1941-1943 : les camps d’internement en Algérie, une histoire largement méconnue

Vichy a interné des milliers de soldats juifs démobilisés en 1940 dans des camps de travail dans le Sud algérien.

C’est une page sombre de l’Histoire, longtemps restée cachée dans les archives de l’armée française : les camps de travail en Afrique du Nord, où ont été internés les soldats juifs démobilisés après la défaite de 1940.

Le 24 octobre 1870, le décret Crémieux, du nom du ministre de la Justice de l’époque, attribue la citoyenneté française aux juifs d’Algérie, avec l’idée de rattacher un peu plus l’Algérie à la France. Mais 70 ans plus tard, le décret Crémieux est abrogé d’un trait de plume au lendemain des lois anti-juives adoptées par le régime de Vichy. Le 3 octobre 1940, les 110 000 juifs d’Algérie cessent d’être des citoyens français, y compris les anciens combattants de 1914, ceux qui avaient survécu aux batailles de Verdun, du Chemin des dames ou des Dardanelles (Bosphore).

Chassés de l’école

En 1941,18 500 enfants juifs sont chassés de l’école publique. Un numérus clausus est appliqué aux élèves et aux professeurs juifs dans l’enseignement primaire, secondaire et les universités. Les fonctionnaires sont révoqués et les métiers de médecin, d’avocat ou de la presse leur sont interdits. « L’ampleur du traumatisme est à la mesure de leur assimilation »… « pour une communauté qui avait multiplié les marques d’amour envers la République sur laquelle se focalisaient toutes les espérances », écrit l’historien Benjamin Stora dans son livre Les trois exils juifs d’Algérie.

Moins connue, mais tout aussi tragique, l’histoire des soldats juifs engagés en 1939, déchus de la nationalité française par Vichy et enfermés dans des camps de travail en Algérie, en Tunisie et au Maroc.

En septembre 1939, lors de la déclaration de guerre, les jeunes Français sont mobilisés en Algérie comme en métropole. Parmi eux, plusieurs milliers de juifs rejoignent leurs unités, mais la débâcle de mai-juin 40 arrête les combats. Les militaires juifs se trouvent alors dans la situation difficile d’être les soldats d’une armée aux ordres de Vichy et de ses lois anti-juives. Celles-ci vont être appliquées avec un zèle tout particulier dans les départements français d’Algérie.

Des camps d’internement

En avril 1941, les soldats juifs d’Afrique du Nord sont emmenés dans les camps d’internement de Bedeau dans l’Oranais et de Teleghma dans le Constantinois.

Dans un courrier du 28 février 1941, le général Huntziger, secrétaire d’Etat à la Guerre sous Vichy, s’adresse au Général Weygand, délégué général du gouvernement de Vichy en Afrique française : « Les rapports sur l’état d’esprit des troupes de l’Afrique du Nord font ressortir que les juifs demeurés dans les unités ont une influence néfaste et que, par leur manque de sens national, ils nuisent au bon moral dans ces unités. (…) Je vous demande de faire cesser cet état de choses (et de) retirer tous les juifs des unités de l’Afrique du Nord. »

Cette lettre exhumée par le journaliste Jean-Dominique Merchet en 1997 dormait depuis la fin de la Seconde guerre mondiale dans les archives de l’armée au château de Vincennes. Ces militaires juifs affectés dans ces camps de travail ne constituent qu’une partie de l’ensemble des juifs internés en Afrique du Nord. L’ historien Robert O. Paxton avance le chiffre de 14 000 à 15 000 personnes qui furent soumises à de mauvais traitements par les autorités françaises. L’historien américain a recensés jusqu’à seize camps de travaux forcés répartis en Afrique du Nord.

Des camps extrêmement durs, le plus souvent gardés par des membres de la Légion française des combattants, milice vichyste pro-nazie. Ces camps regroupent les soldats juifs algériens des classes 1938 et 1939, mais aussi des opposants, des communistes ou des francs-maçons. Ils sont affectés à des travaux de terrassement, mais le plus souvent à « l’épuisante et mortelle corvée de caillasse », selon les témoignages des « détenus » du camp de Bedeau, dans la région de Tlemcen.

Le froid et la faim

« Malgré le climat glacial la nuit, et torride le jour, les hommes sont logés sous la tente dans des conditions d’hygiène précaire. Ils ont des vêtements de rebut et une nourriture insuffisante (…) Ils y endurent le froid, la faim, les brimades » Archives du centre de documentation juive contemporaine

En novembre 1942, les Américains débarquent en Algérie et au Maroc, mais les « Groupes de travailleurs israélites » ne disparaîtront pas avant avril 1943. Un document de l’époque dénonce le fait que « les travailleurs qui sont suspectés de sentiments pro-américains sont sévèrement punis ou battus ». A leur arrivée en Algérie, les Anglo-Américains dénombrent 2 000 détenus dans ces camps.

Les militaires fidèles à Vichy redoutent surtout de voir ces jeunes soldats juifs rejoindre les Français libres de Leclerc, alors qu’à Alger la bataille fait rage entre giraudistes et gaullistes. Il faut attendre la victoire définitive de ces derniers pour que les camps de travail soient finalement fermés, entre avril et juillet 1943. Quant au décret Crémieux, il est rétabli en Algérie le 18 mars 1943, quand les vichystes sont affaiblis en Afrique du Nord.

Beaucoup de ces prisonniers s’engageront immédiatement pour participer aux campagnes d’Italie et de Provence jusqu’en Allemagne, où ils participeront à la libération des camps.

par Michel Lachkar France Télévisions Rédaction Afrique Mis à jour le 22/10/2021 16:41

Débarquement américains en Sicile en juillet 1943. A peine libérés des camps d’internement vichystes d’Algérie, les soldats juifs participent aux débarquements d’Italie et de Provence pour la libération de la France. (USIS / LEEMAGE VIA AFP)

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Charles DALGER

D’abord, cet article est biaisé en se fondant sur les élucubrations du traitre B. STORA.
Ensuite, la plupart des commentaires sont très crifeux, c’est à dire gauchistes.

Les assertions de l’articles et des commentaires sont sans nuance aucune.

L’antisémitisme était bien une réalité en Algérie, mais rien n’était ni tout blanc, ni tout noir.
J’y ai grandi, et j’ai entendu les histoires de mon père, et mes oncles.

Quant aux idiots anti ZEMMOUR, rappelons que EZ reprend les travaux du rabbin Alain MICHEL qui fut directeur historique de Yad Vashem. Comme dit Méir BEN-HAYOUN, personne ne peut accuser Alain MICHEL.

Asher Cohen

Ces camps du Sahara ne furent que la conséquence prévisible de plus d’un siècle de persécutions antijuives françaises au Maghreb.

Il faut d’abord comprendre le comportement politique des français au Maghreb, après 1870. A l’instar de l’Angleterre, les français avaient décidé d’exploiter l’Algérie par la pratique de l’impérialisme colonial, et donc d’y exporter le capital superflu, issu de l’épargne en Métropole, pour le rentabiliser par le travail forcé. Pour ce faire, ils exportaient aussi la violence militaire et policière, et y maintenaient une société de perversité, corruption et violence incroyable. Afin de refuser les Droits Naturels à des populations qu’on maintenait dans l’ignorance et la misère, les français bloquaient toute création d’université et donc tout enseignement supérieur sur tout l’Ouest Algérien. De plus, ils bloquaient toute industrialisation de l’Algérie, afin de maintenir la colonie dépendante de la Métropole, ce qui en 1962 fera encore vivre 500.000 emplois en France, aux dépends bien sûr des populations locales, dites indigènes, ou indigents. Bien sûr, les français avaient crée et propagé des mythes d’Algérie française, pour justifier leur domination, prétendu apport de civilisation, sur ce pays, longtemps gouverné par des militaires. Tout ceci pour montrer le mépris du pouvoir parisien pour cette colonie qui servait de dépotoir des problèmes politiques de la France.

C’est dans cet état d’esprit que les politiciens, réfugiés à Tours, ont décidé d’imposer le Décret Crémieux en octobre 1870. Il faut pour cela remonter à 1830, où de nombreux négociants Juifs d’Oran avaient des passeports britanniques, et livournais pour ceux d’Alger. C’est pourquoi une ordonnance royale de 1834 leur a imposé la nationalité française et interdit de se prévaloir d’aucune autre nationalité. Beaucoup de Juifs ont alors fui l’Algérie, sachant que les français n’étaient en Réalité que de pauvres voleurs qui n’avaient jamais payé leur dette du blé livré en 1793, et avaient volé le trésor de la Régence d’Alger. Ceux qui sont restés étaient réduits au statut de sujet du roi de France, dépourvu de droit de vote, ni d’expression, et astreints à payer l’impôt sur la laine pour financer les matelas des troupes françaises d’occupation.

En 1865, un sénatus-consulte a ouvert aux Juifs d’Algérie la possibilité d’obtenir la citoyenneté française, seuls 151 Juifs, sur plus de 30.000, l’ont demandée, ce qui prouve combien les Juifs d’Algérie ne voulaient pas de la France exploiteuse. Dès la promulgation du décret Crémieux d’octobre 1870, le peu d’élite Juive encore présents en Algérie se sont immédiatement enfuis au Maroc pour échapper aux obligations militaires de la guerre d’alors contre les allemands, une cause qui ne les concernait aucunement en tant que Juifs. Arrivé au pouvoir en février 1871, Thiers voulait expulser tous les Juifs de l’Algérie, et sachant très bien qu’ils ne voulaient pas de la France, il a demandé l’abrogation pure et simple du décret Crémieux. Malheureusement, la Chambre, à très grande majorité royaliste, le lui a refusé car ce décret était en Réalité une mesure politique destinée à augmenter localement le nombre de français. Ainsi, dès juillet 1871, les premières ligues antisémites furent constituées à Alger, et de nombreux livres antisémites publiés.

L’ Affaire Dreyfus a donné bien du grain à moudre aux antijuifs, mais le Sionisme naissant fut écrasé en Algérie par la propagande française et les manipulations politiques.

Du fait de l’infâme décret, les Juifs d’Algérie durent répondre à l’appel de mobilisation de 1914. Ainsi mon grand-père, classe 1890, fut incorporé en octobre 1909, puis mobilisé en 1914, a pris une balle dans la jambe dans les combats de Champagne, fut envoyé aux Dardanelles, car censé connaitre les pratiques turques, et n’a été démobilisé qu’en février 1919. Il lui fallait donc avoir une forte haine de soi Juive, pour aller tuer des Juifs Allemands et prendre une balle dans la jambe, pour une cause qui ne nous concernait-pas. La seule cause qui importait en 1914 pour les Juifs, était de combattre pour reprendre la Palestine aux turcs. Or, au lieu de penser un état Juif indépendant, Weizmann s’était limité à la Déclaration Balfour et au mandat britannique, ce qui a coûté très cher à l’Israël naissant en 1948, et signé un échec flagrant des Sionistes.

Durant les années 1920 et 1930, l’antisémitisme français en Algérie s’est déchaîné, avec des maires et fonctionnaires ouvertement antijuifs tels l’abbé Lambert ou le docteur Mole à Oran, par exemple. Ainsi, le 7 octobre 1940, Pétain n’a pas hésité à abroger l’infâme décret Crémieux, mesure approuvée dès le 9 octobre 1940 par Charles Maurras, et révélant le fond antijuif de la France véritable. Des élites Juives ont alors fui l’Algérie pour les États-Unis ou le Brésil, et ceux qui sont restés allaient être persécutés par la législation raciale, jusqu’à l’extermination dans ces fameux camps du Sahara.

Dès l’été 1940, Pétain y a fait interner les Juifs apatrides ( tchèques, polonais, autrichiens) avec pour but évident l’extermination, sans-même utiliser des chambres à gaz, ni fours crématoires. Les Juifs y mourraient par assassinats ( en janvier 1944, à Alger, des dirigeants de ces camps furent condamnés à mort et exécutés ) sinon par dénutrition, maladies infectieuses et mauvais traitements. Après juin 1941, quelques communistes y seront aussi internés pour y être tués.Il ne semble pas y avoir eu d’indépendantistes Algériens, car ils servaient l’Allemagne Nazie qui promettait de les libérer du joug colonial.

La Conférence de Wansee de janvier 1942 prévoyait l’extermination des 250.000 Juifs du Maghreb et Pétain y a clairement adhéré, comme le montre le comportement de la police française dans la rafle du vel d’Hiv. Ainsi, dès novembre 1942, l’étoile jaune était prête dans les mairies et préfectures pour les Juifs d’Algérie, recensés et fichés depuis 1941, et prêts à être déportés et exterminés dans les camps du Sahara. Les américains débarqués ont immédiatement et publiquement refusé de cautionner cette situation abjecte. Ils étaient manifestement au courant des camps d’extermination de Pologne. Si, le 13 novembre 1942, mon père ne s’était pas engagé dans le Corps Franc d’AFN, il aurait fini dans ces camps du Sahara.

En février 1943, le général Bergeret a reconnu publiquement la présence de 30.000 internés, quasi totalement Juifs, dans le Sahara. En mars 1943, Giraud a maintenu l’abrogation du Décret Crémieux, et ce n’est qu’après avril 1943 que les Juifs internés furent libérés. En juin1943, De Gaulle, arrivé à Alger, a maintenu pendant 5 mois de plus la législation raciale antijuive, et ce n’est que le 21 octobre 1943 que, sous forte pression américaine, il a rétabli l’infâme décret Crémieux.

Ont pourrait connaître le nombre de Juifs morts dans ces camps, par différence entre le nombre de Juifs entrés dès l’été 1940 et les 30.000 encore présents en février 1943, corrigé des internés communistes et de quelques évasions, mais comme les archives de ces camps n’ont toujours pas été ouvertes, on ignore toujours le nombre exact de Juifs internés au départ.

Sans vouloir plagier Tom Segev pour les 6 millions de Juifs tués en Europe, je souligne combien ces camps du Sahara témoignent encore de l’échec total des Sionistes à empêcher l’extermination des Juifs du Maghreb. Les Sionistes ont été incapables de rassembler sous un même drapeau, les combattants Juifs d’AFN et d’Europe, et cela a coûté très cher en 1948 à l’État Juif.

Gilles E.

Ce n’est pas le groupe des travailleurs israélites, mais le groupe des « pionniers ». Mon père y était, j’ai les documents. Le plus absurde, dans son livret militaire, cette période est inscrite sous la rubrique « campagne contre l’Allemagne ». Il est revenu en passant par l’hôpital après avoir attrapé la dysenterie.

Asher Cohen

J’ignore à qu’elle date votre père a été interné au camps de bedot, qui en théorie n’était pas un camp dit disciplinaire, et tel que vous décrivez les circonstances, il semble avoir combattu avec l’ Armée d’ Afrique. Cette armée est restée loyale au tueur Pétain jusqu’à la fin novembre 1942, mais Giraud, tout en maintenant la législation raciale antijuive, y a incorporé des Juifs par besoin de chair à canon.Le frère aîné de mon père, classe 1918, y à été incorporé et était en uniforme français de 1939. Mon père, lui, a démarré dès le 13 novembre 1942, dans le corps franc d’AFN, en uniforme britannique, rattaché à la 8ième armée américaine et après la campagne de Tunisie en mai 1943, il s’est retrouvé dans la 2 ième DFL de Leclerc, donc la France Libre de De Gaulle.Il combattait contre la France alliée de l’Allemagne. Si en novembre 1942, votre père avait combattu avec les Alliés, il n’aurait-pas été envoyé au camp de pionniers israélites de Bedot.

andre

Il serait bon de faire parvenir cette information a Eric Zemmour.