tient une chronique dans le journal israélien “Calcalist”.

 

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