«Ce fut au jour où Moïse eut terminé de dresser le Tabernacle qu’il l’oignit (vaymchah’otho), le sanctifia (vaykadech otho) ainsi que tous ses ustensiles, et l’Autel ainsi que tous ses ustensiles, et qu’il les oignit et les sanctifia (vaymchah’em vaykadech otham)»   (Nb, 7, 1). Traduction Artscroll.

Nasso נשא : la bénédiction dans le récit biblique (vidéo)

Photo by Yonatan Sindel/Flash90

L’onction est l’une des liturgies les plus énigmatiques de tout le récit biblique et même de toute la conception juive de l’Histoire et du salut divin puisque le mot Messie n’est rien d’autre que la traduction du mot hébreu Machiah, qui signifie: Oint.

Mais pourquoi fallait-il que le Tabernacle fût oint à son tour, ainsi que les éléments entrant dans son édification, avec les instruments destinés à son usage?

Et pourquoi fallait-il, également, que les vêtements du Cohen satisfassent à cette liturgie, tandis que l’huile d’onction devait au surplus couler le long de sa barbe? Rituels dont le sens s’est obscurci? Pratiques liées à des formes d’être et de pensée qui ne sont plus actuelles et dont nous ne recueillons que des traces sans mémoire vérifiable?

Il est possible de le comprendre autrement et, une fois n’est pas coutume, l’on suivra à cet effet un commentaire du Zohar en tant qu’il éclaire, c’est le cas de le dire, cet ensemble d’interrogations.

Par quoi commence le processus de la Création, de la Bériah? Par une initiative du Créateur, certes, mais qu’étaye aussitôt une invite: «Soit: Lumière (Yehi Or)».

Et sans délai, ni réticence, ni réserve, la Lumière, ainsi nommée défère à cette invite: «Et la Lumière advint (Vayehi Or) (Gn, 1, 3).

Le propre de la Lumière est sa ductilité, le fait qu’elle ne présente aucune résistance, qu’elle transmette aussitôt que reçue l’expression de la dilection divine pour que les cieux puis la terre puis tout ce qu’ils contiennent potentiellement adviennent à leur tour.

Selon une autre assertion du Zohar, explicitée par toute l’exégèse des mékoubbalim, à l’origine, lorsque l’Humain fut créé, il le fut telle une entité intégralement spirituelle: entièrement lumière.

Le corps matériel n’apparaîtra, précisément avec son opacité et ses résistances, qu’à la suite de la transgression première commise au Gan Eden. Une régression qui n’est pourtant pas présentée comme irrémédiable.

Toutes les mesures qui s’ensuivent sont destinées à retrouver l’état de spiritualité prévalant avant la dite transgression, non pour nier qu’elle se soit produite mais pour affirmer que rien de fatal n’affecte définitivement la Création en général et celle de l’Humain en particulier.

Il convient donc, pour y parvenir, que l’Humain se replace constamment et consciemment sous le signe du Or, de ce qui permet à la Création d’apparaître, d’être discernée, de faire foi de son existence.

Affirmation qui fait aussitôt surgir une contradiction: comment concilier le corps humain, tel qu’il est devenu, ou tout autre élément matériel, avec la lumière tellement immatérielle que le Psalmiste affirmera au regard de l’Eternel: «C’est dans Ta lumière que la lumière se voit»? Ne suppose t-on pas le problème résolu? C’est en ce point précis que l’onction trouve son plein sens.

On le sait, elle ne peut se pratiquer qu’avec de l’huile. Tout autre liquide, le vin le plus rare, n’y servirait à rien. Pourquoi l’huile, en hébreu CheMeN? Pour deux raisons principales. La première est étymologique. Ce mot peut être lu Che-MiNMiN désigne l’origine, la provenance, le raccord d’un effet et de sa cause, d’une réalité et de sa source.

La symbolique de l’huile récuse l’idée selon laquelle l’être, pour reprendre une phraséologie de tonalité philosophique, serait «jeté-là», à charge pour lui de se retrouver, pour autant qu’il en ait les moyens. Ainsi, la symbolique de l’huile est celle de la Présence divine et d’une Création douée de généalogie (Gn, 2, 4).

L’autre raison tient à l’une des particularités du Chemen. Toute matière qu’elle imbibe est susceptible, une fois allumée, de produire de la lumière, et de la lumière qui dure. On comprend mieux à présent la signification de l’onction: d’une part affirmer la prégnance de la Présence divine, car au contraire de l’eau l’huile ne s’évapore pas, et d’autre part, rappeler la vocation de l’entité humaine à sa prime spiritualité, à sa luminosité initiale, d’où la nécessité d’oindre tous les éléments mentionnés dans les versets précités.

Ce qui conduit à cette observation complémentaire. Par elle même, l’onction ne suffit pas. Elle doit être suivie et parachevée par une sanctification, laquelle atteste de l’adéquation entre la dilection divine et les démarches humaines.

Cette adéquation n’est pas donnée d’emblée. D’où le passage de la Michna, lu à la prière de Arvit de chabbat et qui commence par «Bémah madlikim»? «Par quoi pouvons nous allumer?» et qui décline à la fois les sortes d’huile et les qualités de mèches compatibles ou non avec la sanctification chabbatique.

Ce qui apparaîtra avec plus de netteté encore lorsqu’on aura rappelé qu’en hébreu, hapétil, la mèche, est formé des mêmes lettres que le mot tep(h)ila: la prière, celle qui raccorde la lumière de chaque âme à celle du Créateur, de sorte que toute conduite adéquate à la Création, que chaque mitsva, devienne à son tour une onction, celle de la matière à laquelle elle se rapporte, selon cette autre affirmation du Psalmiste: «Car la mitsva est veilleuse (ner), et la Thora, lumière(Or)».

En ce sens, la mèche de la veilleuse, imbibée d’huile pure, capable de nourrir durablement une lumière vitale, devient l’équivalent de l’âme humaine lorsqu’elle s’alimente à la Lumière où s’alimentent toutes les autres lumières, intellectuelles ou physiques.

Raphaël Draï Z’l  raphaeldrai.wordpress.com

 

 

 

 

Nasso: la bénédiction des Cohanim

Élever quelqu’un à une dignité, élever la voix…. Autour de ces deux significations se range la sidra de cette semaine.

Élever les enfants de Lévy (Kehat , Guershon et Merari) aux dignités de Chantres qui vont, en soulevant le Tabernacle, élever leurs voix…. car, aussi bien les Cohanim guedolim doivent s’acquitter de leur tâche sans parler, autant les Léviim doivent s’acquitter de leur tâche en psalmodiant.

Mais,  dans l’action d’élever quelqu’un à une dignité, il y a aussi la volonté de rapprocher quelqu’un qui, volontairement ou involontairement, se serait éloigné de son milieu, de sa famille, de sa communauté.

Ce rapprochement décrit un premier stade dans la longue démarche de l’engagement et de la responsabilité  du particulier vis-à-vis de la communauté et de la communauté vis-à-vis de l’individu, l’importance de l’implication de l’individu dans le sort commun d’un groupe de personnes (communauté).

Le Rav Soloveichik, dans son ouvrage « sur la Teshouva » explique à quel point l’individu faisant teshouva peut intervenir dans le sort d’une communauté entière et inversement….

Le nom de cette sidra prend sa source dans le verbe לשאת[1] (lassete) porter ou élever et aussi épouser car l’époux dès le moment où il se sera uni à son épouse l’aura élevée au rang de אשת איש et, dès lors, le mari se porte garant de sa femme et de tout ce qui la concerne. לשאת אישה épouser une femme c’est la porter non pas physiquement – encore que soulever sa femme nouvelle épousée n’est en fait que l’illustration physique de l’expression biblique – mais aussi la supporter même dans le sens de la soutenir.

En ce cas quelle est la signification ici de nasso ? Ici, le sens est d’élever les trois chefs de famille[2] des Léviim à des dignités de chantres et également les charger d’une responsabilité qui est celle de transporter les ustensiles du Temple sur des chariots qui vont être affrétés à cela en effet, deux des chariots seront destinés au transport des tentures et les quatre autres seront  chargés des poutres et autres accessoires.

Et, il est intéressant de découvrir la complémentarité qui se dégage de  מלאכת הקודש   : ainsi le camp va être levé et les tâches seront réparties : les cohanim emballeront les ustensiles du mikdash et les léviim les soulèveront et les transporteront, de manière à préserver la vie des Kehatites, des Guershonides et des Mérarites.

En effet, la tentation peut être forte pour un Lévi  qui  pourrait être tenté de  tenter d’apercevoir les ustensiles dont le cohen gadol se sert dans l’exercice de ses fonctions et il pourrait en mourir comme cela se produisit par la suite lorsque l’Arche traversa Beith Shemesh et que certains ont soulevé un pan de tissu pour apercevoir le contenu de l’Arche ce qui occasionna la mort de soixante-dix hommes sur une assistance de 50,000 personnes !

Dans cette péricope sont évoqués des thèmes très importants tels que Sota (la femme infidèle), les lois sur le nazir, et la birkat hakohanim.

Le texte de la Torah va exposer en un nombre de versets assez restreint pour expliquer le processus à entreprendre pour éclaircir le doute qui pourrait se faire jour en cas de jalousie de l’époux envers sa femme et donc de présomption d’adultère.

C’est ainsi d’ailleurs, à ce propos, par une allusion, que l’on comprend que la femme mariée doit normalement avoir la tête couverte :   il est précisé en effet, que le Cohen doit ôter le couvre-chef de la femme soupçonnée et, il n’est nulle part ailleurs, question de couvre-chef pour la femme mariée.

L’ascète (le nazir),  ne se consacre à D. en général que pour une durée limitée (un certain nombre d’années) sauf en ce qui concerne Samson qui fut consacré à l’ascèse dès sa naissance.

Birkat hakohanim, la bénédiction des cohanim, bénédiction triple, dont l’importance cabalistique est d’une très haute portée. La bénédiction comporte quinze mots. Les os formant la main sont au nombre de quatorze comme la valeur numérique du mot yadידmain en hébreu ce nombre vient simplement montrer le rapport qu’il y a entre la main et D : 14+1=15 (la main et D)  la main qui va servir de moyen de transmission de la bénédiction des cohanim vers le peuple d’Israël…..et D qui bénit Son peuple par le truchement des cohanim……

Dans cette parasha, vers la fin, seront évoquées ce qu’on a coutume de nommer parashioth ‘hanessiim  dont on a coutume de lire une portion chaque jour de la fête de Hanouka. Se pose une question : le mot nessiim נשיאיםest traduit généralement par le titre de Prince et il s’agit donc des Princes des douze tribus d’Israël.

Or, Prince se traduit par nassikh : נסיך si c’est nassikh alors pourquoi nassi נשיא qui est traduit généralement de nos jours par Président ?  C’est aussi parce que ces Princes portent sur eux une charge ou une responsabilité : ils portent une charge.

Dans la sidra de « Nasso » il est question des ascètes et de l’ascétisme qui n’est pas un acte recommandé mais qui existe et en tant que tel, mérite d’être régi par des règles.  Le très difficile sujet de la femme infidèle y est abordé également. La femme infidèle ou en hébreu אישה סוטהisha sotta[3] .

Il est à souligner que lorsqu’un époux est jaloux et soupçonne sa femme d’adultère, la loi juive se porte non seulement du côté de l’époux mais aussi du côté de la femme soupçonnée peut-être abusivement ou injustement et en se portant aussi du côté de la femme pour le cas où le mari n’est pas d’une conduite irréprochable par exemple.

D’autre part, ce que le Cohen Gadol va écrire sur un parchemin pour démasquer la fautive ne sera accompagné d’aucun effet si l’accusée est innocente.

Dans certaines synagogues, au moment de la birkat Cohanim les femmes ont parfois des conduites bizarres : les unes continuent à prier normalement tandis que certaines se cachent derrière leur  livre de prières, d’autre se voilent le visage, d’autres encore tournent carrément le dos à l’eikhal et donc aux Cohanim.

Elles le font en général parce qu’on leur a dit que celui qui regarde le Cohen pendant la bénédiction pontificale, risque de perdre la vue. L’origine se trouve peut-être en ceci : Les Léviim n’avaient pas le droit de regarder les ustensiles du Mishkan pour ne pas être aveuglés par la sainteté qui y résidait et c’est la raison pour laquelle ils étaient enveloppés de tissus.

Tout Cohen n’est pas forcément apte à faire la bénédiction des Cohanim : il suffit qu’il ait un défaut physique ou même verbal pour ne pas être apte à répéter la triple bénédiction la raison est que le Cohen Gadol doit avoir une apparence parfaite, il doit avoir une conduite exemplaire et ne serait-ce que si, de par son métier, il peut avoir les mains ou les pieds teintés (la guemara cite par exemple les tanneurs ou les teinturiers) et ne peut se tenir face au public pour prononcer le nom ineffable.

Caroline Elisheva REBOUH
[1]- Avec un noun défectif puisque la racine est noun, sine, alef נשא .
[2]- Les Kehati, les Guershoni et les Mérari.
[3]- d’où vient le mot sotte en français.

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