Malgré les menaces proférées, Daesh n’est pas parvenu à ensanglanter la présidentielle française mais Al-Qaïda canal historique prend le relais avec de nouveaux projets terroristes contre l’hexagone

 

Si ce n’est toi, c’est donc ton frère : après l’échec des partisans de Daesh, qui devaient perturber la campagne et n’ont pas réussi à passer à l’acte, de nouvelles menaces ont encore été proférées contre la France, mais par Al Qaida cette fois-ci.

Afin que l’élection présidentielle se déroule dans les meilleures conditions, les autorités françaises et les medias fort bien inspirés sont restés discrets sur les nombreuses menaces qui ont émané de Daech (Groupe Etat Islamique -GEI-), en particulier dans la dernière parution du numéro 9 (début mai) de son magazine Rumiyah dans sa version francophone. A savoir que non seulement ses sympathisants étaient appelés à s’attaquer aux deux candidats, mais les votants étaient également désignés comme des cibles.

En effet, les idéologues de Daech ont la démocratie en horreur car ils la considèrent comme une « religion impie adoratrice d’idoles ». C’est donc à notre système politique qu’ils appelaient à s’attaquer.

Le fait qu’aucune tentative d’attentat n’ait eu lieu constitue un indéniable succès pour les forces de sécurité qui ont réussi à neutraliser certains individus peu avant l’élection ainsi qu’à dissuader tout acte fanatique contre un bureau de vote ou une manifestation de foule se tenant après que les résultats aient été proclamés(1). C’est aussi un échec pour Daech qui n’est pas parvenu à convaincre quelques uns de ses partisans à passer à l’action. Bien sûr, cela ne préjuge en rien de ce qui risque de se passer dans l’avenir car si une bataille a été gagnée, la guerre est loin d’être terminée.

Il convient de se rappeler que les terroristes actuels défendent une cause qu’ils jugent sacrée : le salafisme-djihadisme qui a pour objectif final la soumission de la planète entière à l’application de la charia. Le dernier magazine Rumiyah développe d’ailleurs ce sujet en commentant les « attaques bénies » contre des églises coptes en Égypte, attentats qu’il a revendiqué officiellement. Il réitère sa diatribe habituelle contre les chrétiens et les juifs : s’ils vivent dans le califat, ils ont le choix de se convertir (à l’islam) ou de payer la djizîa. Ailleurs, la mort est leur seul destin. L’auteur, le cheikh Sulayman Ibn ‘Abdillah Ibn Muhammad Ibn ‘Abdil Wahhad (2) s’en prend ensuite aux dirigeants sunnites qui « préfèrent comme chefs leurs scribes et leurs moines à Allah » avant de confirmer la haine viscérale qu’il entretient contre les chiites qualifiés de rafidis (ceux qui rejettent l’islam).

En résumé pour Daech, ce n’est pas une guerre des civilisations (islam contre chrétienté) mais la conquête de l’humanité dans son intégralité, l’objectif étant qu’elle prête allégeance à Abou Bakr al Baghdadi alias le calife Ibrahim qui réunit sur sa personne les trois fonctions de chef religieux, politique et militaire.

Mais si ce succès a été remportée sur Daech, un autre mouvement est en train de se rappeler à notre bon souvenir : Al-Qaida « canal historique ». Non seulement la branche sahélienne de cette nébuleuse est repassée à l’offensive causant la mort d’au moins 25 militaires maliens depuis le début du mois et s’attaquant de nouveau à des militaires en Algérie, mais la direction d’Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) et Al-Qaida dans la Péninsule Arabique (AQPA, qui est la branche de la nébuleuse chargée des actions terroristes extérieures) menacent directement l’Occident.

Ainsi, le 8 mai 2017 dans une courte vidéo de cinq minutes diffusée par son « organe de presse » Al Malahem Media, Qasim al-Raymi, l’émir d’AQPA demande aux « djihadistes isolés » de lancer des attaques « faciles et simples ». Il précise que l’ensemble des « patients activistes » qui vivent dans les pays occidentaux sont considérés comme un « groupe, une brigade voire une armée » qui poursuit une « cause globale » (également l’établissement d’un califat mondial (3)). Il insiste sur le fait que la communauté des musulmans (la Oummah) qu’il compare à « un seul et même corps » qui souffre dans de nombreux endroits du fait des « milliers d’opérations que mènent quotidiennement leurs ennemis » doit rendre coup pour coup.

Il ajoute « vous êtes placés dans des endroits où vous pouvez infliger des dommages à notre ennemi […] c’est à vous que revient ce rôle ». Il affirme que cela « rendra le sourire aux veuves, orphelins et moudjahiddines partout dans le monde ».

AQPA avait déjà lancé ce type d’appel via son idéologue américain Anwar al-Awlaki tué par un drone US au Yémen en septembre 2011. Ce prêcheur avait participé au lancement de la revue Inspire (en anglais) qui avait largement encouragé des « moudjahiddins solitaires » à passer à l’action contre l’Ouest en détaillant les méthodes à employer.

Mais il est vrai que depuis 2014, c’est Daech qui a mené la majorité des actions de ce type en dehors de rares exceptions comme les attentats dirigés à Paris contre le journal satyrique Charlie Hebdo en janvier 2015. Dans son appel, Raymi récupère l’action d’Omar Mir Seddique Mateen dans une boîte de nuit à Orlando en juin 2016 (49 tués, 53 blessés) qui aurait suivi l’enseignement en ligne d’al-Alwaki. Comme beaucoup d’autres activistes qui ont fait de même, il avait décidé de se réclamer de Daech jugé plus porteur. Raymi omet d’ailleurs de mentionner son allégeance à Abou Bakr al-Baghdadi. A noter qu’il ne fait pas non plus référence à la réserve qu’avait émis la lettre « Inspire Guide » éditée par la nébuleuse à propos de cette opération qui soulignait que la cible (une boite de nuit LBGT accueillant majoritairement des « latino-américains ») était mal choisie car elle détournait l’attention de l’« essence même de l’opération » : la cause djihadiste. Le conseil avait alors été donné d’éviter de s’en prendre aux minorités et de plutôt cibler des « endroits où sont généralement concentrés des anglo-saxons […] qui exercent le leadership américain ». Par ailleurs, AQPA s’est aussi félicité de l’attaque de Nice du 14 juillet 2016, de l’attaque au couteau dans le Minnesota en septembre 2016 et de l’attaque de Londres en mars 2017. Par contre, il s’est désolidarisé de la tentative d’attentat menée par des femmes en septembre 2016 près de Notre Dame de Paris en déclarant : « nos frères dans le monde occidental ne doivent pas permettre à nos sœurs musulmanes de participer à une opération de djihad solitaire ». Enfin, AQPA reprend à son compte les tentatives d’attentats à la bombe du New Jersey et de New York de septembre 2016, le responsable Ahmad Khan Rahami s’étant revendiqué d’Oussama Ben Laden, d’al-Awlaki et d’Abu Muhammad al Adnani, l’ancien porte-parole de Daech neutralisé en août 2016.

Daech est en difficulté militaire au cœur de son califat sur le théâtre syro-irakien. Il ne parvient plus à progresser sérieusement dans ses wilayats (provinces) extérieures, même en Libye, en Afghanistan, dans le Caucase. Seul l’Extrême-Orient semble aujourd’hui être un terrain favorable. Cette relative stagnation voire ses reculs sont bien sûr la conséquence des multiples guerres que mènent les autorités étatiques et les différentes coalitions qui le combattent puisqu’il a réussi l’exploit de créer l’unanimité contre lui.

Même dans le Sinaï où il tient tête à l’armée égyptienne, la wilayat locale se retrouve aujourd’hui opposée à des tribus locales bédouines qui lui apportaient auparavant une neutralité bienveillante.

Par contre, Al-Qaida canal historique y est aussi pour quelque chose, particulièrement au Sahel, en Somalie, en Afghanistan (avec l’aide des taliban) et dans le Caucase car la nébuleuse combat aussi l’influence du Groupe Etat Islamique. Il est possible que le vent de la victoire étant en train de tourner, des bandes ayant fait allégeance à Daech reviennent dans son giron.

La « cause » est toujours là et c’est Al-Qaida « canal historique » qui est en train de récupérer sa dynamique. En conséquence, la victoire contre le salafisme-djihadisme est loin d’être pour demain.

1/ Des affrontements violents ont eu lieu avec des groupes de type anarchistes qui sont désormais systématiquement présents dans la rue pour lutter contre l’Etat. C’est une menace pour la société qu’il convient de ne pas négliger car ils peuvent fédérer autour d’eux de nombreux mécontentements sociaux.

2/ Non connu de l’auteur sous cette identité. A cette occasion, on apprend qu’il y aurait deux entités de Daech en Égypte : la wilayat Sinaï et une cellule couvrant le centre du pays.

3/ Si l’objectif final est le même que celui de Daech, les moyens pour y parvenir sont différents. En particulier, Al-Qaida « canal historique » accepte de faire alliance avec d’autres mouvements salafistes qui ne lui font pas allégeance. De plus, son leader, le docteur Al-Zawahiri, ne considère pas que les chiites – en dehors de leurs dirigeants – sont vraiment des « apostats » mais plutôt des « égarés » qu’il convient de ramener à la raison

D’ Alain Rodier

source : atlantico.fr

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