Faisant suite à Yitro qui contient le Décalogue, Michpatim constitue l’une des sources du droit juif, civil et criminel.

 

On y trouve des prescriptions rituelles telles que les fêtes, l’année sabbatique ou encore l’interdit de mélanger le lait et la viande, mais surtout, en bien plus grand nombre, des lois de justice et d’équité, ainsi qu’il est écrit : « Et voici les règles de justice (mishpatim) que tu placeras devant eux »[1]. Le « Sefer haBrit », Livre de l’Alliance[2], est donc d’abord et avant tout un texte juridique et éthique, où l’interdit de tuer, l’interdit de voler et celui de convoiter qui clôturent le Décalogue dans la parasha précédente, se retrouvent développés, commentés, analysés ; c’est évidemment plutôt dans Neziqin, dans l’ordre des « Dommages » de la Mishna et du Talmud, que ces commandements sont le plus longuement étudiés.

Une phrase souvent citée de notre parasha, que ce soit pour résumer ce qui serait l’essence de la pratique religieuse juive, ou pour clouer le bec de ceux qui auraient le malheur d’interroger le texte, est le fameux « Nous ferons et nous comprendrons », tiré du verset suivant : « Et [Moïse] prit le Livre de l’Alliance et le lut aux oreilles du peuple et ils dirent : ‘Tout ce que l’Éternel a dit, nous le ferons et nous le comprendrons !’ »[3], verset que nous devons faire l’effort d’entendre dans son contexte.

En effet, un peu plus haut, Moïse a répété à voix haute tous les mishpatim au peuple qui lui avait fait savoir après le Décalogue qu’il ne pourrait plus supporter d’écouter directement la parole de Dieu : « Et tout le peuple vit les voix et les éclairs, et la voix du shofar et la montagne fumante, et quand le peuple vit cela, il trembla et se tint éloigné. Puis ils dirent à Moïse : ‘Toi, parle-nous, et nous comprendrons, mais qu’Elohim ne nous parle plus, car nous en mourrions !’ »[4].

Viennent donc les mishpatim qui développent la parasha de Yitro et ses fameuses Dix Paroles, et c’est Moïse, à la demande des Hébreux terrifiés, qui a en charge de les leur énoncer. Après cette révélation par l’intermédiaire du prophète – et non plus par la voix même de l’Eternel –, ils s’écrient : « Toutes les paroles que l’Éternel a prononcées, nous ferons ! »[5] Suite à quoi, c’est le verset suivant, Moïse les met toutes par écrit.

Après une série de sacrifices, il prend le rouleau qu’il vient de rédiger, lit l’ensemble des prescriptions, celles qu’il avait une première fois promulguées sous l’inspiration de Dieu, et c’est là que le célèbre « nous ferons et nous comprendrons », naaseh venishma, fait réponse à sa voix.

En d’autres termes, face à la parole pure, brute, nous avions un « nous ferons » seulement, mais face à l’écrit, le « nous comprendrons » vient renforcer le « nous ferons » et lui donner un nouveau sens. Notons au passage que si le Décalogue en tant qu’épiphanie directe précède toutes ces lois, les Tables de l’Alliance, que ce soient celles que Moïse brisera ou, à plus forte raison, celles qu’il gravera lui-même pour remplacer les premières, ne viennent qu’après le Livre de l’Alliance de Mishpatim.

Enseigner ou démontrer

Naaseh venishma, primat du faire sur le comprendre ? En un sens, oui, et il est évident que si l’on doit attendre de comprendre le sens de tout commandement avant de le mettre en pratique, il n’y aura plus ni judaïsme, ni éthique, ni droit, fût-ce d’ailleurs un droit laïque.

Si j’écoute Sade, même tuer ou violer ne posent aucun problème moral, tant que j’ai la force et le désir de le faire : un être humain, argumente l’auteur de la Philosophie dans le boudoir, ne vaut pas mieux qu’une fourmi.

La Torah ne démontre pas le contraire, elle nous l’enseigne comme une vérité incontestable et divine. Amusez-vous à démontrer que le meurtre est moralement et absolument répréhensible, vous n’y arriverez pas, Sade l’emportera, car vous n’arriverez jamais à démontrer de lien absolu entre la supériorité de notre intelligence et la sacralité de toute vie humaine (quid d’un humain très gravement handicapé ?), ou le fait que « nous sommes tous frères » et l’immoralité du meurtre, ce dernier fait pouvant à la rigueur être admis mais n’impliquant aucune conséquence autre qu’affective, aucune conséquence logique : si je veux tuer mon frère après tout, qu’en est-il ??

Il faut pour fonder une vraie condamnation du meurtre une morale transcendante, un lo tirtzah’, un tu n’assassineras pas, l’idée que l’homme possède une essence divine, et ce principe peut, devrait même s’incarner dans notre rapport concret, immanent, à l’autre humain – raison pour laquelle on nous apprend la fraternité, le sentiment d’appartenir à une seule « chair » – mais il nécessite pour demeurer incontestable une fondation au-dessus de tout, un commandement divin.

C’est donc à plus forte raison le cas pour les commandements rituels. On les accomplit et c’est l’aventure de toute une vie ou de plusieurs d’en comprendre le sens ou les sens. Chacun d’ailleurs peut avoir le sien, et ce primat du faire est aussi fondateur de liberté : je n’écoute aucun gourou, je fais et je comprends à ma manière – et je transmettrai ce faire à mes enfants, qui seront libres de le comprendre différemment. Le rite demeure, le sens varie, s’étoffe, se meut ou s’atténue, se contredit, se multiplie ou s’élargit.

L’étude est une pratique

En même temps, la Torah ne saurait défendre l’obéissance aveugle au commandement, ne serait-ce que parce que sans comprendre ce qui est commandé, on ne saurait faire. J’ai commenté dans un précédent article l’épisode de la Akéda en tenant compte de l’interprétation de Rashi et du Talmud, selon laquelle Abraham n’avait pas compris la parole de Dieu et, s’apprêtant à appliquer littéralement ce qui lui était demandé en offrant Isaac en sacrifice, commettait donc un crime au lieu de se montrer pieux comme il fallait ![6] Sans comprendre, on risque bien de faire à côté, voire de faire le contraire de ce qu’il faut faire, et c’est peut-être bien le problème du fanatisme.

Mishpatim regorge d’exemples concrets. Toujours ramener un objet trouvé, appartînt-il à un ennemi, est l’un des fondements de l’éthique juive, un développement de l’interdit du vol et de l’interdit de convoiter, et l’une de ses sources se trouve dans notre parasha[7].

Pour autant, qu’est-ce qu’un objet trouvé ? Comment le rapporter ? Comment le rapporter à son propriétaire et s’assurer qu’il n’arrivera pas entre les mains d’un imposteur ? Comment s’acquitter de ce commandement si l’on y perd soi-même ?

Voilà des questions dont la résolution est en vérité indispensable à l’application du commandement : où le comprendre précède nécessairement le faire. Elles seront l’objet des deux premiers chapitres de Bava Metzia et de divers autres passages du même traité, ce qui doit constituer plus de soixante-dix pages dans le Talmud ! C’est beaucoup pour une poignée de versets bibliques, mais sans cela, le commandement resterait une parole muette.

Sans étude, point d’action, et ça tombe bien, l’étude est elle-même une mitsva, aussi importante que le shabbat ou la kashrout, n’en déplaise à ceux qui voudraient que l’on soit d’abord « pratiquant » avant d’avoir le droit d’étudier et de questionner les textes : l’étude est une pratique, un point, c’est tout, et une pratique qui rend toutes les autres possibles.

Bien sûr, la Tradition joue un rôle essentiel dans la transmission d’un faire relativement incontestable : la Loi Orale fixe bien souvent ce qu’il faut faire, quand la Loi Écrite, le Pentateuque, n’est pas assez explicite.

La Mishna est d’abord le recueil de ces prescriptions toraniques qui n’étaient pas écrites avant la fin du IIe siècle de notre ère et ne faisaient pas partie de la Bible. Cependant, là encore, et précisément parce que c’est de Torah qu’il s’agit, et que la parole de Dieu a la particularité d’être à la fois inaccessible et non-figée, il faudra des générations et des générations de discussions pour que tout cela prenne sens. Mieux, c’est en nous, Juifs du futur, que la Torah du Sinaï se met à exister.

À la fin de la parasha, en un geste qui va clôturer la récitation des paroles de l’Alliance et introduire la retraite de Moïse au terme de laquelle il redescendra avec les deux Tables gravées, nous le voyons amener les Anciens avec lui pour contempler le bas du palais de l’Éternel qui est décrit en termes mythologiques : « et ils virent le Dieu d’Israël et sous ses pieds comme une œuvre de saphir et comme l’os des cieux en pureté »[8]. Tous survivent à cette nouvelle épiphanie.

La voix divine est insupportable, la « face de Dieu » est invisible mais les Anciens peuvent voir ses pieds et le sol mystique que ceux-ci foulent : vision métaphorique qui scelle notre rapport à la transcendance. Dieu n’apparaît jamais complètement, seul le « bas » de sa splendeur nous est accessible et ce, par l’intermédiaire de la Tradition (les Anciens). Sublime donc, mais un sublime partiel, un sublime impossible par là-même à réifier.

Les Anciens n’ont vu qu’une parcelle de la vérité

Et l’on voit bien, du même coup, à quel point notre allégeance à la Tradition se doit d’être dialectique : les Anciens n’ont vu qu’une parcelle de la vérité et c’est cette parcelle que Moïse leur a demandé de transmettre aux jeunes générations.

Voilà pourquoi la Loi Orale admet plusieurs vérités, voilà pourquoi elle est contradictoire, et voilà pourquoi on ne doit pas plus écouter les Sages comme des gourous qu’obéir aveuglément, tel Abraham au Mont Moriah, à la parole directe et donc inexistante de Dieu. La Torah est toujours médiation, différence et discussion. Elle serait sans cela ou bien complètement inaccessible – sauf peut-être aux Prophètes – ou bien fausse, car rendue « chose » ou idole, ramenée à un seul de ses aspects.

J’ai signalé que le « nous comprendrons » venait étendre le sens du « nous ferons » après la mise par écrit des commandements. C’est que l’écrit ne fait pas que fixer la parole, il la médiatise aussi. En d’autres termes, imaginons un ordre oral tel que celui-ci : « Tu ne cuiras pas un chevreau dans le lait de sa mère »[9]. Cet ordre, parce qu’il est oral, peut disparaître avec les générations, ou être déformé : c’est le principe du « téléphone arabe ».

Toutefois, on connaît le cas de cultures orales, en Afrique notamment, où des prescriptions rituelles, des récits, des chants, semblent s’être transmis pendant de nombreux siècles et sans y perdre.

À vrai dire, l’Antiquité grecque et romaine était une civilisation de l’oral et de la mémorisation et ce fut sans doute le cas aussi des Juifs pour une grande part. Au reste, les écrits aussi peuvent disparaître : un livre peut brûler, une tablette de cire fondre, une table de pierre se briser, un disque dur perdre ses données, disparaître ou, comme la table de pierre, être endommagé à tout jamais. L’écrit n’est pas nécessairement plus pérenne que l’oral.

Pourquoi, alors, mettre la loi par écrit ? Peut-être parce que, comme dirait Derrida dans La pharmacie de Platon, l’écrit est une parole orpheline, une parole dont le père est absent. Je fais ce que je veux de ce verset du chevreau, puisque la bouche qui l’a d’abord proféré n’est pas là quand je le lis ! L’écrit, en un mot, rend libre.

On comprend dès lors pourquoi face à la seule parole orale, les Hébreux voulaient faire et pourquoi, réécoutant les mêmes mots une fois écrits, ils veulent faire et comprendre : dans le contexte de la parasha, leur serment ne dit pas tant le primat du faire, que l’engagement à essayer de comprendre et à donner du sens, un sens à eux, à un faire qu’ils ont déjà, quelques versets plus haut, choisi d’accomplir. Ainsi, il n’y a ni faire sans comprendre, ni parole de Dieu sans sa mise par écrit, c’est-à-dire son humanisation.

DIEU RIT ET DIT : « MES ENFANTS M’ONT VAINCU »

Une chose qui frappe le lecteur de Mishpatim est que les premières lois qui y sont édictées concernent les esclaves. Contrairement à ce que dit le texte populaire d’Herbert Pagani, ce « Plaidoyer pour ma terre » que pas mal de Juifs de ma connaissance, laïques, progressistes et sionistes, aiment à écouter en boucle, non, les Hébreux n’ont pas aboli l’esclavage et celui-ci est même largement codifié dans la Bible, le Talmud ou même le Mishneh Torah de Maïmonide.

Il y a par ailleurs une différence entre esclaves israélites et non-israélites, ces derniers n’étant pas nécessairement libérés quand les premiers devaient être affranchis tous les sept ans. Face à ces faits choquants pour une sensibilité moderne, une approche progressiste et néanmoins fidèle à la Torah est possible.

Il y a dans le Talmud un très célèbre récit. Rabbi Eliezer et Rabbi Josué débattent du statut rituel d’un four auquel ne s’appliquent pas, selon Rabbi Eliezer, les lois de la pureté (ce four, le « tanur shel Akhnaï », ne recevant ni ne transmettant l’impureté) car ce four n’est pas mentionné dans la Loi.

Au contraire, Rabbi Josué et les autres Sages veulent étendre au tanur shel Akhnaï les lois des fours déjà connues. Rabbi Eliezer a pour lui la tradition, Rabbi Josué l’avis de la majorité. Notons que la tradition prise à la lettre comme le veut Rabbi Eliezer serait moins contraignante ! C’est l’opinion novatrice qui constitue une extension de la Loi, ce qui veut dire qu’on ne peut pas utiliser ce texte qui verra triompher Rabbi Josué pour soutenir l’ « assouplissement » de la Torah mais bien plutôt comme un « plaidoyer pour la h’umra » comme le dirait mon ami Emmanuel Bloch[10].

Rabbi Eliezer a pour lui divers prodiges qui semblent indiquer que Dieu lui-même est de son côté, et à chaque fois son adversaire rétorque que ça ne prouve rien, comme lorsqu’un arbre se déracine subitement de lui-même pour se ré-enraciner ensuite : « Un arbre ne prouve rien ».

Et lorsqu’une voix céleste intervient, Rabbi Josué répond tout simplement que la Torah « n’est pas au ciel », citant d’ailleurs, mais de manière déformée, le Deutéronome. Suite à quoi nous apprenons que Dieu rit et dit : « Mes enfants m’ont vaincu »[11].

Sur ce texte prodigieux, beaucoup a été écrit. Rappelons qu’il prend place dans un développement sur l’honneur et l’humiliation du prochain, et que le traitement infligé à Rabbi Eliezer au nom de la nécessité d’étendre la loi et d’obéir à l’avis de la majorité, est explicitement condamné, aspect du récit qui est moins souvent mis en valeur, alors qu’il nous apprend à faire attention, dans notre audace et notre révolte, à notre semblable et à nos aînés : guerre sainte certes, comme dit Rabbi Hayyim de Volozhyn, mais « à la poussière de leurs pieds ».

Ensuite, j’y insiste, loin de défendre le laxisme au nom du libéralisme religieux, Rabbi Josué prend acte d’une nouveauté technique et considère que la Torah doit s’étendre à cette nouveauté, même si Moïse n’avait, lui, jamais entendu parler du tanur shel Akhnaï. Logique qui a permis, entre autres, d’interdire de toucher à l’électricité le jour du shabbat même si l’électricité n’est évidemment mentionnée dans aucune de nos sources : sans cette logique, le judaïsme ressemblerait tout simplement à la religion des Amish ; avec elle il peut aussi se montrer plus strict…

Une révolution morale

Appliquée au cas de l’esclave, que donnerait-elle ? L’esclavage n’est pas tant une réalité morale au temps de Moïse que la base de toute l’économie et de l’ordre social : il y a des hommes libres et des esclaves, c’est ainsi. La Torah s’inscrit dans ce contexte, elle « parle le langage des hommes ».

Mais dès lors que l’esclavage disparaît, qu’il n’est pas plus une nécessité économique, sociale et politique pour nous, Juifs normaux du XXIe siècle, que l’usage du dromadaire ne l’est pour ceux d’entre nous qui pratiquent le commerce (et pourtant nos sources mentionnent bien les caravaniers et autres exotismes !), alors il ne sert à rien de justifier l’esclavage au nom de la Torah.

On peut tout au plus dire que la Torah, face à une certaine réalité technique, a agi d’une certaine manière et que dans cette « révélation continue » comme dit Norman Lamm, que sont la Tradition et ses commentaires infinis, elle s’adapte à une nouvelle réalité et lui étend ses principes.

Ses principes ? Lesquels, me direz-vous ? Comment savoir ce que la Torah pense « vraiment » de l’esclavage ? Elle l’admet : cela ne suffit-il pas à dire qu’elle en a une vision au mieux neutre, au pire positive ? Pour ce qui est de l’écorce de la Torah, oui, on peut le dire.

Il n’en reste pas moins qu’elle se montre en même temps novatrice quant à cette institution. Elle n’opère pas tant une révolution politique – puisqu’elle ne l’abolit pas – qu’une révolution morale : dans tout l’Orient et probablement la Méditerranée, elle constitue le premier système qui reconnaisse l’humanité de l’esclave en interdisant qu’on le mutile ou qu’on le tue.

Dans le Code d’Hammourabi, le maître avait le droit de mutiler son esclave, c’était l’esclave de l’autre qui devait être préservé, non pour lui mais bien pour son maître. Au contraire, nous lisons dans Mishpatim : « « Que si un homme frappe l’œil de son esclave ou l’œil de sa servante et l’endommage, il le renverra libre à cause de son œil. Et s’il brise la dent de son esclave ou la dent de sa servante, il le renverra libre à cause de sa dent. »[12] Il s’agit, le contexte est assez évident, d’un esclave non-israélite.

De même le maître ne peut tuer volontairement son esclave cananéen, l’étranger qu’il possède pour le servir, sans quoi celui-ci, nakom yinakem, doit être sévèrement vengé, ce que Maïmonide n’hésitera pas à comprendre comme la nécessite d’appliquer au maître la même peine que pour le meurtre d’un homme libre : la peine de mort.

Nous avons beau être contre cette dernière, la Torah et tous les systèmes juridiques anciens l’admettent : elle serait en revanche le premier à traiter de la même manière hommes libres et esclaves et à punir également le meurtre d’un esclave par son maître et celui de n’importe quel homme libre.

Un autre parallèle avec Hammourabi est encore plus saisissant peut-être. Dans Ki tetzé est formulée l’interdiction de ramener un esclave en fuite à son maître[13]. On trouve l’interdiction inverse, mot pour mot, dans le Code d’Hammourabi. Oui, mot pour mot : « Si un homme a abrité chez lui un esclave ou une esclave en fuite […], et s’il ne le fait pas sortir, [il] est passible de la mort. »[14]

On le voit, la Torah rompt un certain horizon d’attente moral. C’est dans cet écart par rapport à l’horizon qui précède le Sinaï que se situe ce que nous pourrions appeler l’ « esprit de la Torah ». Il ne s’oppose pas à la lettre comme le croyait celui qui disait que « la lettre tue mais l’esprit vivifie »[15], mais la sous-tend et l’étend.

En l’étudiant nous nous battons avec le texte pour faire surgir cet esprit, cette flamme, de l’écorce et de la cendre. Nous pouvons nous tromper bien sûr, mais on risque plus de se tromper en obéissant aveuglément à un commandement qu’on ne comprend pas ou que l’on n’a pas cherché à inscrire dans notre propre horizon.

Alors qu’en nous battant ainsi pour comprendre et pour faire, nous faisons exister la Torah de vie, lettre et esprit tout à la fois, corps et âme.

© Sacha Galitsky, "Turning Hourglass"

© Sacha Galitsky, « Turning Hourglass »

Le commentaire de la parasha par David Isaac Haziza


[1] Exode, 21 : 1.
[2] Exode, 24 : 7.
[3] Exode, 24 : 7.
[4] Exode, 20 : 15-16.
[5] Exode, 24 : 3.
[6] Cf. Parashat Vayéra: « Le juge de toute la terre… »
[7] Exode, 23 : 4.
[8] Exode, 24 : 10.
[9] Exode, 23 : 19.
[10] http://www.modernorthodox.fr/plaidoyerpourlahoumra/
[11] Bava Metzia, 59b.
[12] Exode, 21 : 26-27.
[13] Deutéronome, 23 : 16.
[14] Code d’Hammourabi, XVI.
[15] Seconde Epître aux Corinthiens, 3 : 6.

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