« Daesh assome ses 10 millions de citoyens de toutes sortes d’impôts », dénonce le numéro de Capital consacré à « la multinationale du terrorisme », diffusé deux semaines après l’opus intitulé : « Argent public, le gaspillage continue ». « L’adminsitration de l’Etat islamique a mis en place une politique fiscale particulièrement lucrative », déplore encore le commentaire. Au prix d’une audacieuse enquête, M6 démontre que cette administration n’a rien à envier à la nôtre quand il s’agit de racketer les contribuables et de gaspiller l’argent public.
« Tout ce qui rentre, sort ou transite par le territoire de l’Etat islamique est ponctionné », révèle l’enquête de M6. Une hérésie sur une planète tout entière ralliée au libre-échange. Pas sûr que la candidature de Daesh à l’OMC soit acceptée de sitôt. « Par ses taxes douanières, l’Etat islamique force même ses ennemis à le financer », bravant ainsi les lois du commerce international. Le reporter prend l’exemple du droit de passage d’un camion venu de Turquie pour approvisionner le marché de Bagdad : « 250 euros », assure un transporteur.« C’est très cher, ça n’affecte pas votre commerce ? »,s’inquiète le journaliste. Forcément, ça plombe les marges des entreprises irakiennes qui, du coup, renoncent à développer des investissements.
« Ce droit de passage n’est pas un simple bakchich. » Pour des Arabes, c’est étonnant. « L’organisation terroriste a officialisé cette taxe, elle émet même des reçus de paiement. »C’est la moindre des choses. « Car Daesh n’est pas seulement un groupe terroriste. L’organisation veut s’afficher comme un Etat. » Un Etat vautour qui, comme le nôtre, multiplie les inventions fiscales pour « assomer » ses citoyens. « Un racket qui lui permet de récolter chaque mois des millions d’euros.
« Racket », « extorsion » (comme dans le graphique ci-dessus) : je savais la ligne éditoriale de Capital très libérale, mais de là à assimiler l’impôt à un délit, elle vire au poujadisme… Elle va bientôt emprunter les termes guerriers utilisés par l’UMP, du style « pilonnage fiscal ». Bref, la pression fiscale de Daesh est telle que sa« manne financière est en perpétuelle augmentation. Elle a même dépassé la contrebande de pétrole dans les revenus des djihadistes ».
Grâce à un groupe d’opposants syriens originaires de Raqqa et exilés en Turquie, M6 découvre que dans la « capitale de Daesh », « la zakat, aumône versée par chaque musulman qui en a les moyens en faveur des plus démunis, est devenu un impôt obligatoire ». « Tu payes un impôt à Daesh selon tes revenus mensuels,explique l’opposant syrien. Si ton revenu est de 100 euros, tu dois payer 2 euros. »2 % d’impôt sur le revenu, c’est raisonnable… mais mieux vaut ne pas être trop riche : « Il y a des tranches et à chaque nouvelle tranche de 100 euros, ça augmente. » Pour arriver à des taux exorbitants, comme en France.
« En plus de cet impôt sur le revenu, Daesh utilise tous les prétextes pour extorquer des fonds à la population de Raqqa », poursuit le reporter. Vous allez voir qu’ils vont refaire le coup de l’écotaxe. « Les commerçants doivent payer une taxe, entre 5 et 10 % sur leur chiffre d’affaires. » Pire, à l’heure où la libéralisation des services publics est devenue la norme, « les terroristes », eux, nationalisent à tout-va : « Ils contrôlent également l’accès au téléphone et à l’eau courante. » Et comme ils ne parviennent pas à maintenir le réseau électrique en état, ils se sont octroyé le monopole vente des groupes électrogènes, au mépris du respect de la concurrence libre et non faussée.
« Un système d’extorsion généralisé, une administration insatiable », assène le commentaire de M6, fidèle porte-voix de l’orthodoxie libérale. « Ce racket à grande échelle imposé par Daesh a poussé des millions de civils à fuir le territoire de l’Etat islamique », un exil fiscal comparable à celui des Français vers la Belgique ou la Suisse, mais encore plus massif, comme le prouve ce long cortège :
Parmi ces exilés fiscaux, l’enquêteur a trouvé une femme dont la famille, chrétienne, devait payer la djizya, l’impôt médiéval dû par les minorités pour bénéficier de la protection du calife. Et pourquuoi pas le rétablissement de la gabelle, tant qu’on y est ?! « A Mossoul, le montant exigé par Daesh était exorbitant »,estime le reporter. 100 000 dinars par tête, confie la réfugiée, membre d’une famille de sept personnes. « On devait payer 700 000 dinars par mois alors que mon mari ne gagnait chaque mois qu’un million de dinars. » 70 % de taux d’imposition, c’est carrément confiscatoire ! On s’approche de la taxe à 75 % voulue par François Hollande.
Après avoir détaillé la masse d’impôts exigée par Daesh, Capital enquête brièvement pour savoir si le produit de ce racket fiscal est bien employé. Sans surprise, et comme en France, le magazine met en lumière une véritable gabegie de l’argent public, principalement au bénéfice de fonctionnaires forcément privilégiés.« Nos cinq millions de fonctionnaires pèsent lourd dans la dépense publique »,jugeait le magazine il y a deux semaines.
Ceux de Daesh aussi : chaque combattant reçoit une solde de 50 dollars, plus 50 dollars pour sa femme… sauf qu’il peut avoir jusqu’à quatre épouses ! Un moyen comme un autre de multiplier son revenu. Sans parler des multiples primes, à l’instar de celles versées à nos fonctionnaires des collectivités locales et dénoncées par France 2, par exemple « 2 000 dollars pour la prise de Mossoul ».
Autre énorme source de gaspillage de l’argent public identifiée par Capital, comme dans nombre de collectivités locales : de pharaoniques dépenses de marketing et de communication, avec de « luxueux magazines de propagande »traduits dans toutes les langues et des films à gros budget réalisés selon les standards hollywoodiens par des réalisateurs chevronnés – comme en attestent les nombreux extraits diffusés en boucle par M6.
Pour conclure, l’enquêteur estime que « Daesh doit apprendre à gérer le budget d’un pays, ce que ses ressources ne lui permettent pas encore sur le long terme ». « Le constat, il est implacable : les dépenses publiques ne cessent de progresser »,affirmait déjà l’émission il y a deux semaines. D’autant que « l’Etat islamique peine à assurer les services publics de l’eau et de l’électricité ». Pourquoi ne confie-t-il pas ces tâches au secteur privé, beaucoup plus efficace, au moyens de délégations de service public ?
Si, comme le prétend M6, « les djihadistes veulent restaurer le grand califat qui s’étendait jusqu’aux portes de la France », il leur faudra adopter les critères de Maastricht. Une véritable révolution budgétaire et fiscale pour l’organisation terroriste, estime M6 : « Cette guerre sans fin pourrait la mener aux limites de son modèle économique. » Voyez ce qui est arrivé à la Grèce.
![]() |
![]() |