Le président iranien va peut-être réussir ce qu’aucun leader musulman n’a réussi depuis l’égyptien Nasser : fédérer un monde musulman hétéroclite, miné par les haines et les contradictions.

Le sommet du Mouvement des pays non alignés se déroulera les 30 et 31 août à Téhéran. Les membres du MNA se définissaient à l’origine comme n’étant alignés, ni avec, ni contre aucune grande puissance mondiale, afin d’assurer l’indépendance nationale, la souveraineté, l’intégrité territoriale, la sécurité des pays non alignés et de promouvoir la solidarité entre les peuples du Tiers-monde.


Les non-alignés en Egypte en 2009

Bipolarisation

Mais il est loin le temps où de grands dirigeants charismatiques ralliaient une partie de la planète pour s’opposer à la bipolarisation avec les deux Grands de l’époque.

La Déclaration de Brioni du 19 juillet 1956, proposée par Gamal Abdel Nasser, Josip Broz Tito, Norodom Sihanouk et Jawaharlal Nehru visait à protéger certains pays de l’influence des États-Unis et de l’URSS.

Le MNA compte plus de 118 pays d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine, des Caraïbes et d’Europe.


Nasser, Nehru et Tito

La dernière réunion, la quinzième, s’était déroulée en juillet 2009, à Sharm-el-Sheikh en Égypte, et son succès était alors dû à la présence de nombreux chefs d’État qui avaient fait le déplacement et qui, pour la plupart, ont été éliminés du pouvoir.

Le président égyptien Moubarak avait été élu pour trois ans président du Mouvement des non-alignés en remplacement du cubain, Raul Castro.


Réunion préparatoire à Cuba

Depuis, le monde a changé ; les révolutions arabes ont laissé place à des régimes islamistes tandis que les États-Unis ont été marginalisés parce qu’on les accusait de refuser l’ingérence dans la politique de certains pays.

Cette réunion à Téhéran aura lieu en pleine crise syrienne, au moment où la Russie et la Chine veulent imposer leur politique au Moyen-Orient et où l’Iran tente de s’affirmer en adversaire de «l’impérialisme occidental» qui a agi en Libye et, peut-être demain, en Syrie et en Iran.

A l’occasion de cette rencontre, la diplomatie iranienne cherchera à soutenir le régime de Bassar al-Assad, à mobiliser les pays musulmans contre Israël et à intégrer l’Afrique dans le concert des nations opposées à l’occident.

Des informations parvenues en Israël révèlent d’ailleurs que l’Iran envisage de faire voter dans la déclaration finale une clause «reconnaissant la légitimité des pays en voie développement d’acquérir des capacités nucléaires et d’enrichir l’uranium».

Non alignement et antagonismes

La question du non alignement est à présent une notion très vague tant il y a d’antagonismes qui opposent les participants sauf à manifester une alliance de façade.

La guerre civile en Syrie, les querelles meurtrières entre chiites et sunnites, la guerre ouverte entre le Liban et la Syrie et la concurrence entre les nébuleuses islamiques n’encouragent pas un consensus sauf l’opposition à Israël.

Les ennemis d’hier, les salafistes d’Arabie saoudite et du Qatar, vont se retrouver à la même table de conférence avec les Frères musulmans tunisiens et égyptiens.


Le Frère musulman Morsi avec le roi d’Arabie

Mais le lieu du sommet, Téhéran, est en soi un défi, à fortiori lorsque des pays contestés faisant l’actualité sont invités.

En effet la présence de Bassar Al-Assad, si elle est confirmée, sera un évènement après l’invitation officielle qui lui a été remise par le ministre iranien des Télécommunications, Reza Taqi Pour.

Sa présence ne sera pas du goût des saoudiens qui restent en conflit ouvert avec lui.

En effet, le royaume ne désarme pas et le prouve dans ses décisions.


Bandar Bin-Sultan

Le roi Abdallah bin Abdulaziz vient de nommer le prince Bandar bin Sultan à la tête du General Intelligence Directorate (GID), le service extérieur saoudien.

Il a reçu pour mission de développer des actions clandestine pour hâter la chute du régime de Bassar al-Assad et surtout, de contrer l’expansionnisme iranien au Moyen-Orient.

Or le ministre iranien, Ali Akbar Salehi, a confirmé sa position dans une tribune du Washington Post : «La société syrienne est une belle mosaïque d’ethnies, de religions et de cultures.

Elle volera en éclats si le président Bassar al-Assad tombe brutalement». On voit ainsi la difficulté d’avoir à réunir des personnages si opposés.

Présence de dictateurs


Kim Jung Un

Un aréopage de dictateurs va faire le déplacement.

Le chef nord-coréen Kim Jong-Un se rendrait en Iran, selon l’agence sud-coréenne Yonhap.

Le porte-parole du sommet, Mohammed Reza Forghani, a précisé que le leader coréen avait choisi l’Iran pour son premier déplacement à l’étranger depuis son arrivée au pouvoir.

Cependant cette information semble avoir été démentie. Le ministre iranien des Sports et de la Jeunesse, Mohamed Abassi, a transmis une invitation officielle au président Compaoré, lors d’une audience à Ouagadougou ainsi qu’au chef de l’État togolais Faure Gnassingbé.

Mais l’Iran soigne particulièrement les pays africains car il sait que leurs relations avec Israël sont très développées.

Avigdor Lieberman avait fait une tournée des principaux pays chrétiens d’Afrique pour leur garantir une aide militaire pour contrer l’influence belliqueuse des iraniens. Ahmadinejad veut les convaincre qu’ils devraient, eux-aussi, s’orienter vers l’industrie nucléaire civile ou militaire, ce qui justifierait la sienne.


Le président turc Gül

Les États-Unis ont marqué leur mauvaise humeur à la participation éventuelle des présidents russe et turc Vladimir Poutine et Abdullah Gül, ainsi que du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon.

La porte-parole de la diplomatie américaine, Victoria Nuland a ainsi déclaré :

«Le fait que cette réunion se déroule dans un pays qui viole tant de règles internationales et qui représente une menace pour ses voisins envoie un signal très étrange en termes de respect du droit international.

Nous l’avons signifié aux pays participants et au secrétaire général Ban Ki-Moon ».
Les américains y voit une tentative de l’empêcher d’isoler l’Iran sur la scène internationale.


Ahmadinejad et Ban Ki-Moon

Scepticisme israélien

Les israéliens sentent que les iraniens sont en train d’ériger un mur de protection diplomatique contre une éventuelle intervention militaire.

Ils s’étonnent que de nombreux pays acceptent de s’afficher, même symboliquement, aux côté des iraniens qui figurent dans la liste noire de l’OTAN et du Conseil de coopération du Golfe.

Ils ne comprennent pas que la Turquie s’affirme non alignée alors qu’elle fait partie de l’Otan.

L’Iran veut exploiter la situation en jouant sur les invitations. Mohammad-Reza Forghani, porte-parole du sommet s’est glosé que «Vladimir Poutine et Abdullah Gül sont les invités de marque du sommet».

Mais les États-Unis craignent la surexposition des iraniens qui vont prendre, pour trois ans, la présidence du mouvement, en succédant à l’Égypte qui a décidé d’envoyer le président Morsi.

Dans la foulée, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a précisé qu’il se rendra lui-aussi à Téhéran. Ismaël Haniyeh, leader du Hamas à Gaza, sera lui-aussi du voyage.

La diplomatie israélienne a été très active pour convaincre, sans illusion, de nombreux pays à ne pas participer à cette conférence, ou au moins à n’envoyer qu’une délégation de faible niveau, limitée aux ambassadeurs.

C’est pourquoi le nombre de chefs d’État qui feront le déplacement déterminera ou non le succès de la conférence.

Selon Israël, cette réunion anti-israélienne encouragera l’Iran, fort de ce succès, à poursuivre son programme nucléaire.

La visite du président égyptien Morsi à Téhéran s’accompagnera du dégel des relations entre l’Égypte et l’Iran après des décennies d’invectives et de conflits consécutifs à la signature du traité de paix de 1979.

Elle intervient après plus de trente années de rupture, en 1980, des relations diplomatiques entre les deux pays.

Il est vrai que chacun des deux pays y trouve son propre intérêt.

L’Iran espère favoriser l’entrée de l’Égypte dans le clan des pays ennemis d’Israël tandis que Morsi y voit un moyen de s’affirmer sur la scène internationale en s’affichant avec les principaux dirigeants arabes.


Réunion de l’OCI à la Mecque

Pour Morsi il s’agit aussi d’effacer l’affront qu’il avait subi lors du sommet extraordinaire, à La Mecque en Arabie saoudite, des dirigeants des 57 États membres de l’OCI qui se sont accordés sur «la nécessité de mettre fin immédiatement aux actes de violences en Syrie et de suspendre ce pays de l’OCI».

Les Frères musulmans sont en effet peu appréciés des salafistes saoudiens.

Morsi avait peu apprécié d’avoir été marginalisé par les saoudiens qui l’ont peu considéré à la Mecque.

A Téhéran, il aura la double tâche de justifier, à son peuple et aux participants du MNA, son revirement de renouer des relations avec l’Iran qui a toujours été perçu par les égyptiens comme l’alliée irréductible de Bassar Al-Assad.


Armée égyptienne au Sinaî

Ce rapprochement risque d’avoir des conséquences importantes à la frontière sud d’Israël dans le cas de retrouvailles irano-égyptiennes en raison de tous les groupuscules terroristes basés au Sinaï, financés et armés par l’Iran.

Cela pourrait convaincre les israéliens à modifier leur calendrier pour anticiper une action militaire contre les usines nucléaires iraniennes, avant la mise en place d’un front anti-israélien au sud.

Jacques Benillouche Article original

copyright © Temps et Contretemps

TAGS : Sommet des Non-Alignés Rogue States Iran Syrie Assad Arabie

Saoudite Dictateurs Géopolitique Ahmadinejad Corée Kim-Jo,g Un

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Bzcom

Entre faux-culs, ils vont bien s’entendre !…