Cette péricope annonce ou se trouve toujours au début des trois semaines de  deuil du 17 Tamouz au 9 av. Trois semaines précédant les catastrophes  nationales du peuple juif avec la destruction des deux Temples de Jérusalem  du 9 av -586 par Nabuchodonosor et en 70 par Titus…. Après cette date,  suivent 7 semaines dites de « consolation ». 

L’élection d’un Chef, Pinhas

La paracha Pinhas est intimement articulée à celle qui la précède. La fin de la parachat Balak relate comment les Midianites, constatant que la tentative de malédiction ourdie par Balak et mise en oeuvre par Bilaâm avait tourné court, et même qu’elle avait muté en bénédiction, décident d’employer, si l’on peut dire,  les grand moyens.

Ils font affluer vers le peuple d’Israël des escouades de prostituées afin d’inciter le peuple de l’Alliance à l’orgie sexuelle et ainsi de renier cette Alliance avec le Dieu qui la promeut et par laquelle s’atteste sa Présence.

Un grand nombre de Bnei Israël s’y laissent aller dans la sidération des dirigeants du peuple, Moïse et Aharon compris, Moïse qui lui même avait décidé de se séparer de sa femme depuis le don de la Thora, sachant que la Parole divine pouvait lui être adressée à n’importe quel moment.

C’est alors que Pinh’as, fils d’Eléazar, et  petit fils d’Aharon, mû par une autre passion: celle de Dieu, se saisit d’une lance et embroche  le couple de meneurs qui fautait au regard de l’Eternel, comme s’ils avaient décidé de souiller sa Loi en toute impunité.

Et le fléau qui avait entre temps frappé le peuple cessa, fléau physique et  plaie mentale.

Il faut bien mesurer la gravité d’une pareille transgression. Elle afflige le peuple au moment où celui-ci après quarante années de pérégrination se trouve sur le point de franchir le Jourdain pour investir la terre de Canaan que le  Créateur avait originellement dévolue à ses Pères.

Durant toutes ces années, ce peuple d’anciens esclaves a appris à réguler ses pulsions, à modérer ses emportements, à apprendre l’usage de la parole interhumaine.

On le croyait sorti de l’état pulsionnel et voilà que les Midianites tentent de l’y replonger, et cela de manière irréversible puisque la prostitution à laquelle il est incité n’est pas seulement sexuelle. Elle implique aussi des pratiques idolâtriques.

Dans de telles circonstance, si Pinh’ass ne s’était trouvé là, lucide, attentif et zélé, ce que la Mer Rouge n’avait pu engloutir, les plaines  de Moab l’eussent anéanti.

Et c’est pourquoi Pinh’ass en est loué par le Créateur, aux oreilles de Moïse  de sorte que celui-ci le proclame à tout Israël.

La Tradition juive verra dans Pinh’ass une préfiguration du prophète Elie, lui aussi  brûlant  de zèle pour Dieu face à Ah’ab et à Jézabel, le couple de rois oublieux de l’Alliance, au point de fermer les  Portes de la pluie.

Et pourtant  Pinh’ass n’est pas érigé en exemple par la Thora. Plus exactement, si son acte est jugé digne de louange, il  doit demeurer une exception.

Deux allusions scripturaires le donnent à comprendre. En premier lieu, le nom de Pinh’ass lui même est transcrit, étonnamment, avec  un «youd» minuscule. Comme s’il fallait en déduire une incomplétude constitutionnelle.

On sait qu’en hébreu la lettre « youd », qui correspond au chiffre 10, est justement celle de l’accomplissement.

Le Décalogue comporte à cet égard 10 lois, et non pas 9 ou 11. Cette réduction de taille atteste au passage à quel point dans la Thora, lue en sa langue originelle, la lettre est riche de sens et d’enseignements.

Ce «youd» rapetissé est sans doute le signe que la connaissance de la Thora chez Pinh’ass en était à ses commencements.

Si le zèle est louable il est aussi symptôme d’immaturité. Pour le dire autrement, le comportement de Pinh’ass est loué à cause des circonstances d’extrême urgence où il s’est produit  et à cause de la passivité des responsables institué du peuple d’Israël.

Il ne saurait constituer un précédent  ni un exemple à suivre pour les temps courants.

Une autre particularité de la transcription graphique du récit biblique le confirme. Le Créateur accordera à Pinh’ass et à sa descendance une Alliance particulière: l’Alliance de paix: Bérith Chalom.

Cependant, dans le Sépher Thora d’une part les mots bérith et  chalom ne sont pas reliés entre eux, ne sont pas interconnectés mais légèrement disjoints, d’autre part le vav de chalom est lui même brisé par le milieu et non pas écrit  d’une seul trait, comme il  aurait dû l’être.

Même justifiée,  la violence n’est pas érigée en but ultime, en comportement ordinaire.

Lorsqu’elle s’exerce, fût ce à juste titre, elle laisse des séquelles et des cicatrices.

D’autant que Pinh’ass est fils et petit fils de cohanim et que la fonction élective du cohen est la réconciliation, le recouvrement de la paix sociale après celle des esprits.

Et c’est sans doute pourquoi cette même paracha relate un épisode de sens opposé, celui qui concerne d’autres femmes, les filles de Tséloph’ad.

Elles s’en viennent questionner Moïse, aprés le décès de leur père, et en l’absence de fils, sur les règles régissant l’héritage des filles.

Cependant elles s’en acquittent sans violence, sans acrimonie, laissant à Moïse le temps d’y réfléchir et la possibilité de leur répondre de manière compréhensible pour les temps à venir également. Moïse en est si heureux qu’il décide d’« approcher (vayakrev) » leur demande face à l’Eternel ; de la considérer comme un véritable korban digne d’être présenté devant le Créateur.

Les filles de Tséloph’ad ont démontré, au terme de cette si longue, tumultueuse et éprouvante Traversée du désert que le peuple d’Israël venait enfin- lui qui avait été condamné en Egypte esclavagiste à des siècles de mutisme – de recouvrer le sens de la parole dialoguée, la seule qui permette de fonder  et de faire vivre des ensemble  humains dignes de ce nom.

JForum. fr avec Raphaël Draï zatsal

PARASHATH PINHAS 5784 

En hébreu, le terme employé pour exprimer la notion de zèle est traduite par « jalousie » dans le sens premier du terme qui traduit un attachement extrême  pour quelque chose. Un attachement qui force une personne à faire du zèle  (pour une cause par exemple). En français, zèle désigne une affection vive pour  le service divin (premier sens), le fanatique agit en croyant avoir une inspiration  divine car il se passionne à l’excès pour une doctrine par exemple. Un hérétique  désigne une personne qui agit de manière déraisonnable sur un point de  pensée qui n’est pas partagé par l’ensemble des personnes d’un même groupe. 

A la fin de la parashat Balak, de manière à mettre un terme à la débauche des  hommes juifs avec les femmes de Midiane et de Moav, le texte présente Pinhas  embrochant Zimri ben Salou et Kozbi bat Tsour sur une même lance et dans la  position dans laquelle ils se trouvaient en cet instant, pour preuve de leur  inconduite. 

Le mérite de Pinhas et sa récompense n’apparaissent pas dans ce même texte,  mais seulement plusieurs lignes plus loin. 

Le midrash rapporte qu’aussitôt après cet événement, beaucoup d’hommes ont  raillé Pinhas en le surnommant « ben Pouty » c’est-à-dire que Pinhas se trouva  rattaché par ce surnom à son grand-père maternel. Qui était Pouty ?

La Torah  donne la généalogie de Pinhas qui était le fils d’Eléazar lui-même fils d’Aharon.  Cependant, on sait, de par la Tradition, qu’Eléazar avait épousé une sœur de  Tsipora (femme de Moïse) et donc fille de Poutyel (1) ou Jéthro prêtre de Midyane.  En conséquence, les personnes qui étaient témoins de la scène se sont moqué  de la rigueur de Pinhas alors que son grand-père maternel, Poutyel était un  païen à l’origine… 

La sidra met en relief les récompenses que son acte rapporte à Pinhas: une  vie personnelle quasiment éternelle, le fait que parmi les descendants de  Pinhas 18 furent Cohanim Guedolim pendant la période du Premier Temple et  80 (sur 300) furent Cohanim Guedolim pendant la période du deuxième Temple  !!! 

Que s’est-il passé pour que l’acte de Pinhas soit récompensé de la sorte ? Les  Sages ont tous contribué à nous éclairer – chacun à sa manière – ainsi, Sforno avance qu’HaShem a fait en sorte que l’Ange de la Mort n’aura pas de prise sur  Pinhas. D’autres indiquent que l’acte de bravoure du héros de cette section  hebdomadaire dépassa tous les canons observés jusqu’à ce fameux jour car,  Pinhas, avait appris de l’acte de Nadav et Avihou, ses oncles, lesquels, faute d’avoir consulté plus âgés qu’eux, furent ravis à leur famille, en ce qui le  concerne, avant d’agir de son propre chef, Pinhas se confia à Moïse et lui  demanda son avis lequel fut : si HaShem t’a donné cette inspiration, alors, applique la et c’est parce que cette pulsion était d’ordre tout-à-fait gratuit et mû  uniquement par Ahavath Israël (Amour d’Israël) et par pur amour de D., que ce  seul geste d’embrocher Zimri et Kozbi eut pour vertu d’arrêter la mort de tous  ceux qui s’étaient adonnés à la débauche et les autres récompenses suivirent. 

Le Maguid de Doubno (2) procéda à une comparaison des actions de Moïse et  de celles de Pinhas et conclut que les interventions de Moïse sont arrivées à  repousser des sanctions ou à provoquer le pardon divin tandis que les actions  de Pinhas ont eu le pouvoir de faire annuler des décrets et, d’après le grand  sage lituanien, le mérite en revient au fait que Pinhas au mépris de sa vie, a  voulu se sacrifier par amour intégral pour tout le peuple. 

Dans la Guemara (Erouvine) sont comparés les actes de Nadav et Avihou qui  n’ont pas consulté les Sages avant de présenter un feu qui n’avait pas été  commandé alors qu’au contraire, Pinhas a questionné avant d’agir de son  propre chef. 

A quel danger s’était aventuré Pinhas ? Pourquoi dit-on qu’il a agi au péril de  sa vie ? Parce que dans un cas où le peuple était, en grande partie, hystérique  et pris de débauche, Pinhas aurait bel et bien pu être assassiné mais il l’a fait  par Amour pour D. et sans autre ambition ni esprit de recevoir une récompense. 

Les Sages font ressortir le fait suivant : si l’on sait que de donner de la tsedaka  a le pouvoir de permettre au donateur de devenir riche, celui qui est prêt à  donner sa vie pour HaShem, HaShem lui donnera en présent une vie  quasiment éternelle! 

Un secret de plus à ce propos: puisqu’il savait que souvent on peut avoir un  intérêt quelconque dans une affaire, et, en ce cas ne pas être qualifié pour intervenir dans une affaire, Pinhas a voulu être certain de ne pas être impliqué  d’une quelconque façon dans cet évènement et ne pas être ainsi soupçonné  d’avoir agi par intérêt. 

La valeur numérique du nom de Pinhas (פינחס) est de 208 et est égale à celle  du nom d’Isaac (יצחק) dont la rigueur était la caractéristique c’est en constatant  ces faits que l’on dit que Pinhas avait pris Isaac pour modèle. 

La volonté d’agir, d’imposer, de s’imposer aussi, sont des actes louables et non  pas à considérer comme outrecuidants. Ces actes volontaires peuvent être  basés sur des domaines différents mais centrés sur la foi que l’homme doit  éprouver pour son Créateur.

C’est la raison pour laquelle, l’acte de bravoure  effectué par Pinhas était un acte de kidoush HaShem vis-à-vis des Moabites  dont la volonté était de souiller le peuple et de le dévoyer, tant sur le plan des  mœurs que sur le plan des actes religieux.  

Un tel épisode exige un examen ou une remise en question : l’homme doit-il  imposer sa pensée et pour ce faire peut-il arriver à des extrêmes de violence ?  En fait, si l’on prend la peine de se glisser dans la peau du personnage, il faut  d’abord procéder à l’analyse de l’événement: et lorsqu’on sait que les  protagonistes n’ont pas eu la pudeur de contenir leurs pulsions au point d’en  arriver à se livrer à leurs ardeurs devant le Mishkan l’on peut comprendre la  colère de D. devant un tel comportement et accepter qu’une réaction violente  vînt sanctionner les contrevenants de manière aussi spectaculaire que l’acte  auquel se sont livrés Zimri et Kozbi. D’autre part, ce fait prouvant que Pinhas  était fou de D. au point de condamner à mort ce couple a eu le don de calmer  la fureur divine. 

De plus, la faute commise par Zimri et Kozbi a, dans une certaine mesure,  voilé la Lumière du monde tout comme la faute originelle a privé le monde d’une  certaine clarté dont l’homme ne peut plus bénéficier car ses yeux ne peuvent  supporter une telle luminosité et continuer à vivre.  

Cette lumière (אור en hébreu) a une valeur numérique de 207. Pinhas, devrait  s’écrire pé-noun-heth-samekh פנחס mais, dans le texte de la sidra il s’écrit pé youd-noun-heth-samekh ce qui, fait remarquer Shimshon Rephaël Hirsch  viendrait signifier qu’il est venu par son acte à exprimer la colère de D. (נחץ פי ( mais aussi que, grâce à sa foi et son amour pour D., Pinhas (avec un youd) a  une valeur de 208 (207+1) c’est-à-dire que sa foi en D. lui a permis de rétablir  la lumière qui avait été voilée par tant d’impudeur.

L’impétuosité de Pinhas a  sauvé la situation car si Moïse a toujours su prendre défense du peuple juif, en  ce moment précis, le conducteur d’Israël se posait une grave question: demain,  alors que lui irait rejoindre ses pères qui donc serait le personnage capable de  lui succéder ? 

Il faudrait quelqu’un de calme, capable de sublimer ses humeurs. Et c’est ainsi  que plein d’humilité, il demanda au Créateur de désigner le successeur ou le  futur « leader » d’Israël: ce ne fut pas Pinhas, fils d’Eléazar, fils d’Aharon  HaCohen mais Josué dont le nom signifie : que D. sauvera, Yé’hoshouâ ben  Noun qui, désormais dirigera le peuple à la veille de son entrée dans le pays  que D. lui a donné en héritage. 

Cette sidra présente un caractère peu habituel car si nous avons, tout au long  de la Bible et en particulier des livres du Pentateuque, l’occasion de voir  évoluer des femmes à la personnalité peu courante, cette parasha va nous  permettre de connaître cinq femmes étonnantes: les filles de Tselofhad, qui  était un homme simple marié et père de cinq enfants ou plutôt de cinq filles car  il n’avait pas eu de fils.

Or, Tselofhad mourut comme un homme normal et le  peuple se trouve au moment où les terrains vont être attribués (par un tirage  au sort) aux différentes tribus, aux différentes familles. Les aînés recevront  deux parts, les autres fils n’en recevront qu’une mais pas les filles car, censées  se marier et quitter leur famille pour celle de leur mari. Les cinq jeunes femmes  se réunirent (le texte dit : se rapprochèrent c’est-à-dire qu’elles se rapprochèrent sans doute autour de la même opinion) et présentèrent à Moïse  l’objet de leur requête à savoir « récupérer » l’héritage de leur père. Dans son  extrême humilité Moïse déclara qu’il voulait soumettre cette requête à D. Le  Créateur reconnut qu’elles avaient raison et leur donna la part qui revenait au  défunt. 

Ceci enseigne tout d’abord que toute personne ayant une requête a le droit de  déposer celle-ci qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme. Le sujet exposé  dans cette portion de Torah fait jour à la reconnaissance des droits de la  femme. Bien que dans les Pirké Avoth il soit conseillé à l’homme de ne pas  prolonger de conversation avec une femme, ou si à certains égards on a  l’impression de penser que la femme possède un esprit « léger » c’est  uniquement parce que la femme a un esprit « fin » et intuitif preuve en est que D.  conseille à Avraham d’écouter les conseils de Sara « בקולה שמע) « écoute sa  voix). 

L’histoire juive est pleine d’exemples de femmes avisées qui ont su, comme les  filles de Tselofhad, soulever un sujet qui a fait jurisprudence. Et ceci nous  entraînerait à faire un parallèle avec le dicton français (Rashi s’est bien souvent  inspiré de vocables en ancien français pour étayer ses commentaires) : ce que  femme veut, D. le veut…. Et, force est de constater qu’en l’occurrence, D. a  accédé aux vœux de ces cinq jeunes femmes. 

Dr Caroline Elisheva Rebouh PhD. ד »ר קרולין אלישבע רבוה בן אבו Etudes Juives

1. Poutyel ou Jéthro avait sept noms : Jéthro, Réouel, Poutyel, Yéther, Hovav, Hever et Queiny.

2. Rabbi Yaakov Krantz né en Lituanie en 1740 et mourut en 1805. Il était un très grand prédicateur et  était très apprécié notamment par le Gaon de Vilna.

 

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